Définition de SERVIR

DÉFINITIONS - PROVERBES - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : sèr-vir

DÉFINITIONS

1
Être à un maître comme domestique.
Que servir un joueur est un maudit métier !
On défendit aux calvinistes, en 1685, de se faire servir par les catholiques, de peur que les maîtres ne pervertissent les domestiques
Nature : Absolument. Être réduit à servir. Ce domestique est trop vieux, il ne peut plus servir.
Servir son maître à table, lui donner à boire, lui donner des assiettes, etc.
Nature : Absolument.
Ce qu'on peut remarquer [lors du sacre], c'est que les prélats dînèrent à la table de l'empereur, et que les ducs de Franconie, de Souabe, de Bavière et de Lorraine servirent à table
Je servais à table, et je faisais à peu près au dedans le service d'un laquais
Servir à la chambre, à la cuisine, etc. Être employé au service de la chambre, de la cuisine, etc.
Vous étiez jeune encor, vous serviez au festin, à ce dernier festin du tyran de l'Asie
Pour vous servir, à vous servir, locutions familières de civilité employées comme réponse affirmative.
Vous êtes taupe ? me dit-elle ; Oui, lui dis-je, mademoiselle, Je suis taupe, pour vous servir
de Vincent VOITURE dans Poés. Oeuv. t. II, p. 186
D. Juan : Vous vous appelez ? - Charlotte : Charlotte, pour vous servir
Vous êtes sans doute madame Patelin ? - à vous servir !
de BRUEYS dans Avoc. Pat. II, 2
2
Être au service de, être attaché à la personne, en une qualité supérieure à celle de domestique.
Et ressouvenez-vous quel prélat vous servez
Le bonheur de le servir [un grand] était, selon lui, une assez haute récompense pour ceux qui le servaient
3
Rendre à quelqu'un les mêmes services qu'un domestique rend à son maître.
Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, St Marc, X, 45
Ô vous, pauvres, quelque nom que vous portiez, vous que la reine servait avec tant de foi
Dieu, dit la princesse Anne, me donnera peut-être de la santé pour aller servir cette paralytique
Il [Fénelon] recueillait dans son palais les malheureux habitants des campagnes que la guerre avait obligés de fuir leurs demeures, les nourrissait, et les servait lui-même à table
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Élog. Fén.
4
Dans le culte catholique, servir le prêtre, le célébrant à l'autel, répondre la messe, et présenter l'eau et le vin, ce qui, aux grand'messes, est la fonction des diacres et des sous-diacres.
Loin d'ici ces prêtres oisifs qui, vivant de l'autel et ne servant pas à l'autel, traînent sans honneur et sans emploi un stérile et infructueux sacerdoce
de Esprit FLÉCHIER dans Panég. II, 405
Debout à ses côtés [du grand prêtre], le jeune Éliacin Comme moi le servait en long habit de lin
Servir la messe, assister le prêtre qui la dit.
Pour moi, je n'entends guère de messe dans le camp qui ne soit servie par quelque mousquetaire, et où il n'y en ait quelqu'un qui communie, et cela de la manière du monde la plus édifiante
de Jean RACINE dans Lett. 21 à Boileau
Hélas ! le seul office que je pouvais lui rendre, c'était de lui servir la messe, mais c'était un mérite à ses yeux, et voici pourquoi....
5
Servir Dieu, lui rendre le culte qui lui est dû, s'acquitter des devoirs de la religion.
Il n'y a que deux sortes de personnes qu'on puisse appeler raisonnables : ou ceux qui servent Dieu de tout leur coeur, parce qu'ils le connaissent ; ou ceux qui le cherchent de tout leur coeur, parce qu'ils ne le connaissent pas
Que quand on servait Dieu, on servait bien son roi
[Le prince de Condé mourant] nous avertit que, pour trouver à la mort quelques restes de nos travaux et n'arriver pas sans ressource à notre éternelle demeure, avec le roi de la terre il faut encore servir le roi du ciel
Le Dieu que nous servons est le Dieu des combats
Ils laissèrent à chacun la liberté de servir Dieu suivant sa conscience, pourvu que l'État fût bien servi
Il se dit des dieux du paganisme.
