Définition de NOURRIR

DÉFINITIONS - PROVERBES - SYNONYME - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : nou-rir

DÉFINITIONS

1
Allaiter un enfant (ce qui est le premier sens de nutrire en latin).
Et qui [une fille] sous de feints noms, pour ne rien découvrir, Par son époux aux champs fut donnée à nourrir
Au sein qui m'a nourri cette main s'est plongée
Le fils que j'ai nourri périrait à son tour
Jeune femme, voulez-vous travailler à vous rendre heureuse, commencez d'abord par nourrir votre enfant
Cette femme ne saurait nourrir d'enfants, c'est-à-dire elle a le malheur de perdre tous ses enfants dès le bas âge.
Nature : Absolument. Cette femme nourrit.
2
Entretenir la vie par ce qui en répare les déperditions, alimenter. Les aliments les plus propres à nourrir l'homme. Les fruits de la terre nourrissent l'homme et les animaux.
Trois lapins.... qui.... Sentaient encor le chou dont ils furent nourris
N'être pas nourri, n'avoir pas des aliments en qualité ou quantité suffisante.
Nature : Absolument. Il y a des aliments qui nourrissent trop. Le vin nourrit.
3
Entretenir d'aliments, fournir des aliments. Il ne nourrit pas ses domestiques, il leur donne leurs vivres en argent. On est bien nourri, on est mal nourri dans cette pension. Il nourrit tant de chiens, de chevaux.
Que Sibâ le [David] nourrissait
Tous les jours je l'invoque [le Seigneur] ; et d'un soin paternel Il me nourrit des dons offerts sur son autel
Les chevaux que sa main a nourris
On l'abandonne aux mains qui daignent le nourrir
La loi naturelle ordonne aux pères de nourrir leurs enfants, mais elle n'oblige pas de les faire héritiers
Il a poussé si loin l'ardeur philanthropique, Qu'il nourrit tous ses gens de soupe économique
de ÉTIENNE dans les Deux gendres, I, 1
4
Sémantique : Par extension, élever, mener au terme de la croissance.
Attale qu'en otage ont nourri les Romains
Rome, qui m'a nourri, vous parlera pour moi
de Pierre CORNEILLE dans ib. I, 2
Dieu lui nourrissait un vengeur
Il fut nourri par les ministres mêmes de l'erreur [le protestantisme]
Ô cher enfant que j'ai nourri, et qui m'as coûté tant de soins, je ne te verrai plus ; mais je verrai ta mère qui mourra de tristesse en me reprochant ta mort
Nourrir à, élever dans.
J'ai été nourri aux lettres dès mon enfance
Nourrir dans, donner, par l'éducation, certaines habitudes, certaines idées, etc.
Les pères nourrissaient leurs enfants dans cet espoir
Idoménée a été nourri dans des idées de faste
Il avait été nourri dans la mollesse
Il est vrai, ma cruelle prudence, Dans une erreur coupable a nourri son enfance
de BRIFFAUT dans Ninus II, III, 7
Sémantique : Fig. Il nourrit un serpent dans son sein, il protége, il assiste un ingrat, un méchant qui le perdra.
Dans un sens analogue.
Votre soin téméraire Nourrit un ennemi dont il faut se défaire
5
Élever des bestiaux, en trafiquer. Nourrir des moutons, des boeufs, des chevaux.
Nourrir des vers à soie, les élever jusqu'à ce qu'ils soient en cocons et en soie.
6
Il se dit de ce qui donne, fournit de quoi vivre. La Sicile nourrissait Rome. Ces provinces nourrissaient la capitale. Cette terre le nourrit, lui et toute sa famille. Je veux un métier qui me nourrisse.
Entends ce jeune abbé, sophiste bel esprit : Monsieur fait le procès au Dieu qui le nourrit
7
Produire, porter. Ce pays nourrit une nombreuse population.
Et tout ce que l'Espagne a nourri de vaillants
Son menton nourrissait une barbe touffue ; Toute sa personne velue Représentait un ours, mais un ours mal léché
8
Sémantique : Fig. Il se dit des aliments intellectuels et moraux.
....Notre plus grand soin, notre première instance Doit être à le nourrir [l'esprit] du suc de la science
Quand je veux nourrir mon esprit et ma pauvre âme
