Définition de COMPAGNON

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : kon-pa-gnon

DÉFINITIONS

1
Celui qui accompagne une autre personne, qui est associé à elle.
Mais de qui savez-vous un désastre si grand ? - Des compagnons d'Araspe et d'Araspe mourant
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. V, 3
Gouvernez, si vous pouvez, tout seul les affaires, administrez la justice sans compagnons
de Jean-Louis GUEZ de BALZAC dans liv. IV, lett. 18
.... Oui, mon fils, c'est vous sur qui je me repose, Vous seul qu'aux grands desseins que mon coeur se propose, J'ai choisi dès longtemps pour digne compagnon
de Jean RACINE dans Mithr. II, 5
L'inexpérience indocile Du compagnon de Paul-Émile Fit tout le succès d'Annibal
de Jean-Baptiste ROUSSEAU dans Ode à la Fortune.
Venez, dignes soutiens de la grandeur romaine, Compagnons de César....
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Mort de César, I, 3
Se dit des religieux qui habitent ou qui marchent ensemble. Un moine ne doit point sortir de son couvent sans que son supérieur lui donne un compagnon.
Sémantique : Fig.
Le bon coeur est chez vous compagnon du bon sens
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. XII, 23
Compagnon de la mate, s'est dit pour filou, voleur. Alors le drille voulut parler à son tour des compagnons de la mate, Recueil de pièces com. dans LEROUX, Dict. comique.
2
Camarade.
Il pouvait, sans sortir, contenter son envie, Avec ses compagnons tout le jour badiner, Sauter, courir, se promener
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VIII, 16
3
Collègue, confrère.
Le notaire : Moi ! si j'allais, madame, accorder vos demandes, Je me ferais siffler de tous mes compagnons
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Femmes sav. V, 3
Compagnons d'armes, gens qui font la guerre ensemble.
Il appelle ses compagnons de guerre
de Jean de LA BRUYÈRE dans Théophraste, 25
4
Un égal. Il ne peut souffrir ni compagnon ni maître.
En compagnons, sans cérémonie et comme il convient entre camarades.
Je vous supplie, dit-il, vivons en compagnons
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. VIII
Sémantique : Familièrement. Traiter quelqu'un de pair à compagnon, d'égal à égal.
C'était un gros homme frais, rustre, très volontiers brutal, pair et compagnon avec tout le monde
de Louis de Rouvroy, duc de SAINT-SIMON dans 52, 123
Comment, disait-il en son âme, Ce chien, parce qu'il est mignon, Vivra de pair à compagnon Avec monsieur, avec madame, Et j'aurai des coups de bâton !
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. IV, 5
5
Autrefois, garçon qui, ayant fait son apprentissage en quelque métier et n'ayant pas le moyen de se faire passer maître, allait servir et travailler chez les autres.
Aujourd'hui, ouvrier qui a fini son apprentissage mais qui travaille pour un entrepreneur ou un autre ouvrier jouant le rôle d'entrepreneur. De simple compagnon, il est devenu chef d'atelier.
Il a des compagnons qui travaillent sous lui
de Jean de LA BRUYÈRE dans V
Parmi les maçons, compagnon se dit, entre deux ouvriers, de celui qui aide à l'autre.
Dans la typographie, nom que se donnent ceux qui travaillent à une même presse.
Compagnons de rivière, ceux qui travaillent sur les ports à décharger et à serrer les marchandises.
Ouvrier membre d'une société de compagnonnage. Les compagnons du Devoir. La mère des compagnons, femme qui héberge, aux frais d'une société de compagnons, ceux des membres qui sont en voyage.
Travailler à dépêche compagnon, travailler vite et négligemment. C'est un ouvrage fait à dépêche compagnon.
Se battre à dépêche compagnon, se battre à outrance, sans dessein de s'épargner.
6
Homme gaillard, vif, résolu, galant. C'est un compagnon.
En son temps aux souris le compagnon chassa
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. XI, 8
Être bon compagnon, aimer le vin, la bonne chère, les plaisirs, ne pas reculer devant les dangers.
Henri IV était bon compagnon, J'ai ouï dire que vous avez été autrefois un bon compagnon
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Fourb. I, 6
Faire le compagnon, faire l'entendu.
C'est un hardi compagnon, c'est un homme déterminé. On a dit de même : il est gentil compagnon ; c'est un gentil compagnon. C'est un dangereux compagnon, c'est un homme capable de faire de mauvais coups.
C'est un petit compagnon, c'est un homme sans importance.
Mme de Guise passait les autres six mois à Alençon, où elle régentait l'intendant comme un petit compagnon
de Louis de Rouvroy, duc de SAINT-SIMON dans 35, 147
L'abbé Fleury était trop petit compagnon pour quitter sa charge par dépit
de Louis de Rouvroy, duc de SAINT-SIMON dans 63, 50
Jules Mazzarini, arrivant de son pays avec peu d'équipage et petit compagnon, estime les Français
de Paul Louis COURIER dans I, 202