Leurs philosophes connurent que le monde était régi par un dieu bien différent de ceux que le vulgaire adorait, et qu'ils servaient eux-mêmes avec le vulgaire
J'ai mon dieu que je sers ; vous servirez le vôtre
Des dieux que nous servons connais la différence
6
Obéir à, honorer.
L'orgueil de voir vingt rois vous servir et vous craindre
Servir une dame, lui rendre des soins assidus, faire profession d'être son amant.
Je sers, je le confesse, une jeune merveille, En rares qualités à nulle autre pareille
de François de MALHERBE dans V, 21
Oui, c'est moi qui voudrais effacer de ma vie Les jours que j'ai vécu sans vous avoir servie
Le comte d'Arran, qui l'avait servie des premiers [Mme de Shrewsbury], n'avait pas été des derniers à la quitter
Nature : Absolument.
Prêt à servir toujours, sans espoir de salaire
7
Il se dit des emplois de guerre, de magistrature, d'administration que l'on remplit au service de l'État, du prince. Louis XIV fut servi par Vauban dans ses armées.
Que, depuis quarante-deux ans qu'il servait le roi, il ne lui avait jamais donné de conseil que selon sa conscience
Ne pouvant servir le roi par ses actions et par ses discours, il [le Tellier] le servit par son repos et par son silence
Nous servions tous deux l'État, et, le servant, nous voulions l'un et l'autre tout gouverner
D'un combat singulier la gloire est périssable ; Mais servir la patrie est l'honneur véritable
Qui sert bien son pays n'a pas besoin d'aïeux
Christine, comme tous les princes, aimait mieux être flattée que servie
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Oeuvr. t. IV, p. 21
On dit dans un sens analogue : servir l'Église.
On ne s'engage à servir l'Église que dans l'espérance d'y dominer ; et, si l'on n'espérait pas y dominer un jour, on ne se réduirait jamais à la servir
de Louis BOURDALOUE dans 10e dim. après la Pentec. Dominic. t. III, p. 212
Sémantique : Fig.
Servir le monde pour Dieu, disait ce grand évêque, c'est une vertu ; servir le monde pour le monde, c'est un désordre
de Louis BOURDALOUE dans 5e dim. après la Pentecôte. Dominic. t. II, p. 460 et 461
On sert mal à la fois la fortune et l'amour
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Dev. du vil. sc. 4
8
Nature : Absolument. Être dans le service militaire. Il a longtemps servi sur mer, dans la cavalerie, dans l'infanterie. Il y a vingt ans qu'il sert.
Ce sera dans nos jours s'être fait un nom parmi les hommes et s'être acquis un mérite dans les troupes, d'avoir servi sous le prince de Condé, et, comme un titre pour commander, de l'avoir vu faire
M. de Servière, gentilhomme d'une ancienne noblesse, qui, après avoir longtemps servi, mais peu utilement pour sa fortune, parce qu'il n'avait songé qu'à bien servir, s'était retiré couvert de blessures
Où voudriez-vous servir ? vous n'avez qu'à dire : dans l'infanterie, dans la cavalerie, ou dans les dragons ?
Faire son service. Ce soldat sert bien.
Vous ai-je pas conté comme il [Turenne] rhabilla ce régiment anglais ?.... les Anglais ont dit.... qu'ils achèveraient de servir cette campagne pour le venger, mais qu'après ils se retireraient, ne pouvant obéir à d'autres
Le maréchal de Richelieu venait de conclure, près de Stade, un traité avec les Hanovriens et les Hessois qui ressemblait à celui des fourches caudines : leur armée ne devait plus servir
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Comm. Oeuvr. aut. Henriade.
9
Sémantique : Terme de guerre. Servir une batterie, une pièce de canon, etc. faire les manoeuvres nécessaires pour l'exécution du feu.
Le canon des assiégés a été très bien servi
Servir une pompe, la faire jouer.
10
Placer les mets sur la table. Servir le dîner, le souper.