Vous dites que l'espérance est si jolie ; hélas ! il faut qu'elle le soit encore au delà de ce que vous dites, pour nourrir plus de la moitié du monde comme elle fait
Vous m'occupez toute la semaine ; le lundi au matin je les reçois [vos lettres], je les lis.... le jeudi j'attends le vendredi matin ; en voilà encore : cela me nourrit de la même sorte jusqu'au dimanche
Le troupeau que je dois nourrir de la parole de vie
Aimez-donc la vertu, nourissez-en votre âme
En un sens défavorable. Nourrir son imagination de chimères.
9
Entretenir, faire profiter. La bonne terre nourrit les plantes, les arbres. Mettre du fumier auprès d'un arbre pour le nourrir. La pommade nourrit les cheveux.
Je vous souhaite souvent à l'air de ces bois [aux Rochers], qui nourrit le teint comme à Livry
Assur, dit le saint prophète, s'est élevé comme un grand arbre ; le ciel l'a nourri de sa rosée, la terre l'a engraissé de sa substance
10
Particulièrement, entretenir, faire durer, en parlant de choses matérielles qui consument ou se consument.
Ils lancent des torches ardentes et telles autres choses propres à nourrir le feu
de Claude Favre de VAUGELAS dans Q. C. IV, 3
Il est probable que des comètes tombent dans le soleil ; les newtoniens conjecturent même que cela arrive, et ils le croient nécessaire pour nourrir cet astre, qui s'épuiserait insensiblement, puisqu'en répandant la lumière il perd continuellement de sa substance
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Art de rais. III, 5
Nourrir le feu, entretenir une canonnade, une fusillade non interrompue.
[À Fontenoy] la masse anglaise, faisant face de tout côté.... nourrissait ce feu continu quand elle était attaquée
11
Sémantique : Fig. Faire durer en soi des sentiments, des passions, etc.
Et [son esprit] nourrissait ainsi d'éternelles douleurs
Et l'accueil gracieux qu'il recevait de vous Lui permet de nourrir un espoir assez doux
de Pierre CORNEILLE dans ib. I, 3
Souvenez-vous de votre dernière fin, et cessez de nourrir de l'inimitié contre personne
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Ecclésiastiq. XXVIII, 6
Tu nourrissais dans ton coeur une secrète estime de toi-même
de Louis BOURDALOUE dans Serm. 24, Dim. après la Pentecôte, Domin. t. IV, p. 429
Cette vive et constante tendresse qu'elle nourrissait pour lui [le roi] dans son coeur
Pourquoi nourrissez-vous le venin qui vous tue ?
Qui, dans l'obscurité nourrissant sa douleur,...
de Jean RACINE dans ib. II, 3
Je nourrissais encore un malheureux amour
Vous nourrissez un feu qu'il vous faudrait éteindre
La haine qu'il avait nourrie dans son coeur contre Ulysse
Nourrir des envies, des animosités
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Avent, Disp.
Des passions que vous nourrissez dès l'enfance
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Impén.
J'ai nourri mes chagrins sans les manifester
Je nourris dans mon coeur le mépris des richesses
de ST-LAMB. dans Sais. II
Il se dit des personnes ou des choses qui entretiennent, font durer un sentiment, une chose morale en quelqu'un.
Toujours pour nourrir mon souci S'offrira-t-il à ma pensée ?
Son humeur satirique est sans cesse nourrie Par le coupable encens de votre flatterie
C'est [Issy] un lieu où je vous ai vue ; cela nourrissait fort la tendresse
Perte de temps et lettres inutiles, qui ne sont bonnes qu'à nourrir la lenteur et la nonchalance de mes yeux
Je connais les manières des provinces, et je sais le plaisir qu'on y prend à nourrir les divisions
Ma douceur a nourri son criminel espoir
de Thomas CORNEILLE dans Cte d'Ess. II, 2
Il [Jurieu] n'oublie rien pour nourrir en eux [les protestants réfugiés] ces sentiments qui les poussent à la révolte
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 5e avert. § 11