HISTORIQUE

1
XIe s.
Ne Oliver, por ce qu'est sis cumpainz
dans Ch. de Rol. XXIV
L'arere-garde des douze cumpaignons
dans ib. LXVI
2
XIIe s.
Joste lui fu ses compaing Olivers
dans Ronc. p. 36
Li conpaignon après lui vont siguant [suivant]
dans ib. p. 38
Si 'n apela [ainsi en apela] Rolant son conpagnon
dans ib. p. 44
S'il ne vient ci o cent mil compeignons
dans ib. p. 117
Dorenavant serons nous conpeignon
dans ib. p. 140
Onques teurtre qui pert son compaignon Ne fut un jour de [que] moi plus esbahie
dans Couci, XXIV
La fu morz Oliviers et ses compainz Rolanz
dans Sax. V
Laienz entra Thomas od mult poi conpaignuns
dans Th. le mart. 38
Compagnon d'armes avons esté set ans
de Victor Henri-Joseph Brahain, dit DU CANGE dans compagus.
3
XIIIe s.
Il et si compaignon la laisserent fuïr
dans Berte, CIII
Quant cil de Melans virent morir leur compaignon
dans Chr. de Rains, 118
Ainsinc, compains, esploiterés, Quant as portiers venus serés
dans la Rose, 7697
Compains est à toutes les choses, Qui sunt en tout le monde encloses
dans ib. 19243
Li compainz à mon compaignon n'est pas mon compainz
dans Digeste, f° 194
S'on pot savoir qu'il soient compaignon d'un malice, il doivent estre compaignon de rendre le domache
de Philippe de BEAUMANOIR dans L, 9
Li quens ou li vesques li doivent baillier un compaignon
de Philippe de BEAUMANOIR dans XII, 28
Quant ses compains sot que les detes....
de Philippe de BEAUMANOIR dans XXI, 29
Et metent entr'ax [eux] peine ou manaces sor les compaignons qui lor aliance ne tenront
de Philippe de BEAUMANOIR dans XXX, 62
4
XVe s.
Et si fit-on aucuns compagnons monter sur coursiers pour escarmoucher à eux
de Jean FROISSART dans I, I, 41
Par l'ennort et conseil [de] messire Hervey de Lion, avec qui il avoit esté grand compain en Grenade et en Prusse
de Jean FROISSART dans I, I, 151
François Acreman, qui estoit compaing en toutes choses à Philippe
de Jean FROISSART dans II, II, 205
Lesdits pays, que on appeloit compagnons ou alliés
de Jean FROISSART dans I, I, 125
Et sachez que chacun de ces soudoyés avoit chacun jour quatre compagnons ou gros de Flandre pour ses frais et pour ses gages
de Jean FROISSART dans I, I, 65
Quand notre bourgeois eut gagné la grace du compagnon [artisan]
de LOUIS XI dans Nouv. I
Sire, dist-elle, j'ay amy que je ne quiers faulser ; puis s'en revint à ses compagnons [compagnes] et elle leur conta toute son aventure
dans Perceforest, t. IV, f° 149
Et luy qui desirant estoit d'honneur conquerre, empoigne son glaive, et s'en vient vers son compaignon [adversaire] qui venoit sur luy roidement et fort
dans ib. t. I, f° 108
5
XVIe s.
Mais de la tienne, Dieu mercy, Compaignon, tu ne m'en dis rien
de Clément MAROT dans I, 210
.... Ou pour jetter des fruits jà meurs et beaux, à mes compaings, qui tendoient leurs chappeaux !
de Clément MAROT dans I, 217
Les rois sont compaignons, sinon maistres, des loix
de Michel de MONTAIGNE dans I, 12
Gentil compaignon par tout ailleurs
de Michel de MONTAIGNE dans I, 96
Quoy que die ce bon compaignon [Catulle]
de Michel de MONTAIGNE dans I, 270
Caesar, estant creé consul pour la tierce fois, ne prit pas Antonius, ains choisit Lepidus pour son compagnon
de Jacques AMYOT dans Anton. 13
Chiens pour le fauve, chiens pour le noir, levriers de compagnon et d'attache
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Faen. I, 5
Les compagnons de la Matte [les filous]
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans ib. III, 1
Vous vivez trop en bon compagnon pour que nous vous supçonnions de faire tout par conscience
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Hist. III, 291
Compagnon bien parlant vaut en chemin chariot branlant
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans Prov. t. II, p. 276
Le petit et inferieur fait du compagnon avec le grand
de Pierre CHARRON dans Sagesse, p. 464, dans LACURNE

ÉTYMOLOGIE

1
Bourguig. compaignon ; provenç. companh, compain, compenh, companho ; anc. espagn. compaño ; ital. compagno, compagnone. Si l'on examine les plus anciens textes rapportés dans l'historique, on y voit que compain est toujours employé comme nominatif, et compagnon comme régime ; de même, dans le provençal, companh est le nominatif, et compagno, le régime ; une telle formation suppose nécessairement un mot dont l'accent se déplace, compánio, companiónem, qui vient de cum, avec, et panis, pain (voy. PAIN) : celui qui mange le même pain. Cette étymologie serait, si elle en avait besoin, confirmée par le provençal companatge, nourriture ; anc. franç. companage, ce qu'on donne dans un repas au delà du pain et du vin ; comparez aussi apanage. Cela écarte définitivement compaganus, de cum et paganus, qui avait été proposé et qui d'ailleurs aurait donné compayen.

Synonymes de COMPAGNON

Termes proches de COMPAGNON