Définition de NU, NUE
Prononciation : nu, nue
DÉFINITIONS
1
Qui n'est point vêtu.Les cheveux flottants, le bras et le pied nu
de Pierre CORNEILLE dans Médée, IV, 2
Et je vous verrais nu du haut jusques en bas, Que toute votre peau ne me tenterait pas
Mes soldats presque nus, dans l'ombre intimidés
de Jean RACINE dans Mithr. II, 3
On peut, avec un art extrême, Offrir à la sagesse même L'amour qui rougit d'être nu
de BERNIS dans Épît. IX
Ils [les premiers hommes] étaient nus, et c'est chose très claire Que qui n'a rien n'a nul partage à faire, Sobres étaient
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Mondain.
Les auteurs arabes prétendent que Tamerlan se faisait verser à boire par l'épouse de Bajazet à demi nue ; et c'est ce qui a donné lieu à la fable reçue, que les sultans turcs ne se marièrent plus depuis cet outrage fait à une de leurs femmes
Ils [les Moscovites prisonniers au nombre de 30 000] marchèrent tête nue, soldats et officiers, à travers moins de sept mille Suédois
L'être que Dieu fit nu dut inventer les arts, Il file ses habits, il bâtit des remparts
de Jacques DELILLE dans Trois règnes, VIII
Sémantique : Fig.
Adieu, ma très chère ; je me trouve toute nue, toute seule, de ne vous avoir plus
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 11 juin 1677
Nu est invariable, lorsqu'il précède le substantif, et alors on met le trait d'union.
Il était nu-tête et nu-jambes, les pieds chaussés de petites sandales
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans l'Ingénu. 1
Éveillés à minuit au coeur de l'hiver par l'ennemi dans leur ville, les Génevois trouvèrent plutôt leurs fusils que leurs souliers ; si nul d'eux n'avait su marcher nu-pieds, qui sait si Genève n'eût point été prise ?
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Ém. II
Les nu-pieds, nom donné à des hommes qui se révoltèrent en 1639 dans la Normandie contre le gouvernement.
Les nu-pieds s'étaient barricadés dans les faubourgs d'Avranches, et s'y défendirent avec fureur
de H. MARTIN dans Hist. de France, t. XI, p. 506
Il est accoutumé à cela comme un chien d'aller nu-tête, se dit d'une chose à laquelle un homme est tout à fait accoutumé.
Sémantique : Fig. et familièrement. Un va-nu-pieds, un gueux, un misérable.
S'enfuir un pied chaussé, l'autre nu, se dit de celui qui s'enfuit en grande hâte.
Demi-nu, à moitié vêtu.
Près du temple sacré les Grâces demi-nues
Nu comme la main, nu comme un ver, ou comme il est sorti du ventre de sa mère, se dit de quelqu'un qui n'a aucun vêtement.
Il [Job] se jeta par terre, et adora Dieu, et dit : je suis sorti nu du ventre de ma mère
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Job, I, XX, 21
Jamais aucuns profits, et souvent en hiver Il me laissait aller presque aussi nu qu'un ver
On dit dans le même sens : nu comme un singe.
Il [un fakir] était nu comme un singe, et avait au cou une grosse chaîne qui pesait plus de soixante livres
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Bababec.
Mettre quelqu'un nu comme la main, le dépouiller de ses habits ; et fig. le priver de ce qu'il possède.
L'intérêt de l'humanité demanderait que la puissance spirituelle fût mise nue comme la main
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. à Voltaire, 6 avril 1773
Être nu en chemise, n'avoir sur soi qu'une chemise.
Guitaut était nu en chemise, avec des chausses
2
Sémantique : Par exagération. Être tout nu, avoir de méchants habits, ou n'être pas vêtu comme l'exigerait la saison ou la bienséance.Sémantique : Fig. Il est arrivé tout nu, se dit d'un homme qui était dans le dénûment, et à qui l'on a prodigué les bienfaits.