Puisse le juste ciel dignement te payer, Et puisse ton supplice à jamais effrayer Tous ceux qui, comme toi, par de lâches adresses, Des princes malheureux nourrissent les faiblesses !
C'est ma mère, et je veux ignorer ses caprices ; Mais je ne prétends plus ignorer et souffrir Le ministre insolent qui les ose nourrir
Ces lits où la mollesse S'unit avec les maux, Nourrissent la paresse, Sans donner le repos
de FAVART dans Annette et Lubin. sc. 8
Ses périls nourrissaient ma tendresse inquiète
Et qu'elle serait assez heureuse pour se guérir d'un amour que rien ne nourrirait plus
Ici votre indulgence et le nom de son père Nourrissent son orgueil au sein de la misère
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Oreste, II, 4
Mme de Maintenon, qui blâmait Louis XIV, le laissait faire et l'a même excité plus d'une fois à être sévère ; elle nourrissait donc en lui des défauts qu'elle condamnait
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Art d'écrire, II, 5
Sa passion préparerait votre malheur et le sien, si vous la nourrissiez
12
Nourrir une action, fournir un supplément de finance au capital d'une action.
Soit honneur, soit raison, soit impuissance, un grand nombre de personnes ne nourrissaient pas leurs actions, qui perdaient alors les trois quarts de leur prix originaire
Nourrir un numéro à la loterie, mettre sur le même numéro à chaque tirage, en augmentant toujours la mise.
13
Sémantique : Terme de peinture. Nourrir un tableau de couleurs, mettre les couleurs assez abondamment pour qu'on puisse les mêler aisément et les empâter.
Nourrir le trait, éviter la maigreur, la sécheresse.
Sémantique : Terme de calligraphie. Nourrir ses lettres, faire que les traits soient suffisamment chargés d'encre, pour qu'ils ne soient pas trop maigres.
Sémantique : En termes de musique, nourrir les sons, faire qu'ils soient pleins et retentissants, et les soutenir exactement pendant leur durée.
14
Nourrir le style, le fortifier soit par des expressions abondantes, soit par des citations, etc.
15
Nourrir ses grades, en matière bénéficiale, c'était renouveler l'insinuation dans le temps prescrit pendant le carême (voy. INSINUATION, n° 2).
16
Se nourrir, Nature : v. réfl. Prendre pour aliment. Se nourrir de pain.
Maintenant, pour nous nourrir, il faut répandre du sang malgré l'horreur qu'il nous cause naturellement
C'est un personnage illustre dans son genre, et qui a porté le talent de se bien nourrir jusques où il pouvait aller ; on ne reverra plus un homme qui mange tant et qui mange si bien
de Jean de LA BRUYÈRE dans XI
Les hommes qui ne se nourrissent que de chair crue ou de poisson sec, de sagou ou de riz, vivent aussi longtemps que ceux qui se nourrissent de pain ou de mets préparés
Cet enfant, cet animal se nourrit bien, se nourrit mal, les aliments lui profitent bien, ne lui profitent pas.
Cet arbre n'a pas de quoi se nourrir, il est planté dans une mauvaise terre.
17
Sémantique : Fig. Il se dit des aliments intellectuels et moraux.
Votre frère est tout à fait tourné du côté de la dévotion.... il viendra un jour [la mort] où l'on sera bien heureux de s'être nourri dans ces sortes de pensées chrétiennes
Il fait un carême éternel ; et, durant ce carême, il semble qu'il ne se nourrisse que d'oraisons et de jeûnes
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 2e panég. St Franç. de Paule, 1
Me nourrissant de fiel, de larmes abreuvée
Il apprit à se nourrir de la vérité
Cet édifice et le terrain qui l'entoure appartenait jadis au célèbre Lebrun, qui se plut à le bâtir et le décorer avec ce goût exquis d'ornement et d'architecture dont le grand peintre s'était nourri
18
Sémantique : Terme de marine. Se nourrir, se dit de l'état du ciel qui annonce quelque tempête. Le ciel commence à se nourrir.