Si l'on ne vous servait à table que deux onces de pain
Ainsi dit Gilotin, et ce ministre sage Sur table au même instant fait servir le potage
Les nymphes.... servirent un repas simple, mais exquis pour le goût et pour la propreté
Ce fut l'orateur Hortensius qui imagina le premier de faire servir des paons sur sa table
La chair du cygne est noire et dure ; et c'est moins comme un bon mets que comme un plat de parade qu'il était servi dans les festins chez les anciens, et par la même ostentation chez nos ancêtres
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans ib. t. XVII, p. 33
On voit dans les dispensaires du XVIe siècle qu'on servait à la table de François Ier des cervelles de faisans, des langues de carpes et des foies de lottes étuvés au vin d'Espagne
de DECOURCHAMP dans Souvenirs de la marquise de Créquy, t. IV, ch. VI.
Sémantique : Fig. Servir un mauvais compliment, faire un mauvais compliment.
La voyant échapper, je courais après elle ; Mais un maudit galant m'est venu brusquement Servir à la traverse un mauvais compliment
de Pierre CORNEILLE dans Place Roy. IV, 4
Nature : Absolument. Voulez-vous qu'on serve ? Servez à six heures.
Madame, on a servi sur table
Un petit laquais viendra dire qu'on a servi, on se lèvera, et chacun ira souper
Et servez chaud, formule qui, dans les livres de cuisine, termine toutes les recettes de mets qui doivent être mangés chauds.
Sémantique : Fig. et familièrement. Servez chaud, faites vite, donnez promptement.
Le dîner, le déjeuner est servi, il est sur la table.
On dit dans le même sens : Vous êtes servi ; Madame est servie.
Je suis servi par ses cuisiniers [de Frédéric II] ; j'ai une reine à droite, une reine à gauche....
Un quart d'heure après on nous servit, et nous nous mîmes à table
Je l'invitai à souper ; mais elle s'en défendit, et me quitta quand on m'avertit que j'étais servie
de Mme RICCOBONI dans Oeuvr. t. III, p. 178
Servir à déjeuner, à dîner, à souper, servir à une ou plusieurs personnes ce qu'il faut pour déjeuner, dîner, souper.
Servir un dîner, un déjeuner, signifie quelquefois, en parlant d'hôteliers, de restaurateurs, donner à dîner, à déjeuner. On nous servit un fort beau dîner.
Servir une table, la couvrir de plats, de mets. On servit six tables en même temps.
Servir à quelqu'un un mets, d'un mets, donner d'un mets à un convive. On m'a servi un excellent morceau. Je vais vous servir du saumon.
On dit aussi : servir à boire à quelqu'un.
Servir quelqu'un, lui donner de ce qui est sur la table. Vous ai-je servi ? Je vous ai bien mal servi.
Nature : Absolument. C'était la maîtresse de la maison qui servait, elle distribuait les mets aux convives.
Sémantique : Fig. Servir quelqu'un d'un conte, lui faire un conte.
Je le sers aussitôt d'un conte imaginaire Qui l'étonne lui-même et le force à se taire
J'ai cru que les digressions feraient plus de bien à cet ouvrage que de tort, et que le lecteur, qui se verrait toujours servi de quelque trait d'histoire curieuse ou de quelque réflexion de bon goût, ne regretterait pas d'avoir perdu de vue la comète de temps en temps
de BAYLE dans Lettre touchant les comètes, avert. au lect.
Sémantique : Fig. et familièrement. Servir un plat de son métier, voy. PLAT. 2, n° 2.
Sémantique : Fig. et familièrement. Servir quelqu'un à plats couverts, lui rendre en secret de mauvais offices (voy. PLAT 2, n° 1, et, pour l'explication de cette locution, l'historique de PLAT 2).
11
Sémantique : Terme de jeu de paume. Servir la balle, ou, absolument, servir, jeter une balle sur le toit pour être reçue par ceux qui jouent. C'est à monsieur à servir.
Sémantique : Fig.
[Le premier président dit] que, si M. le Prince avait su jouer la balle qu'il lui avait servie, il avait quinze sur la partie contre moi
Servir sur les deux toits, jeter la balle de manière qu'elle aille sur les deux toits avant de tomber.
Sémantique : Fig. Et familièrement. Servir quelqu'un sur les deux toits, lui fournir l'occasion de faire avec facilité ce qu'il désire.
Il signifie aussi rendre à quelqu'un avec zèle de grands services.
Au jeu du ballon, de la balle, du volant, jeter le ballon, la balle, le volant à celui avec qui l'on joue.
