Définition de TAIRE

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : tê-r'

DÉFINITIONS

1
Ne pas dire, cacher.
M. le Tellier seul, disaient les factieux, savait dire et taire ce qu'il fallait
On les croit insensibles [les âmes vertueuses], parce que non seulement elles savent taire, mais encore sacrifier leurs peines secrètes
Il tire d'un déserteur, d'un transfuge, d'un prisonnier, d'un passant, ce qu'il veut dire, ce qu'il veut taire, ce qu'il sait, et, pour ainsi dire, ce qu'il ne sait pas
En publiant ses magnificences [du Messie], ils [les prophètes] ne taisent pas ses opprobres
La grande maxime, ou, pour mieux parler, le grand abus de la science du monde, est de taire les vérités désagréables
de Louis BOURDALOUE dans 4e dim. après Pâq. Dominic. t. II, p. 135
Sénat, j'ai vu le crime, et j'ai tu les complices
Je n'ai pas entrepris mes confessions pour taire mes sottises
Vous ne pouvez rien taire ; un peu de discrétion est bien rare aujourd'hui
de Paul Louis COURIER dans 2e lett. partic.
2
Se taire, Nature : v. réfl. S'abstenir de parler. Elle s'est tue ; ils se sont tus après quelques moments.
Il est bon de parler et meilleur de se taire ; Mais tous deux sont mauvais alors qu'ils sont outrés
Quels seront nos gémissements à la vue de ce tombeau, où tous ensemble nous ne voyons plus que l'inévitable néant des grandeurs humaines ? taisons-nous ; ce n'est pas des larmes que je veux tirer de vos yeux
Il y a certaines gens qui apprennent toute leur vie à parler, et qui devraient peut-être se taire toute leur vie
Celui qui ne sait pas se taire sur un secret
Il se tait et fait le mystérieux sur ce qu'il sait de plus important, et plus volontiers encore sur ce qu'il ne sait pas
de Jean de LA BRUYÈRE dans VIII
Sacrés prélats de nos Gaules, combien de fois le vîtes-vous dans vos assemblées ignorer l'art nouveau de se taire !
Quand un homme n'a rien à dire de nouveau, que ne se tait-il ?
On peut souvent appliquer ce que M. Royer-Collard disait d'un orateur maladroit : Il a manqué une belle occasion de se taire
de LEGOARANT. dans
Sémantique : Fig.
Quoi ! même vos regards ont appris à se taire
3
Ne pas exhaler son chagrin.
Si tant de mères [qui ont perdu leurs enfants] se sont tues, Que ne vous taisez-vous aussi ?
La douleur qui se tait n'en est que plus funeste
4
Ne pas divulguer un secret.
La femme.... Crut la chose, et promit ses grands dieux de se taire
Elle est fort heureuse du parti qu'on lui offre, et dont elle est demeurée d'accord ; c'est de se taire très religieusement : et, moyennant cela, on ne la poussera pas à bout
Quiconque ne sait pas se taire est indigne de gouverner
5
Se taire de, passer sous silence.
On parle d'eaux, de Tibre et l'on se tait du reste
Il est assez de geais à deux pieds.... Je m'en tais, et ne veux leur causer nul ennui
C'est bien la moindre chose que je vous doive, après m'avoir sauvé la vie, que de me taire devant vous d'une personne que vous connaissez, lorsque je ne puis en parler sans en dire du mal
Romains, j'aime la gloire, et ne veux point m'en taire
Ne pouvoir se taire d'une chose, céder à un sentiment qui porte à publier une chose.
C'est avoir bien de la langue de ne pouvoir se taire de ses propres affaires
On me mande que Mme de Valavoire est à Paris, qui dit des biens de vous inimaginables ; elle ne se peut taire de votre beauté, de votre civilité, de votre esprit, de votre capacité
6
Être passé sous silence. Un pareil fait ne peut se taire.
Votre infidélité ne saurait plus se taire
7
En parlant des animaux et des choses, cesser de faire du bruit. Les oiseaux se taisent dans les airs.
Dans ces superbes allées [de Chantilly], au bruit de tant de jets d'eau qui ne se taisaient ni jour ni nuit
En même temps les vents se turent
Tout se calme à l'instant, les foudres se sont tus
Maintenant tout dormait sur sa bouche glacée ; Le souffle se taisait dans son sein endormi
de Alphonse de LAMARTINE dans Sec. Méditations, 22
8
Sémantique : Fig. Ne pas parler, avec un nom de choses pour sujet.
Quoi ! l'univers se tait sur le destin d'Égiste !
Il est vrai que l'histoire se tait sur le partage fait par Clovis du territoire de la Gaule
de LÉVESQUE dans Instit. Mém. sc. mor. et pol. t. v, p. 232
9
Sémantique : Fig. Cesser d'avoir de l'influence, de se faire sentir.
Il faut que les sens et les passions se taisent, si l'on veut entendre la parole de la vérité
Placé ainsi sur le trône de l'éloquence, il [Bossuet] vit, ce qui peut-être ne s'était jamais vu entre auteurs, la jalousie de tous ses contemporains se taire devant lui
de D'OLIVET dans Hist. Acad. t. II, p. 76, dans POUGENS
Le père en lui se tait, et le Romain l'emporte
10
Se soumettre.
Quand vous verrez les rois tomber à vos genoux, Et la terre en tremblant se taire devant vous
Tous les Romains se sont tus devant moi
11
Faire taire (avec ellipse du pronom personnel), imposer silence, réduire au silence. Faites taire ce bavard.
Il [Théodose] appuya la religion, il fit taire les hérétiques
Je dois employer mon crédit pour obliger le roi à faire taire tout le monde
Les dieux, qui m'inspiraient, et que j'ai mal suivis, M'ont fait taire trois fois par de secrets avis
Que dirai-je de ce personnage [Bossuet] qui a fait parler si longtemps une envieuse critique et qui l'a fait taire ?
de Jean de LA BRUYÈRE dans Disc. de récep.
Quelques personnes qu'on appelle dévotes se sont élevées contre les Calas ; mais, pour la première fois, depuis l'établissement du fanatisme, la voix des sages les a fait taire ?
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Pol. et lég. Lett. à d'Alemb. sur les Calas.
Faire taire le canon de l'ennemi, le mettre hors d'état de tirer.
Le canon des ennemis est très bien servi ; mais on prétend que nos batteries, qui seront bientôt en état, le feront taire
Sémantique : Fig. et dans le langage soutenu.
Si je n'ai pas fait taire mon âme, si je n'ai pas imposé silence à ces flatteuses pensées qui se présentent sans cesse pour enfler nos coeurs
L'un [Turenne], par de vifs et continuels efforts, emporte l'admiration du genre humain et fait taire l'envie
Jules.... Qui fit taire les lois dans le bruit des alarmes
Un prodige étonnant fit taire ce transport
Elles [les paroles de Mentor] étaient semblables à ces paroles enchantées qui tout à coup, dans le profond silence de la nuit, arrêtent au milieu de l'Olympe la lune et les étoiles, calment la mer irritée, font taire les vents et les flots, et suspendent le cours des fleuves rapides
12
Nature : S. m. Le franc taire, la liberté de se taire (mot formé à l'imitation de franc parler).
Il n'est pas permis longtemps d'y garder son franc taire ; car ceux qui y parlent ne veulent être écoutés que par des gens qui les applaudissent
de Jacques Henri BERNARDIN DE SAINT-PIERRE dans dans le Dict. de BESCHERELLE, au mot FRANC-TAIRE