3
Cheval nu, cheval vendu ou acheté sans selle ni bride. Ce cheval-là tout nu me coûte mille francs.4
Sémantique : Fig. Nu de, qui n'est pas pourvu de.Un homme qui tout nu de glaive et de courage
de François de MALHERBE dans I, 4
Dieu, notre Dieu n'est pas un Dieu nu de puissance
de DU BARTAS dans Semaine, 7e jour.
Mes ouvrages sont trop vulgaires Et trop nus de science et d'art
de MENARD dans Épigramme à Henri IV
Les ports sont comblés, les villes sont détruites, et la terre, nue d'habitants, n'est plus qu'un lieu désolé
de VOLNEY dans Ruines, 2
5
Sémantique : Terme de jurisprudence. Nue propriété, propriété d'un fonds dont un autre a l'usufruit.Sémantique : Fig. et par plaisanterie.
J'ai la nue propriété d'un des plus jolis objets qui soient sortis des mains de la nature
de Paul Louis COURIER dans Lett. I, 135
Nu propriétaire, celui qui a une nue propriété.
Titre nu, charge, par exemple de commissaire, achetée sans clientèle qui y soit jointe.
6
Sémantique : Terme d'astronomie ou de physique. Oeil nu, oeil qui n'est pas armé de verres grossissants. Observer à l'oeil nu.7
Sémantique : Terme de chimie. Feu nu, celui dont l'action se dirige immédiatement sur une substance.8
Sémantique : Terme de botanique. Se dit d'une partie quelconque, lorsqu'elle est privée des appendices qui l'accompagnent souvent ou ordinairement. Le réceptacle est nu quand il ne porte pas de paillettes, d'écailles. Les fleurs sont nues quand elles n'ont ni bractées, ni involucres. L'amande est nue quand ses enveloppes propres se sont soudées aux parois de la loge.Se dit des ailes des insectes, quand on ne voit à leur surface ni poussière farineuse, ni poils.
Se dit aussi de quelques poissons privés d'écailles.
Enfin il se dit de la peau des quadrupèdes, là où elle est découverte de poils.
Il a les oreilles courtes et non pas nues comme le rat domestique
Le dessous est en peau nue
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans ib. p. 185
Métal nu, métal dégagé de toute substance étrangère.
9
Qui n'a pas l'enveloppe, la couverture, l'ornement ordinaire. Les arbres sont nus en hiver.Représentez-vous un homme né dans les richesses, mais qui les a dissipées par ses profusions.... ces murailles nues, cette table dégarnie, cette maison presque abandonnée....
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans la Vallière.
Et je tremble de peur quand une épée est nue
de Jean-François REGNARD dans Joueur, II, 11
Une maison nue, une maison dégarnie de meubles.
Pays nu, pays sans arbres, sans verdure.
Qui manque des ornements convenables. La façade de ce bâtiment est trop nue. Sans dentelles ni rubans une robe est nue. Une reliure nue.
10
Sémantique : Fig. Il se dit ce qui est sans ornement intellectuel ou moral. Un style nu. Une composition trop nue.Ah ! regret qui me tue De n'avoir pas aimé la vertu toute nue !
de Pierre CORNEILLE dans Poly. I, 4
Une bonne action se produit toute nue
de Jean de ROTROU dans Bélis. II, 19
Une morale nue apporte de l'ennui
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VI, 1
Je vois bien qu'on n'aime ici que la vaine apparence, et qu'on n'y considère point la vertu toute nue
L'un n'est point trop fardé, mais sa muse est trop nue
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. I
Quelques métaphysiciens modestes ont dit que le même pouvoir qui a fait croître l'herbe dans les campagnes de l'Amérique y a pu mettre aussi des hommes ; mais ce système nu et simple n'a pas été écouté
Sémantique : Terme de peinture. Tableau nu, tableau dont la composition est pauvre, qui a besoin d'être garni de figures, de meubles, etc.