À certains jeux de dés, mettre les dés dans le cornet de celui qui doit jouer. C'est à vous à servir.
12
Fournir une marchandise, un objet confectionné. Le boucher vous a mal servi. Ce cordonnier ne vous sert plus aussi bien qu'autrefois.
Si vous voulez être servi [recevoir des opuscules de Voltaire], dites-moi donc comment il faut que je vous serve
13
Sémantique : Terme de finance. Servir une rente, payer l'intérêt d'une somme constituée en rente.
Sémantique : Terme de jurisprudence. Servir une redevance, acquitter la redevance convenue.
14
Sémantique : Terme de féodalité. Servir le fief, remplir les obligations qui y étaient attachées.
Quand les fiefs étaient amovibles, on les donnait à des gens qui étaient en état de les servir
On fit des dispositions pour la succession future, dans la vue que le fief pût être servi par les héritiers
15
Faire aller, faire marcher, en parlant de certains moteurs. Ce cours d'eau a été utilisé pour servir un moulin.
16
Être utile à. Servir quelqu'un de son crédit, de son épée. Il vous a servi auprès du ministre.
Quand la pieuse reine d'Angleterre servait l'Église, elle croyait servir l'État
La souveraine puissance vous est accordée, afin que l'empire de la terre serve l'empire du ciel
Il faut servir nos amis à leur mode
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Proverbes, p. 50, dans POUGENS
Inexorables dieux, qui m'avez trop servi
Rarement on sert bien ceux qu'on aime beaucoup
André Doria est le héros qu'on peut mettre à la tête de tous ceux qui servirent la fortune de Charles-Quint
L'illustre Mme de Sévigné, Pellisson, Gourville, Mlle Scudéry, plusieurs gens de lettres se déclarèrent hautement pour lui [Fouquet], et le servirent avec tant de chaleur qu'ils lui sauvèrent la vie
Servant ses amis avec zèle, ou plutôt se faisant l'ami des gens qu'il pouvait servir
Je voudrais bien servir la raison, mais je désire encore plus d'être tranquille
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. à Volt. 22 déc. 1765
Nature : Absolument.
Sujet plein d'une fidélité ardente et zélée, et nullement courtisan, il aurait infiniment mieux aimé servir que plaire
N'offenser personne, guérir toutes les jalousies, servir sans cesse, et chercher à plaire comme si l'on ne servait point
Servir la religion, servir la patrie, faire quelque chose d'avantageux à la religion, à la patrie.
Servir les passions de quelqu'un, lui fournir les moyens de les satisfaire.
Comment puis-je sitôt servir votre courroux ?
Sers ma fureur, Oenone, et non point ma raison
Qu'importe que notre coeur souffre, pourvu que notre vanité soit servie ?
Corneille a dit servir quelqu'un à, l'aider à : Le patrice Aspar le servit à monter au trône, Pulch. au lecteur.
17
Il se dit des choses qui secondent, favorisent. Les circonstances, les événements l'ont bien servi.
Soit donc que malgré vous le sort vous ait servie, Soit que...
Son bras a mal servi sa valeur, il n'a pas eu autant de force que de courage.
Sa mémoire l'a mal servi, il a manqué de mémoire.
Si ma mémoire me sert bien, si j'ai bonne mémoire, si je me souviens bien.
18
Servir la jument, se dit de l'action de l'étalon dans l'accouplement.
19
Sémantique : Terme de chasse. Tuer la bête avec une arme.
Servir les bêtes rousses à la carabine
dans Moniteur univ. 13 nov. 1867, p. 1405, 3e col.
Ce mot est devenu, dans l'argot, synonyme d'assassiner.
20
Nature : V. n. Être à un maître comme domestique.
Enfin il sentit l'impossibilité absolue de servir à deux maîtres
Sémantique : Fig.
Il est ainsi, chrétiens : nous sommes des idolâtres, lorsque nous servons à nos convoitises
21
Servir un quartier, une semaine, être de service pendant un quartier, pendant une semaine.
Sémantique : Fig.
Je sers actuellement mon quartier de Tirésie [je suis aveugle] ; mes fluxions sur les yeux me mettent hors d'état d'écrire
de VOLT. Lett. d'Alembert dans 31 mars 1766
22
Être esclave, en servitude.
