Définition de JOIE

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : joî ; d'après Bèze, au XVIe siècle on prononçait joi-ye ; d'autres prononçaient, ce qu'il blâme, jo-

DÉFINITIONS

1
Plaisir de l'âme.
Ceux dont il a gagné la croyance et l'appui Prendront-ils même joie à n'obéir qu'à lui ?
À ces mots le corbeau ne se sent pas de joie
Je sortais et j'ai joie à vous voir de retour
Trouvant sa plus grande joie dans le Dieu qui le charme, il [l'homme] s'y porte [vers le bien] infailliblement de lui-même par un mouvement tout libre, tout volontaire, tout amoureux
Une chose qui comble de joie Mme de Rohan
Le beau temps ne vous est de rien ; vous y êtes trop accoutumée ; pour nous, nous voyons si peu le soleil, qu'il nous fait une joie particulière
Je suis touchée d'une véritable joie que vous ayez au moins tiré de vos malheurs.... la connaissance de ce que vous êtes
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans Lett. à Bussy, 22 juill. 1685
Tout brille de joie dans cette province de l'arrivée du chevalier de Tourville à Brest
La perte d'Annibal eût fait la joie des seigneurs [à Carthage]
Si elle eut de la joie de régner sur une grande nation, c'est parce qu'elle pouvait contenter le désir immense qui sans cesse la sollicitait à faire du bien
Le cardinal [Mazarin] fait la paix avec avantage ; au plus haut point de sa gloire, sa joie est troublée par la triste apparition de la mort
Les coeurs sont saisis d'une joie soudaine par la grâce inespérée d'un beau jour d'hiver
Cette joie sensible qu'elle avait à croire lui fut continuée quelque temps
Il met en joie le ciel et la terre
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Lett. abb. 102
Cette joie intérieure et spirituelle dont Dieu remplit une âme qui le cherche en vérité, et qui ne cherche que lui
de Louis BOURDALOUE dans 3e dim. après Pâq. Dominic. t. II, p. 119
Il trépigne de joie, il pleure de tendresse
Elle [l'élégie] peint des amants la joie et la tristesse
Et ma joie à vos yeux n'ose-t-elle éclater ?
Un je ne sais quel trouble empoisonne ma joie
Ah ! qu'un seul des soupirs que mon coeur vous envoie, S'il s'échappait vers elle, y porterait de joie !
Quelle joie D'enlever à l'Épire une si belle proie !
de Jean RACINE dans ib. II, 3
Il s'élève en la mienne [âme] une secrète joie
de Jean RACINE dans ib. I, 1
Une riante troupe Semble boire avec lui la joie à pleine coupe
Le ciel s'est fait sans doute une joie inhumaine à rassembler sur moi tous les traits de sa haine
Je veux que tous les coeurs soient heureux de ma joie
Une joie féroce succède tout à coup au noir chagrin qui dévorait ces brigands
Tu te fais une joie orgueilleuse et cruelle, D'attacher sur mon front une honte éternelle
Que le ciel vous tienne en joie, ancien souhait de politesse.
Le ciel vous tienne tous en joie
On a dit de même : Que la joie soit avec vous.
Il salua Tobie, et lui dit : que la joie soit toujours avec vous
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Tobie, V, 11
Cris de joie, cris que l'on pousse dans un transport de joie.
Fasse le juste ciel, propice à mes désirs, Que ces longs cris de joie étouffent vos soupirs !
Avoir la joie d'une chose, en jouir.
L'un se baissait déjà pour amasser la proie ; L'autre le pousse et dit : il est bon de savoir Qui de nous en aura la joie
Être à la joie de son coeur, être dans la joie de son coeur, être transporté de joie.
Me voici à la joie de mon coeur, toute seule dans ma chambre à vous écrire paisiblement
M. Despréaux est à la joie de son coeur, depuis qu'il a vu....
de Jean RACINE dans Lettre XXXII, à son fils.
Faire la joie, être la joie de quelqu'un, être pour lui un grand sujet de joie, faire son bonheur.
Ô mon fils ! ô ma joie ! ô l'honneur de mes jours
En attendant qu'elle [une princesse] fasse la félicité d'un grand prince et la joie de toute la France
Se donner au coeur joie, ou à coeur joie de quelque chose, en jouir pleinement, abondamment, s'en rassasier.
On dit dans le même sens : s'en donner à coeur joie.
Feu de joie, voy. FEU, n° 10.
Sémantique : Fig.
Il [un prince] fut défait entièrement [par le czar Pierre] ; et la relation porte qu'on fit de son pays un feu de joie
2
Nature : Au plur. Plaisirs, jouissances. Les joies du paradis.
Nos jours, filés de toutes soies, Ont des ennuis comme des joies
de MALH VI dans 24
C'est vous qui faites ici toutes mes joies
Les joies temporelles couvrent les maux éternels qu'elles causent
Dans la solitude de Sainte-Fare.... dans cette sainte montagne où les joies de la terre étaient inconnues
Oubliant le caractère de désolation qui fait le soutien comme la gloire de son état [veuvage], elle s'abandonne aux joies du monde
Des douceurs préférables à toutes les joies et à tous les plaisirs des sens
de BOURDALOUE dans Serm. 17e dim. après la Pentec. Domin. t. IV, p. 75
Vous disiez.... au milieu de vos joies insensées.... qu'il faut laisser parler le monde
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Resp. hum.
Il vaudrait toujours mieux s'affliger avec le peuple de Dieu, que participer aux joies fades et puériles des enfants du siècle
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Dégoûts.
On rappelle avec complaisance les joies des premières années
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Délai de la conv.
Cette paix, ces plaisirs, ces innocentes joies Que Dieu garde aux tribus qui marchent dans ses voies
Souvent dans ses desseins Dieu suit d'étranges voies, Lui qui livre Satan aux infernales joies, Et Marie aux saintes douleurs
Les quinze Joies du mariage, titre d'un ouvrage satirique du XVe siècle, où sont dénombrés les inconvénients du mariage.
3
Gaieté, humeur gaie. La joie bruyante des convives.
À Piéton, près de ce corps redoutable que trois puissances réunies avaient assemblé, c'était dans nos troupes de continuels divertissements ; toute l'armée était en joie, et jamais elle ne sentit qu'elle fût plus faible que celle des ennemis
Aux accès insolents d'une bouffonne joie La sagesse, l'esprit, l'honneur furent en proie
La princesse aimait à donner chez elle des fêtes, des divertissements, des spectacles, mais elle voulait qu'il y entrât de l'idée, de l'invention, et que la joie eût de l'esprit
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Malézieu.
Vive la joie ! cri de gens qui s'amusent et qui veulent continuer à s'amuser.
Aimer la joie, aimer les plaisirs.
Mon père a un peu trop aimé la joie, ce qui n'enrichit pas une famille
Une fille de joie, une prostituée.
Ni qu'en ma chambre une fille de joie Passe la nuit
de Jean de LA FONTAINE dans Court.
4
Sémantique : Terme d'alchimie. Joie des philosophes, la pierre arrivée au blanc parfait.