11
Sémantique : Fig. Qui est sans déguisement, sans fard. C'est la vérité toute nue.Voilà, pour vous montrer mon âme toute nue, Ce qui m'a fait bannir Didyme de ma vue
de Pierre CORNEILLE dans Théodore, II, 2
Mais je t'expose ici mon âme toute nue
de Jean RACINE dans Brit. II, 2
12
Substantivement, au pluriel, en langage de dévotion. Les nus, les pauvres qui n'ont pas de vêtements. Vêtir les nus.13
Nature : S. m. Le nu, les parties nues du corps.Le nu des bras et des jambes montre un homme fort et nerveux
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans t. XIX, p. 333
Le pied et le nu de la jambe sont couverts d'une peau noire, dure et écailleuse
Sémantique : Terme de sculpture et de peinture. Les figures et les parties des figures non drapées. On dessine les figures sur le nu avant que de les draper. Le nu de cette figure n'est pas correct.
Peignez-vous d'après le nu, madame, et avez-vous des modèles ? quand vous voudrez peindre un vieux malade emmitouflé, avec une plume dans une main et de la rhubarbe dans l'autre....
Grand Dieu ! que ses formes sont belles [de l'Apollon du Belvédère] ! Surtout les beaux nus que voilà !
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Éduc.
Le nu ne se dit pas du visage et des mains que l'usage veut qui soient découverts.
Sémantique : Par extension.
Le paysage doit être dessiné sur le nu, si on le veut faire ressemblant
de François René CHATEAUBRIAND dans Dessin.
Sémantique : Fig.
C'est peu d'avoir étudié dans l'homme moral ce que les peintres appellent le nu ; il faut s'instruire des différents modes que l'institution a pu donner à la nature, selon les lieux et les temps
de Jean-François MARMONTEL dans Oeuv. t. VIII, p. 385
On dit en parlant des parties des figures que les draperies recouvrent, mais sans empêcher de voir les formes : Ces figures sont bien dessinées, la draperie suit bien le nu.
La draperie de cette maussade figure est bien jetée et dessine le nu
14
Il se dit, en architecture, de l'absence d'ornements. Il y a trop de nu dans cette décoration.Le nu du mur, la partie du mur qui est plane, où il n'y a point de ressaut, d'ornements qui excèdent. Le nu du mur extérieur. Un pilastre excède le nu d'un mur.
Sémantique : Terme de menuiserie. Le devant d'une partie quelconque.
15
À nu, Nature : loc. adv. À découvert.Et, laissant voir à nu deux têtes sans cheveux, Ont rendu le combat risiblement affreux
Monter un cheval à nu, ou à dos nu, monter dessus sans selle.
Sémantique : Fig.
Librement te montrer à nu mes passions
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. VI
16
En chimie, à nu se dit d'un corps qui se montre hors de toute composition.Sa découverte [de Berthollet] de l'acide phosphorique à nu dans l'urine humaine
de FOURCROY et VAUQUELIN dans Inst. Mém. scienc. t. II, p. 451
Il se forme très peu de sulfure de potassium.... et du charbon est mis à nu
de SÉRULLAS dans Inst. Mém. acad. scienc. t. XI, p. 227
REMARQUE
1
1. Nu est invariable quand il précède le substantif, sans être lui-même précédé d'un article, et alors il se joint au substantif par un trait d'union : nu-pieds, nu-jambes, nu-tête. Il s'accorde, au contraire, quand il les suit : aller pieds nus ; je me promène tête nue.2
2. Quelques grammairiens croient que nu-pieds est pour nu par les pieds ; et ils expliquent ainsi le non-accord de ces mots ; mais cette explication n'est pas bonne ; car alors il faudrait dire qu'une fille est nue-pieds, nue-tête ; et l'on n'écrit pas ainsi. Nu est ici simplement un adjectif pris à la forme absolue, comme cela arrive souvent en français dans des locutions de même genre, JULLIEN., Autrefois cet usage, car ce n'est qu'un usage, n'était nullement observé.Vous n'alliez pas nus pieds pour faire moins de bruit ?
