Définition de SAISIR

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : sé-zir

DÉFINITIONS

1
Prendre avec vigueur, avec effort et tout d'un coup. Saisir quelqu'un par le bras.
Mon ordre porte encor de saisir votre épée
Je suis une ombre à ton service, Et non pas un corps qu'on saisisse
Qu'on le saisisse, Oui, lui-même, Pharnace, allez ; et de ce pas Qu'enfermé dans la tour on ne le quitte pas
[Lors de l'enterrement de Henri IV] les gardes saisirent un conseiller qui faisait résistance [le parlement voulait précéder les évêques] ; c'était Paul Scarron, le père du fameux poëte burlesque Paul Scarron, plus célèbre encore par sa femme
L'athlète Cléomède entra dans une école destinée à l'éducation de la jeunesse, saisit une colonne qui soutenait le toit et la renversa
Sémantique : Fig.
Je suis homme à saisir les gens par leurs paroles, Et j'ai présentement besoin de cent pistoles
2
Prendre un objet pour le tenir, pour s'en servir ou pour le porter. Le manche de cet outil est trop gros, on ne peut le saisir. Saisir une marmite par les anses.
Sémantique : Fig. Saisir le moment, l'occasion favorable, en profiter.
Les Romains, saisissant l'occasion de leur ressentiment [des Étoliens] ou plutôt de leur folie, firent alliance avec eux
Je saisis cette occasion pour apprendre à cinq ou six lecteurs qui ne s'en soucient guère, que l'article Messie, imprimé dans le grand dictionnaire encyclopédique.... n'est pas mon ouvrage....
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Mél. litt. à M. de la Harpe.
Pour étouffer les révolutions, il est un premier moment qu'il faut saisir
On dit dans le même sens : saisir un avantage.
Je suis vaincu ; Pompée a saisi l'avantage D'une nuit qui laissait peu de place au courage
Saisir un prétexte, s'en servir, s'en autoriser.
3
S'emparer de, occuper en force.
Envoyez des soldats à chaque coin des rues ; Saisissez l'Hippodrome avec ses avenues
Nous saisissons la porte, et les gardes se rendent
de Pierre CORNEILLE dans ib. V, 7
Pendant deux nuits il avait fait une incroyable diligence pour faire le tour d'une montagne presque inaccessible dont les alliés avaient saisi presque tous les passages
4
Unir, agglutiner.
De gros sables qui furent saisis et agglutinés par la pâte d'argile
Sémantique : Terme de marine. Lier étroitement deux objets par des cordages ou de toute autre façon.
5
Sémantique : Fig. Embrasser par le regard, s'emparer par le coup d'oeil.
La peinture saisit son objet en action, mais ne le présente jamais qu'en repos
Ses yeux ont d'un regard saisi le monde entier
6
Sémantique : Fig. Comprendre, discerner. Le traducteur a mal saisi le sens de son auteur.
Ce qu'on doit ne point voir, qu'un récit nous l'expose ; Les yeux en le voyant saisiraient mieux la chose ; Mais il est des objets que l'art judicieux Doit offrir à l'oreille et reculer des yeux
Comme nous saisissons aisément ce qui est simple et bien ordonné et que nous apercevons sans peine les rapports des parties qui font l'ensemble....
de DUMARSAIS dans Oeuvr. t. V, p. 38
La plupart des jeunes gens, les plus vifs et les moins pensants, qui ne voient que par les yeux du corps, saisissent cependant merveilleusement le ridicule des figures
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Disc. nat. anim. Oeuv. t. V, p. 364
Il y a un âge pour bien saisir l'usage du monde
Il [Dieu] est le principe de tout ; il est impassible, invisible, incorruptible, il n'y a que l'entendement qui le saisisse
On entend par visible ce qui est fait pour être aperçu par l'oeil, et M. Hutcheson entend par beau ce qui est fait pour être saisi par le sens interne du beau
de Denis DIDEROT dans Oeuv. t. II, p. 413, dans POUGENS
Il n'a pas saisi ce principe si bien développé par Locke, Hobbes, Condillac, que nous recevons nos idées par nos sensations ; mais il l'entrevoit
de CHAMPAGNE dans Instit. Mém. sc. mor. et pol. t. III, p. 88
7
Il se dit d'une attaque vive de maladie, d'une impression sur les sens.
Un parfum saisit agréablement notre odorat quand nous y pensons le moins
À ces dernières paroles [d'une harangue au roi] la voix lui manqua [à l'avocat général Servin] ; une apoplexie le saisit, et on l'emporta expirant
Le soir la fièvre me saisit ; mon domestique se sentit frappé en même temps que moi
Sémantique : Fig.
Un vertige soudain saisit les éléments
Il se dit de l'impression soudaine du froid.
Le grand air l'aura saisi
8
Sémantique : Fig. Mettre sous l'impression vive et soudaine de quelque sentiment, de quelque passion, de quelque vue.
L'impérieuse aigreur de l'âpre jalousie, Dont en secret dès lors mon âme fut saisie