REMARQUE

1
On dit : j'ai de la joie à vous voir, parce que à est régi par j'ai ; mais : j'ai la joie de vous voir, je n'ai pas eu la joie de vous voir, parce que de est régi par joie.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Il l'abat mort, paien en ont grant joie
dans Ch. de Rol. CXXI
2
XIIe s.
Il n'i fit joie ne cheveluz ne chauz [chauve]
dans Ronc. 149
À joie [ils] s'en departent vers France cele part
dans Saxons, XXIX
3
XIIIe s.
Et sa mere en commence de la joie à pleurer
dans Berte, III
Ris et soulas et joie m'ont bien clamée quitte
dans ib. XXXVII
Mais Diex qui est donnerres de joie souveraine
dans ib. L
Si n'avoit el [Largesse] joie de rien Cum quant el pooit dire, tien
dans la Rose, 1137
Et quant j'oi une piesce [quelque temps] demouré à loinville, et je oy fetes mes besoignes, je me muz vers le roy, leque ! je trouvai à Soissons, et me fist si grant joie, que touz ceulz qui là estoient s'en merveillerent
4
XVe s.
Mon seul amv, mon bien, ma joye, Celui que sur tous amer veulx, Je vous pry que soyez joyeux En esperant que brief vous voye
de Charles D'ORLÉANS dans Bal. 36
5
XVIe s.
Ceste nouvelle joye survenue par dessus l'aise de la victoire
de Jacques AMYOT dans Mar. 38
Le peuple tout incontinent en voulut faire des feux de joye
de Jacques AMYOT dans Phoc. 23
Joye au coeur fait beau teint
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans Prov. t. II, 323
On meurt bien de joie
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans ib. p. 361
Pour une joie mille douleurs
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans ib. p. 31

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. gaug, gauch, guaug, gaut, s. m., et joi, s. m., et joia, s. f. ; cat. gotg, s. m. ; anc. espagn. gaudio ; espagn. mod. gozo et aussi joya ; ital. gaudio et gioia ; du latin gaudium. Les formes féminines viennent du pluriel gaudia, selon l'usage de l'ancienne langue qui des pluriels neutres latins a tiré des noms féminins, comme merveille, Bible, etc.

Synonymes de JOIE