Un coeur né pour servir sait mal comme on commande
Tu veux servir ; va, sers, et me laisse en repos
Maintenant elle [la nation juive] sert sous un maître étranger
Une forêt voisine où nous servirions en esclaves sous ceux qui gouvernaient ses troupeaux
Sers ou meurs, disaient insolemment les Portugais à chaque peuple qui se trouvait sous leurs pas rapides et ensanglantés
23
Servir de, tenir lieu de, faire l'office de.
Pendant que cette princesse [Livie] vécut, elle servait de quelque barrière, parce que Tibère, accoutumé longtemps à lui obéir, n'osait lui contredire ouvertement
de PERROT dans Tacite, 254
Mon nom sert de rempart à toute la Castille
Votre goût a servi de règle à mon ouvrage
Vos lettres nous ont servi d'un grand amusement
Cette loi divine mal appliquée.... nous sert très souvent de fausse règle
de Louis BOURDALOUE dans 1er avent, Fausse consc. 134
Des siéges et des combats servirent d'exercice à son enfance [de Turenne]
Je vous rends votre fils et je lui sers de père
Tout doit servir de proie aux tigres, aux vautours
Hortense, ajouta-t-il en s'en allant, vous n'avez pas voulu me faire de la peine ; mais que ceci vous serve de leçon
Ils se servent de chiens à eux-mêmes [pour la chasse]
Servir de preuve que, prouver que.
Et ce choix sert de preuve à tous les courtisans, Qu'ils [les rois] savent mal payer les services présents
Servir d'un trophée à, être comme un trophée pour.
Dans leur sang répandu la justice étouffée Aux crimes du vainqueur sert d'un nouveau trophée
Sémantique : Fig. Servir de jouet, de plastron, être en butte aux railleries, aux attaques.
Servir de plastron, signifie aussi être exposé aux attaques, aux importunités de quelqu'un.
Sémantique : Fig. et familièrement. Servir de couverture, servir de prétexte.
24
Servir à, être utile.
Fuyez ce qui vous nuit, aimez ce qui vous sert
Je vois bien maintenant à quoi vous servent les opinions contraires que vos docteurs ont sur chaque matière ; car l'une vous sert toujours, et l'autre ne vous nuit jamais
La reine, qui accompagne son époux au coeur de l'hiver, joint au plaisir de la suivre celui de servir secrètement à ses desseins
Ce qui nous sert, on le cherche ; mais ce qui nous veut servir, on l'aime
Je croyais, interrompis-je vivement, que le but de la vie d'un honnête homme n'était pas le bonheur qui ne sert qu'à lui, mais la vertu qui sert aux autres
Que sert, à quoi sert-il ? quel avantage revient-il de.... ?
Mais que sert la colère où manque le pouvoir ?
Puis on avait pour son argent, Avec un bon soufflet, un fil long de deux brasses ; La plupart s'en fâchaient, mais que leur servait-il ? C'étaient les plus moqués
Ami, reviens chez moi : que nous sert de pleurer ? Haine, vengeance et deuil, laissons tout à la porte
de Jean de LA FONTAINE dans ib. X, 12
Que nous servira d'avoir du bien, s'il ne nous vient que dans le temps que nous ne serons plus dans le bel âge d'en jouir ?
Que lui servirent ses rares talents ? que lui servit d'avoir mérité la confiance intime de la cour ?
Qu'as-tu donc servi, ô philosophie !
Quand on n'a rien à répondre, à quoi sert-il d'écouter ?
de QUIN. dans Cadm. I, 4
Mais sans un Mécénas, à quoi sert un Auguste ?
Mais que sert que ta main leur dessille les yeux ?
Du zèle de ma loi que sert de vous parer ?
Que vous aura-t-il servi de croire, si vos moeurs ont démenti votre croyance ?
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Vérité de la religion
À quoi sert la vie, quand on n'a point d'amis ?
Nature : Impersonnellement.
Mais bien vous sert que j'ignore le langage des dieux
Rien ne vous a servi, seigneur, de me nommer
Rien ne lui servit de se défendre avec ses armes ordinaires, et de raconter des apologues : les Delphiens s'en moquèrent
de Jean de LA FONTAINE dans Vie d'Ésope.