Fuyez donc les fureurs qui saisissent mon âme
Considérez la pieuse reine devant les autels ; voyez comme elle est saisie de la présence de Dieu
Les coeurs sont saisis d'une joie soudaine par la grâce inespérée d'un beau jour d'hiver
Une sainte frayeur des jugements de Dieu le saisissait ; on voyait sa foi dans ses yeux et dans ses paroles
C'est lui ! d'horreur encor tous mes sens sont saisis
Que malgré la pitié dont je me sens saisir, Dans le sang d'un enfant je me baigne à loisir ?
Va voir si la douleur ne l'a point trop saisie
L'épouvante saisit les coeurs
Veut-il [Homère] peindre deux hommes que personne ne puisse méconnaître et qui saisissent le spectateur, il vous met devant les yeux la folie incorrigible de Pâris et la colère implacable d'Achille
Il y a de certaines idées d'uniformité qui saisissent quelquefois les grands esprits
Cette formule criminelle digne tout au plus de Grégoire VII ou de Boniface VIII, et dont la seule lecture nous saisit d'indignation : Nous réhabilitons Henri dans sa royauté [Henri IV]
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Frag.sur l'hist. XVI
Tout ce qui saisit l'imagination des hommes ne leur permet pas une justice si exacte
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Consid. moeurs, 14
Je n'avais point encore été saisie par une affection qui pût me dominer
Nature : Absolument.
Voilà ce qui surprend, frappe, saisit, attache
Se précipitant entre les hommes et les chevaux, ils [les montagnards écossais, à Preston-Pans] tuent les chevaux à coups de poignards, et attaquent les hommes le sabre à la main ; tout ce qui est nouveau et inattendu saisit toujours
9
Être saisi, être frappé subitement de douleur ou de plaisir ou d'étonnement. Je suis encore tout saisi de cette nouvelle.
Elle a été si excessivement saisie de ce procédé, qu'elle en est devenue une image de Benoît
Mme de Chaulnes fut saisie du refus de ma mère ; elle se tut, elle rougit, elle s'appuya
de Charles de SÉVIGNÉ dans dans SÉV. 25 juill. 1689
10
Faire une saisie, retenir par voie de saisie. L'huissier a saisi son mobilier.
Ce fut alors que ce roi, le vainqueur et le père de ses sujets [Henri IV], ordonna qu'on ne saisirait plus, sous quelque prétexte que ce fût, les bestiaux des laboureurs et les instruments de labourage
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Pol. lég. Diatribe à l'aut. des Éph.
M. l'abbé Terrai me saisit tout le bien libre que j'avais en rescriptions, les seuls effets dont je pusse disposer
Aucun livre ne peut entrer en France sans être saisi par les commis, qui se font depuis quelque temps une assez jolie bibliothèque
J'apprends par une lettre de mon père que ma malle a été saisie et confisquée aux Rousses, bureau de France sur les frontières de Suisse
On s'était attendu, en saisissant les biens des jésuites dans cette province [Buenos-Ayres], de trouver dans leurs maisons des sommes considérables ; on en a néanmoins trouvé fort peu
de BOUGAINVILLE dans Voy. t. I, p. 201
J'ai de la fraude en pacotille Qu'à la barrière on saisirait
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Portrait.
Nature : Absolument. Permis de saisir.
Pour vendre, chez le vieux Remi On saisissait avant l'aurore
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Jacques.
11
Mettre en possession de.
Vous régnez en ma place, et les dieux l'ont souffert ; Je dis plus, ils vous ont saisi de ma couronne
Et ceux qu'aura ma mort saisis de mon emploi, S'instruiront contre vous, comme vous contre moi
Sémantique : Terme de jurisprudence. Le mort saisit le vif, l'héritier est immédiatement investi des biens du défunt.
12
Saisir un tribunal d'une affaire, la porter devant lui.
Ils [les jésuites] disaient pour se défendre, que l'Eglise universelle était saisie de leur cause par l'appel qu'ils avaient fait au futur concile
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Destr. des jés. Oeuv. t. V, p. 77, dans POUGENS
13
Se saisir, Nature : v. réfl. S'empoigner l'un l'autre.
Nous nous saisîmes l'un l'autre ; nous nous serrâmes à perdre la respiration
14
S'emparer, se rendre maître d'une personne ou d'une chose.
Il se saisit du port, il se saisit des portes, Met des gardes partout
Vous vous saisissez par vos mains De plus que votre récompense
César m'a commandé de me saisir de vous
À dix heures du soir, ils [des partisans ennemis qui s'étaient avancés jusque près de Versailles] aperçurent sur le pont de Sèvres un carrosse à six chevaux, aux armes du roi [Louis XIV] et des gens avec sa livrée ; c'était M. de Beringhen, premier écuyer, dont ils se saisirent, croyant que c'était M. le Dauphin
