Définition de LORGNER
Prononciation : lor-gné
DÉFINITIONS
1
Nature : V. n. Loucher (sens tombé en désuétude).Voyant.... Que les yeux de travers s'offensent que je lorgne
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. V
2
Nature : V. a. Observer à la dérobée, en tournant les yeux de côté.Elle me lorgnait avec attention
Nos profonds politiques avaient pensé que, dans un temps où tout le monde se promène, les passants et principalement ceux qui s'intéresseraient à quelques-uns de nous [prisonniers de la Bastille], viendraient les lorgner
de STAAL dans Mém. t. II, p. 142
La princesse de Babylone regarda le roi d'Égypte du coin de l'oeil, ce qui plusieurs siècles après s'est appelé lorgner
Nature : Absolument.
Trufaldin lorgnait exactement
3
Regarder avec une lorgnette. Au spectacle il lorgne toutes les femmes.4
Lorgner une femme, la regarder de manière à faire croire qu'on a du goût pour elle.On l'écouta, on se laissa lorgner, on répondit même
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 6
Il la lorgnait d'une grande assiduité
de Antoine HAMILTON dans ib. 7
Sémantique : Fig. Lorgner une charge, une place, un héritage, avoir des vues sur une charge, sur une place, sur un héritage.
Mathéo tremble et lorgne la finance
de Jean de LA FONTAINE dans Belph.
Je passe devant une fenêtre ; je lorgne du coin de l'oeil de belles poires
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Confess. I
Maintenant je lorgne la Sicile, je ne rêve que les prairies d'Enna
de Paul Louis COURIER dans Lett. I, 116
HISTORIQUE
1
XIIIe s.Se aucuns hons ou autres qui fussent mehaingniés [estropiés] ....et un autre qui soit sours ou lours [louche]
de Victor Henri-Joseph Brahain, dit DU CANGE dans luscus
D'autre part Sawalet li borgnes Dit bien que il n'est pas si lorgnes
dans Poésies franç. mss. avant. 1300, t. IV, p. 1343, dans LACURNE
Qui moult fut lourdiaus et lunages [lunatique], Et moult lorgnes et moult sauvages
de Victor Henri-Joseph Brahain, dit DU CANGE dans lunaticus.
2
XVIe s.Advisez comment elle lorgne ; n'est elle pas une fiere dame ?
de PALSGR. dans p. 614
ÉTYMOLOGIE
1
Diez, d'après Frisch, citant le normand loriner, regarder, tire lorgner du germanique : allem. lauern, épier, regarder ; suisse, loren, luren ; suéd. lura. Cette étymologie ne tient aucun compte des anciens adjectifs lorgne et lour qui signifient louche et qui ne paraissent pas pouvoir être séparés de lorgner, tant pour la forme que pour le sens, lorgner étant, comme loucher, regarder de côté. Mais on peut concilier l'adjectif et le verbe, en dérivant l'adjectif lui-même de ces verbes germaniques qui, signifiant regarder, auront pris le sens de loucher. Cependant cela n'est pas tout à fait sûr. Tout l'Ouest dit calorgne pour borgne, et, en Normandie, pour louche ; patois lorrain, calougnâ, loucher, calougnâr, louche ; calorgne est sans doute formé de la particule péjorative ca, et de lorgner. Il y avait un autre lorgner qui signifiait frapper et qui paraît sans relation avec lorgner, regarder de côté : XVe s.On crye haro, qui vive, tue, Alarme, au guet, rens toy, ribault, Torsche, lorgne, depesche, rue, Frappe, combat, taille, remue
de COQUILLART dans Le blason des armes et des dames
2
XVIe s.Et à grands coups de poing il lorgnoit dessus lui
de Bonaventure DESPÉRIERS dans Contes, XCVIII