Rien ne sert de courir : il faut partir à point
En ce sens, servir prend de avec rien, peu, beaucoup, guère, quoi.
Si bien Que tous mes froids dédains n'y servirent de rien
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Dial.
Hélas ! de quoi me sert ce dessein salutaire ?
L'un fait beaucoup de bruit qui ne lui sert de guère
Qui dit suffisant, marque tout ce qui est nécessaire pour agir, et il servirait de peu aux dominicains de s'écrier qu'ils donnent un autre sens au mot de suffisant
Les paroles servent de peu quand il s'agit de prouver
Il ne sert de rien à l'homme de gagner le monde entier, s'il vient à perdre son âme
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Avent, Bonh. des justes.
Les titres ne servent de rien pour la postérité
Cela sert comme un cautère, comme un emplâtre sur une jambe de bois, comme une cinquième roue à un carrosse, cela est tout à fait inutile.
25
Servir à, être destiné à tel usage, être propre à.
Les juges que leurs artifices faisaient redouter furent sans crédit : leur nom ne servit qu'à rendre la justice plus attentive
Je me souviens qu'il nous ravissait en nous racontant comme en Catalogne, dans les lieux où ce fameux capitaine [César], par l'avantage des postes, contraignit cinq légions romaines et deux chefs expérimentés à poser les armes sans combats, lui-même il avait été reconnaître les rivières et les montagnes qui servirent à ce grand dessein
S'il y a des choses que l'on doive ignorer, ce sont celles qui ne servent à rien
Métophis m'envoya vers les montagnes du désert d'Oasis avec ses esclaves, afin que je servisse avec eux à conduire ses grands troupeaux
Les mémoires pour servir à l'histoire de Louis XIV, qu'il [l'abbé de Choisy] avait aussi écrits dans ses moments de loisir, n'ont paru que depuis sa mort
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Éloges, l'abbé de Choisy.
On a dit aussi servir pour.
J'imite les Romains ....à qui l'on permettait.... de reprendre et de dire Ce qu'ils pensaient servir pour le bien de l'empire
26
Nature : Absolument, être utile, avec un nom de chose pour sujet.
Ma foi, le jugement sert bien dans la lecture
Tout ce qui dut servir s'est tourné contre nous
27
Être d'usage. Ces gants ne peuvent plus me servir.
L'anneau qui lui servait est encore en tes mains
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Oreste, II, 1
28
Faire servir à, employer pour un but, pour un résultat.
Vous voyez combien cette bulle est dangereuse, par la fin où l'on veut la faire servir
Par l'effet du même transport qui vous fait parler aux hommes de vos prétentions, vous en venez encore parler à Dieu, pour faire servir le ciel et la terre à vos intérêts
Ils font servir à leurs convoitises les biens qu'ils ont reçus pour exercer leur charité
Ils [les dieux] ont fait servir Achille à abattre les murs de Troie
Il [saint Augustin] veut qu'on fasse servir l'éloquence humaine à la parole de Dieu, et non qu'on rende la parole de Dieu esclave de l'éloquence humaine
Le dernier degré de la perversité est de faire servir les lois à l'injustice
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Sémantique : Terme de marine. Faire servir, faire fonctionner telle voile qui ne fonctionnait pas, de manière qu'elle serve au navire pour sa route ou pour une évolution.
Tout cela fut exécuté avec tant de diligence et si à propos, que les ennemis n'étaient qu'à deux portées de canon de moi, lorsque je commençai à faire servir
dans Rapport de J. Bart, 5 juill. 1696, dans JAL
30
Se servir, Nature : v. réfl. Faire pour soi ce qu'on pourrait faire faire à un domestique.
Ils [Charles XII et ses compagnons chez les Turcs] se servaient eux-mêmes ; et ce fut le chancelier Mullern qui fit pendant tout ce temps la fonction de cuisinier
31
Prendre de ce qui est sur la table. Servez-vous, point de façons.
32
Faire usage de.