de SAINT-FOIX dans Ess. Paris, Oeuv. t. III, p. 72, dans POUGENS
L'ordre fut donné de se saisir d'Avignon et de tout le comtat Venaissin
Sémantique : Fig.
Et vous vous saisissez d'un prétexte frivole Pour vous autoriser à manquer de parole
15
Sémantique : Fig. Il se dit dans un sens analogue avec un nom de chose pour sujet.
Tu n'as fait, lui dit-il [à Dieu], que détourner ta face, Et le trouble aussitôt s'est saisi de mon coeur
Qui ne voit que l'esprit de séduction s'est saisi de leur coeur ?
Afin que la séduction se saisisse à la fois des sens, de l'esprit et de l'âme
de Jean-François MARMONTEL dans Oeuv. t. VIII, p. 275
16
Évoquer devant soi une affaire.
On se divisa, et le parlement d'Angleterre se saisit de la contestation
17
S'émouvoir, être saisi. Cet homme se saisit au moindre contre-temps qui lui arrive.
Ne t'étonne donc point de cette jalousie Dont à ce froid abord mon âme s'est saisie
Le beau vous touche, et ne seriez d'humeur à vous saisir pour une baliverne
de Jean RACINE dans Épig. sur la Judith de Boyer.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Guenes li quens l'ad dessuz lui saisie [la lance]
dans Ch. de Rol. LV
Ne il n'en fut [du fief] ne vestut ne saisit
dans ib. CCXXXI
2
XIIe s.
Car nessuns hom [nul homme], puis k'amours l'a saisi, Ne devroit jà si grief faix entreprendre [que la croisade]
dans Couci, XXIV
Pour quoi Mancel [les Manceaux] ne fussent de lor vies saisi [maîtres de la vie des messagers]
dans Sax. XXIV
Tut saisi [le roi] en sa main e terres e mustiers
dans Th. le mart. 64
Les cordes de enfern [l'enfer] me unt lied, et les laz de mort m'unt saisid
dans Rois, p. 205
3
XIIIe s.
Et sesist chascun de la terre endroit soi ce qu'il pot
Et quant je serai saisis de ma terre et de ma cité
[Pinçon] Qu'espervier fameilleus tient saisi en la groe [griffe]
dans Berte, XXXIII
Par le très grant avoir dont il erent [étaient] saisi [en possession]
dans ib. CXLIII
Par le [la] reson de ce que li mors saisist le vif
de Philippe de BEAUMANOIR dans XLI, 9
4
XVe s.
Item, Charles.... Doffin.... saesy le royaume et se fist nommer roy
de FENIN dans 1422
Je vueil ce bon boucler [bouclier] cesir, Qui pour coups ne puet desmentir
dans la Pass. de N. S. J. C
5
XVIe s.
Ce disant, se saisit du baston de la croix
Mon maistre est, à ta furieuse venue, saisy de grand desplaisir
de François RABELAIS dans ib. I, 31
Il le feit saisir à des bourreaux
de Michel de MONTAIGNE dans I, 3
La ville feut saisie [prise] par surprinse
de Michel de MONTAIGNE dans I, 27
Des peuples entiers s'en veoyent souvent saisis [de terreur]
de Michel de MONTAIGNE dans I, 64
Je saisis [je gagne] le mal que j'estudie, et le couche en moy
de Michel de MONTAIGNE dans I, 91
Son principal effect [de la conscience], c'est de nous saisir de telle sorte qu'à peine soit il en nous de....
de Michel de MONTAIGNE dans I, 115
Douaire coutumier saisit [les fruits et arrérages en sont dus dès le décès, sans qu'il soit besoin d'aucune demande judiciaire]
de Antoine LOYSEL dans 145
Les creanciers leur faisoient [aux plébéiens] saisir ce peu de bien qu'ilz avoient, à faulte de payer les usures ; et ceulx qui n'avoient du tout rien, estoient eulx mesmes saisis au corps
de Jacques AMYOT dans Cor. 6
Ilz saisirent un quartier de la ville
de Jacques AMYOT dans Agésil. 52
Il nia qu'il l'eust prise, mais il en fut trouvé saisy
de Jacques AMYOT dans Anton. 104

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. sazir, sayzir ; ital. sagire et staggire ; angl. to seize ; gaélique, sàs ; bas-lat. (dans les lois barbares) ad proprium sacire, s'emparer. Comme ad proprium sacire a pour synonyme ad proprium ponere, Diez pense que l'étymologie est l'ancien haut-allemand sazjan, mettre, poser, l'ital. sagire s'y rapportant comme palagio se rapporte à palatium. Scheler, sans rien proposer, objecte que cette étymologie ne rend pas compte de la forme staggire ; mais il est douteux que staggire, dont le sens propre paraît être fixer, arrêter, soit le même mot que sagire ; probablement staggire se rapporte à stagio, demeure, séjour, étai. Depuis, Scheler, dans un article sur l'étymologie de saison, s'est rapproché de cette dernière manière de voir sur staggire.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Ajoutez :
Saisir quelqu'un dans ses biens, exercer une saisie sur ses biens.
Comme les tribunaux ne pourraient pas faire saisir le préfet par corps ni dans ses biens pour la non-exécution du contrat
dans Corresp. de Napoléon 1er, t. XIX, n° 15880

Synonymes de SAISIR

Termes proches de SAISIR