PROVERBES

1
Exemple : Il n'y a point de petit métier, il n'y a si petit métier qui ne nourrisse son maître, c'est-à-dire le travail, quelque peu lucratif qu'il soit, donne de quoi vivre.
2
Une besace bien promenée nourrit son maître.

SYNONYME

1
NOURRIR, ALIMENTER. Nourrir, c'est proprement fournir l'aliment à l'enfant, au petit qui vient de naître. Alimenter est plus général ; il se dit de toute espèce de choses qui entretiennent la vie. Mais, quand nourrir passe à son sens plus général, il devient alors tout à fait synonyme d'alimenter ; seulement, alimenter en ce sens a toujours quelque chose de technique.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Li mien baron, nurrit [je] vous ai long temps
dans Ch. de Rol. CCXLV
2
XIIe s.
Pese moi [je suis fâché] quant [je] fui onques en son ostel norris, Puisqu'estre me convient [il me faut] ses mortex enemis [son ennemi mortel]
dans Sax. XXVI
Qui molt fu ses norriz [de ses familiers]
dans Ronc. p. 9
3
XIIIe s.
Car je ne fu pas norriz à Pontoise
de QUESNES dans Romancero, p. 83
Ai-ge paour que Diex me faille, Qui norrist les oiseaux aux chans ?
dans Nouv. rec. de fabl. et contes anc. t. II, p. 452
Leans out un lion nourri d'ancesserie [depuis longtemps]
dans Berte, II
Jà fu Berte ma fille en si bon lieu nourrie [élevée en si bonne famille]
dans ib. LXXII
[Symon et Constance] Qui l'ont [Berte] avec leur fille mout doucement nourrie
dans ib. CIX
Car li rois de Hongrie fu en France nourris
dans ib. v
4
XVe s.
Or vous vueil je recorder par quel moyen la paix y a esté mise et nourrie
Ces haines couvertes estoient de longtemps nourries entre celles deux parties
Adonc amour et ses nourris [élèves] Auront de Dangier moins doubtance
de Charles D'ORLÉANS dans Ball. 25
Mais passent temps en esbas et en ris, Et s'en tournent gras, gros et bien nourris
de Alain CHARTIER dans le Débat des deux fortunes.
Dissimuler toutes ces desobeissances, affin de ne nourrir guerres à ses subjectz
de Philippe de COMMINES dans II, 4
Le mariage du roy qui est aujourd'huy avec la fille aisnée du roy Edouard.... et la duché de Guyenne pour le nourrir
de Philippe de COMMINES dans IV, 8
Il fait mal nourrir autruy enfant ; Car il s'en va quand il est grand
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans Prov. t. II, p. 309
5
XVIe s.
Les malfaiteurs jadis avoyent de coustume de se vestir de noir, nourrir leurs barbes, et user d'autres signes de dueil pour fleschir leurs juges à misericorde
... De ne nourrir leurs cheveux, mais de les raser en rond
de Jean CALVIN dans ib. 1182
Il fut nourri à Thebes en la maison de Pammenes
de Jacques AMYOT dans Pélop. 43
Sylla se partit du païs de l'Attique, qui estoit maigre, et qui en pleine paix ne l'eust sceu nourrir
de Jacques AMYOT dans Sylla, 34
Il apparut un esprit à sa nourrice, lequel luy predit qu'elle nourrissoit un enfant qui seroit un jour cause d'un grand bien à tous les Romains
de ID. dans Cicér. 2
Gargantua, depuis les troys jusques à cinq ans, feut nourry et institué en toute discipline convenante
Nos souhaits interieurs pour la pluspart naissent et se nourrissent aux despens d'aultruy
de Michel de MONTAIGNE dans I, 105
S'il estoit adonné d'une application trop indiscrete à l'estude des livres, je ne vouldrois qu'on la luy nourrist
de Michel de MONTAIGNE dans I, 181
Je nourrissois des imaginations hardies
de Michel de MONTAIGNE dans I, 195
Je veulz seulement faire luicter ensemble les traicts de cinq poëtes latins.... or debvra l'enfant bien nourry [instruit] trouver, au prix des aultres, les deux premiers traisnants
de Michel de MONTAIGNE dans II, 265
Un grain d'orge bien nourri
de Ambroise PARÉ dans XXV, 21
La litharge doit estre nourrie avec deux onces d'huile
de Ambroise PARÉ dans XXV, 26
Il a été nourri en un tonneau, il n'a rien vu que par le bondon
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans Prov. t. II, p. 204
Celui-là est bon pere qui nourrit
de Randle COTGRAVE dans
Qui veut avoir bon chien, il faut qu'il le nourrisse
de Randle COTGRAVE dans
Tel le chien nourrit, qui puis mange la courroie de son soulier
de Randle COTGRAVE dans
M. Cossains estoit vieux soldat et capitaine, gentilhomme nourry en Piedmont de M. de la Mothe Gondrin
Le capitaine Bequin, aussi sage et bon capitaine, qui fut blessé et mourut à la Rochelle, nourry laquais de M. de Nemours
Nourri aux pieds de mon roi, desquels je faisois mon chevet en toutes les saisons de ses travaux

ÉTYMOLOGIE

1
Bourg. norri ; picard, norir ; wallon, noûri ; Hainaut, norir ; provenc. nurir, noirir ; cat. nudrir ; esp. nutrix ; ital. nutrire ; du lat. nutrire, nourrir. Selon la conjecture de Corssen (Nachtraege, p. 293), nutrire est le verbe dénominatif de nulrix, comme pistrire de pistor ; il explique nutrix par chute de l's initiale, comme étant snutrix, du radical sanscrit snu, couler, goutter : celle qui fait couler [le lait], la nourrice. Snu a déjà perdu son s dans le terme grec qui signifie nare, etc.

Synonymes de NOURRIR

Termes proches de NOURRIR

Phonétiquement proche de NOURRIR