Dieu, qui emploie toutes choses à ses fins cachées, s'est servi autrefois des chastes attraits de deux saintes héroïnes pour délivrer ses fidèles de leurs ennemis
Ne puis-je pas dire, pour me servir des paroles fortes du plus grave des historiens, qu'elle allait être précipitée dans la gloire ?
Grâces à mon amour, je me suis bien servie Du pouvoir qu'Amurat me donna sur sa vie [de Bajazet]
Je veux l'avancer, dites-vous : comblez-le de biens, surchargez-le de terres, de titres et de possessions ; servez-vous du temps ; nous vivons dans un siècle où elles lui feront plus d'honneur que la vertu
de Jean de LA BRUYÈRE dans II
Également capables de se servir de la fortune et de l'attendre
Il se dit aussi des personnes qu'on emploie. Il se sert depuis longtemps de ce tailleur.
Je viens remercier et mon père et mon roi D'avoir eu la bonté de s'y servir de moi
Ils [les Romains] se servirent d'Eumènes et de Massinisse pour subjuguer Philippe et Antiochus, comme ils s'étaient servis des Latins et des Herniques pour subjuguer les Volsques et les Toscans
Ô puissant Orosmade, vous vous servez de moi pour consoler cet homme ; de qui vous servirez-vous pour me consoler ?
Se servir d'une chose à, s'en servir pour tel usage.
Je ne puis fermer les mains ; mais je les remue, et m'en sers à toutes choses
33
Se servir chez un marchand, avoir l'habitude d'acheter chez lui.
34
Se rendre service à soi-même.
Ma situation est singulière ; je sers les autres, et je ne me sers pas moi-même
Se rendre service l'un à l'autre.
Ces femmes ont toutes des relations les unes avec les autres, et forment une espèce de république dont les membres, toujours actifs, se secourent et se servent mutuellement

PROVERBES

1
Il n'y a qu'un mot qui serve, signifie : ou bien décidez-vous, dites-moi votre dernier mot, ou bien : je vous ai dit mon dernier mot.
Écoutez : il n'y a qu'un mot qui serve ; je n'entends point que vous ayez d'autres noms que ceux qui vous ont été donnés par vos parrains et vos marraines
Il n'y a plus qu'un mot qui serve : M. de Meynières peut-il vous dire tout net ce que j'ai à espérer de M. Hérault ?
2
On n'est jamais si bien servi que par soi-même.

HISTORIQUE

1
Xe s.
Voldrent [ils voulurent] la faire diavle servir
dans Eulalie
2
XIe s.
Bel sire reis, je vus ai servit tant
dans Ch. de Rol. LXVII
Artus et li sien les feroient [frappaient], Et des espées les servoient, à vins et à cens les occistrent
dans Brut, ms. f° 100, dans LACURNE
Et fine amor si ne doit pas grever Ceus qui painent toz jors de lui servir
dans Couci, X
Cele cui [que] j'ai toz jors en remenbrance, Si que mes cuers ne sert d'autre labor
dans ib. XVI
Ainçois me dout [je crains] qu'en trestout mon aage Ne puisse assez li [elle] et s'amor servir
dans ib. XI
De pou [peu] me sert que me vuet [veut] conforter D'autrui aimer....
dans ib. X
Et sachiez bien, se biauz servirs ne ment [trompe]....
dans ib. XII
On ne puet [peut] pas servir à tant seignour
dans ib. XXIV
De maint annui [j'] ai puis esté servis Et eschapez de perilleuse voie
dans ib.
p. 124. Cel jour firent François d'Anseys chevalier ; Car encores servoit au role d'escuier
dans Sax. IV
Car onc ne lui rendimes.... Coustume ne peage fors de nos aciers frois ; Mais de ce l'avons bien servi par maintes fois
dans ib. XXXIII
Unz sainz huem li a dit, cui il l'ala gehir [avouer], Que l'endemain matin, quant devra Deu servir, Qu'il chant de saint Estiefne le primerain martyr
dans Th. le mart. 35
À son soper [elle] le servi bel E del peisson e del gastel
dans Grégoire, p. 89
3
XIIIe s.