Madame de Guitaut était nues jambes, et avait perdu une de ses mules de chambre
Elle monta seule et nus pieds sur l'échelle
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 297
Je ne songe seulement pas à en tirer une de ma cassette pour me recoiffer, et je suis nue tête
de Pierre de MARIVAUX dans Marianne, 3e part.
3
3. On écrit souvent, avec un trait d'union, nu-propriétaire, et on fait alors nu invariable : des nu-propriétaires ; mais ni l'un ni l'autre de ces usages ne doit être suivi. Il faut écrire nu propriétaire sans trait d'union, puisqu'on écrit nue propriété ; et dès lors nu doit s'accorder : les nus propriétaires ; une nue propriétaire.HISTORIQUE
1
XIe s.[Il] Trait [tire] Durandal sa bone espée nue
dans Ch. de Rol. CII
Puis ferent il [ils frappent] nud à nud sur lur broines [cuirasses]
dans ib. CCLXI
2
XIIe s.La char [il] lui tranche, li os sont remés [restés] nu
dans Ronc. 145
Touz nuz soit despouillez ses cors et sa façons
dans ib. p. 200
S'il eüssent sun cors tut nu à nu cergié [visité], Des curgies [escourgées, discipline] l'eüssent trové tut depescié
dans Th. le mart. 156
Espines que l'um ne pot nue main esracier [arracher]
dans Rois, p. 211
3
XIIIe s.Diex ! est-ce ja que [je] la tienne à celée Entre mes bras nu à nu à loisir ?
de VID. dans DE CHARTRES, Romanc. p. 114
Et homage qui sont tenu en arriere fief ne font nule redevance, fors à lor segneurs de qui ils tienent nu à nu
de Philippe de BEAUMANOIR dans XXVII, 23
En son poing [il] tenoit nu le brant fourbi d'acier
dans Berte, XI
À nus genous sur terre souvent [elle] s'agenoilloit
dans ib. XXVIII
Li rois Pepins la prent par la blanche main nue
dans ib. LXXX
Povreté qui ung seul denier N'eüst pas, s'el se deüst pendre, Tant seüst bien sa robe vendre ; Qu'ele iere [était] nue comme vers
dans la Rose, 447
Ez-vous la joie ; N i a si nu qui ne s'esjoie ; Plus sont seignor que ras sus moie [huche]
de RUTEBEUF dans 34
4
XVe s.[Le comte de Flandre] veut que tout homme de la ville de Gand.... soient tous nuds en leurs linges robes, nuds chefs et nuds pieds
de Jean FROISSART dans II, II, 153
5
XVIe s.Marcher à pied nu
de Jean CALVIN dans Instit. 954
Sortir en la rue nue teste
de Jean CALVIN dans ib. 969
Ayant honte de veoir Agesilaus ainsi couché par terre dessus l'herbe nue, il s'y coucha aussi auprès de luy
de Jacques AMYOT dans Agés. 19
Estant nud non seulement d'armes defensives, mais aussi de tous vestemens
de Jacques AMYOT dans ib. 59
La premiere loy, que Dieu donna jamais à l'homme, ce feust une loy de pure obeissance ; ce feut un commandement nud et simple
de Michel de MONTAIGNE dans II, 208
On ne peut despouiller un homme nud
de Randle COTGRAVE dans
Tu me vois nu de tout, sinon de vitupere ; Je suis l'enfant prodigue ; embrasse-moy, mon pere
[Lui] Les pieds et les bras nuds, nud teste et sans ceinture
ÉTYMOLOGIE
1
Wallon, nou, nowe au féminin ; namur. nu, neuve au féminin ; provenç. nud, nut ; catal. nu ; anc. espagn. nudo ; portug. nu ; ital. nudo ; du lat. nudus ; comparez le sanscrit nagda, nu ; anglo-saxon, nacod ; angl. naked ; le latin serait pour nugdus (1er u accent bref), a affaibli en u (accent bref).SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
1
Cordonnier, va-nu-pieds
dans Journ. offic. 10 juillet 1877, p. 5132, 2e col.