HISTORIQUE

1
XIe s.
Respunt li reis : ambdui [tous deux] vos en taisez
dans Ch. de Rol. XVIII
Tais, Oliviers, li quens Rolans respunt
dans ib. LXXVIII
2
XIIe s.
Douce dame, je ne vous os [ose] rover [demander] Ce dont amours ne me rove pas taire
dans Couci, II
De peu me sert que me veut conforter D'autrui amer ; mieux me vaudroit taisir
dans ib. xx
Ici de Charlemaine [je] me doi ore bien taire
dans Sax. XXX
Ne fis dunques dissemblant ? ne moi touge dunkes ? ne moi cessai ge dunkes ?
dans Job, p. 471
3
XIIIe s.
En France se croisa Hevelons li vesques de Soissons.... Enguerrans de Boves, Robers ses freres et maint autre baron dont li livres se taist ores
Que ceste chose soit si teüe et celée
dans Berte, XVI
Dolente fu la dame, mout fu taisans et mue
dans ib. LXXX
La roïne se teut atant, et rentra en sa cambre, et pensa com elle poroit faire
dans Chr. de Rains, 32
Dist en avez vostre plaisir, S'avez perdu un biau taisir
dans Ren. 8832
Nus fox ne scet sa langue taire
dans la Rose, 4750
Li oisel qui se sunt teü Tant cum il ont le froit eü
dans ib. 67
N'en quier plus parler, je m'en tès
dans ib. 5444
Il est tenu et gardé à droit, que les lois soient abatues par desacostumance, non pas solemant par l'aide de celui qui fet la loi, mès par le taire et par le consentement de toz
dans Liv. de jost. 6
Et si se turent li flot
dans Psautier, f° 133
Tulles [Cicéron] dit que cil qui se taist est semblables à celui qui conferme
4
XIVe s.
Pour ce chaicun se devroit taire, Qui ne sceit très bien la matiere Comme Bretaigne fut soubmise
dans Le liv. du bon Jeh. 1625
5
XVe s.
Qui de tout se taist de tout a paix
de GERSON dans Harangue au roi Charles VI, p. 17
Elle taisoit qu'elle fust cause de la dilasion
de LOUIS XI dans Nouv. LXXXVI
6
XVIe s.
Je l'ay taisé.... quand viendra le temps de le dire, se pourra faire
dans Lett. de Louis XII, t. III, p. 26, dans LACURNE
Je vous declarerai un secret, dont le taire me met en tel estat que vous voyez
Il s'y treuve plusieurs advis qui valent mieulx teus que publiez aux foibles esprits
de Michel de MONTAIGNE dans II, 348
Plus apprend qui se taist que qui parle hault et brait
de GENIN dans Récréat. t. II, p. 247
Bien dire fait rire, bien faire fait taire
de Randle COTGRAVE dans
Fols sont sages quand ils se taisent
de Randle COTGRAVE dans
Quand d'autruy parler tu voudras, regarde toy, et te tairas
de Randle COTGRAVE dans

ÉTYMOLOGIE

1
Berry, taiser ; provenç. taser, taiser ; ital. tacere ; du latin tacere, qu'on rapproche du germanique : goth. thahan, anc. haut-all. dagên, suéd. tiga. La forme régulière est taisir, taiser, du lat. tacere ; mais la forme taire indique une très ancienne accentuation vicieuse tacère ; comparez plaire et plaisir.

Synonymes de TAIRE

Termes proches de TAIRE

Phonétiquement proche de TAIRE