Mains grans princes ce jour de servir [à table] se presente
dans Berte, X
Com celle qui ne fine [cesse] De servir plus à gré qu'une povre meschine [servante]
dans ib. LVI
Et dist Belins : je n'en puis mès, Je serf à un vilein felon Qui onc ne me fist se mal non
dans Ren. 13173
Et quant par votre fol respons M'avés mon songe ainsinc espons, Servi m'avés de grans mençonges
dans la Rose, 6631
Toutes fames sers et honore, D'eles servir poine et labore
dans ib. 2125
4
XIVe s.
Tousjours li mieux servi sont tousjours li plus grant, Guesclin, var. des vers 18118-18131. J'ai tout adez oï et dire et recorder ; Qui sert et ne parsert, il ne peut profiter
dans ib. 9014
Jehan Dourderon, poure valet charton, servant devant autrui [au service d'autrui]
Il s'en revint à S. Felix le dimanche suivant, pour servir son jour [comparaître à l'assignation] à l'endemain ensuivant contre ledit David
dans ib.
5
XVe s.
Nonobstant qu'ils eussent bien servy son pere au recouvrement et pacification du royaulme
de Philippe de COMMINES dans I, 3
C'est si tard qu'il ne sert plus de gueres
de Philippe de COMMINES dans I, 10
Et pour les pers de France s'y trouverent ceux qui s'ensuivent : le premier fut le duc d'Alençon (qui servoit pour le duc de Bourgongne) ; le deuxieme, monseigneur de Bourbon (qui servoit pour le duc de Normandie)....
de Philippe de COMMINES dans VIII, 20
Tout sert ; mais par sainte Marie, Il ne fait pas ce tour qui veult
6
XVIe s.
Il montoit sur une vieille mulle, laquelle avoit servi neuf roys
Ceste cavillation ne leur sert de rien
Ils avoient la charge de penser les povres, et leur servir
de Jean CALVIN dans ib. 852
Il n'est question sinon de nourrir entre nous charité, en servant les uns aux autres
de Jean CALVIN dans ib. 967
Dans la ville d'Amboise demeuroit le serviteur d'une princesse, qui la servoit de valet de chambre
Se servir d'une chose
de Michel de MONTAIGNE dans I, 19
Le tromper peult servir pour le coup
de Michel de MONTAIGNE dans I, 24
Moyen qui sert à vaincre
de ID. dans I, 25
Quoi qu'il en soit, je ne vouldrois pas estre servy de cette façon
de Michel de MONTAIGNE dans I, 59
Qui a apprins à mourir, il a desapprins à servir
de Michel de MONTAIGNE dans I, 77
J'en sçais à qui il a servy d'y apporter....
de Michel de MONTAIGNE dans I, 94
Les exemples fabuleux y servent comme les vrais
de Michel de MONTAIGNE dans I, 102
Je ne fus jamais sans homme qui m'en servist [de la musique, qui m'en jouât]
de Michel de MONTAIGNE dans I, 195
Le sommelier servit de ce vin au pape
de Michel de MONTAIGNE dans I, 253
On trouve des personnes ayans des opinions differentes, quant à la maniere de servir à Dieu
Les sciences servent d'un grand ornement aux nobles
Il les feit servir de viandes fort simples et communes
de Jacques AMYOT dans Numa, 26
Servir et honorer les dieux
de Jacques AMYOT dans ib. 31
Mais tout cela ne servoit de rien
de Jacques AMYOT dans Sylla, 73
Il estoit servy en vaisselle d'or et d'argent
de Jacques AMYOT dans Lucull. 80
L'epiglotte sert de comprimer le passage et conduit des cartilages du larynx
de Ambroise PARÉ dans IV, 15
Un seul hommeau, et le plus souvent le plus lasche et femenin de la nation.... tout empesché de servir vilement à la moindre femmelette
Qui sert commun, nul ne le paye, et, s'il defaut, chascun l'abaye
de Randle COTGRAVE dans
Assez demande qui bien sert
de ID. dans
Un bien servy [certificat donné à un domestique]
de Antoine OUDIN dans Dict.

ÉTYMOLOGIE

1
Bourguig. sarvi ; Berry, sarvir ; wallon, siervi ; provenç. servir, sirvir ; espagn. servir ; ital. servire ; du lat. servire.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Se servir, être mis, servi sur table. Ce plat se sert sur les meilleures tables.

Synonymes de SERVIR

Termes proches de SERVIR