Définition de VALOIR

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : va-loir

DÉFINITIONS

1
Être d'un certain mérite, en parlant des personnes (sens le plus rapproché du sens latin de valere, être fort).
Croyez que.... tant que je vaudrai quelque chose, je ne puis manquer d'être votre serviteur
Je te connais, Léonce, et mieux que tu ne crois ; Je sais ce que tu vaux, et ce que je te dois
Comme tu m'as souvent dit que je ne valais pas grand'chose
de BOURSAULT dans Lett. nouv. t. III, p. 247, dans POUGENS
C'est par là que je vaux, si je vaux quelque chose
....Si je vaux quelque chose C'est par là que je vaux, et par ma belle humeur
Ma foi, quand je parcours tout ce qui le compose [le monde], Je ne trouve que nous qui valions quelque chose
Chacun des deux est présentement ce qu'il faut à l'autre ; il m'éclaire, et je l'anime ; nous en valons mieux réunis
Obligé de valoir, mon fils en vaudra mieux
de SAURIN dans Beverlei, I, 1
Sans vanité l'on peut sentir ce que l'on vaut
Valoir beaucoup, avoir beaucoup de mérite ; valoir trop, avoir trop de mérite.
Tu vaux trop ; c'est ainsi qu'il faut, quand on se moque, Que le moqué surtout sorte fort satisfait
Je sais qu'il [votre fils] vaut beaucoup, étant sorti de vous
Cette femme ambitieuse et vaine croit valoir beaucoup quand elle s'est chargée d'or et de pierreries
Nature : Absolument, valoir, avoir de la fortune, du crédit, etc.
On ne vaut et l'on n'est heureux qu'autant qu'on se voit à son aise et bien pourvu
de Louis BOURDALOUE dans Exhort. sur le reniem. de St Pierre, t. I, p. 463
Ne valoir pas, être au-dessous de.
Le reste [des conjurés] ne vaut pas l'honneur d'être nommé
Les hommes ne valent pas la peine qu'on prend pour les éclairer ; et ceux même qui pensent comme nous, nous persécutent
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. à Voltaire, 22 déc. 1765
Il ne vaut pas la peine qu'on lui réponde, se dit, par mépris, d'un homme avec qui on ne veut point entrer en contestation.
Ne valoir pas que, avec le subjonctif, même sens.
Lâche, tu ne vaux pas que, pour te démentir, Je daigne m'abaisser jusqu'à te repartir
Allez, de tels soupçons méritent ma colère ; Et vous ne valez pas que l'on vous considère
Cet homme en vaut bien un autre, cet homme mérite autant d'estime qu'aucun autre.
Mais je crois qu'après tout ses soeurs la valent bien
Vous et moi nous en valons deux autres
Les femmes valent bien messieurs les beaux esprits
Un lion mort ne vaut pas Un moucheron qui respire
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Ecclés. Précis.
Je crois valoir au moins les rois que j'ai vaincus
Si Virgile était janséniste, Horace, qui le valait bien, était moliniste
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Oeuv. t. v, p. 183
Monsieur vaut bien madame, voy. MONSIEUR.
2
Il se dit du mérite qu'ont les choses.
Aussi n'appartient-il qu'aux Romains seulement De m'accorder un don qui vaille infiniment
Mais commander ici vaut bien servir ailleurs
Et d'autres lieux de cette mer, Qui ne valent pas le nommer
Nous n'estimons pas que toute la philosophie vaille une heure de peine
Il me semble qu'elle [cette peinture que je viens de vous faire] ne vaut guère
Dans les premiers temps, la poésie et la philosophie étaient la même chose, toute sagesse était renfermée dans les poëmes ; ce n'est pas que par cette alliance la poésie en valût mieux, mais la philosophie en valait moins
N'estimez votre état que ce qu'il vaut, et vous en vaudrez davantage
Personne ne donnait un avis qui valût le sien, soit pour l'ameublement, soit pour la toilette
de REYBAUD dans Jér. Paturot, II, 17
Cette chose, cette affaire ne vaut pas la peine d'y penser, d'en parler, cette chose, cette affaire est de peu de conséquence.
Dans le sens contraire : Cette chose, cette affaire vaut bien la peine d'y penser, la peine qu'on y pense.
Sémantique : Ironiquement. Cela ne vaut pas la peine d'en parler.
Monsieur mon frère aîné, car, Dieu merci, vous l'êtes D'une vingtaine d'ans, à ne vous rien celer ; Et cela ne vaut pas la peine d'en parler
Nature : Absolument, cela ne vaut pas la peine, n'en vaut pas la peine.
Sémantique : Fig. Le jeu ne vaut pas la chandelle, voy. CHANDELLE, n° 1.
Rien qui vaille, chose sans mérite ni valeur.
Ils [les comédiens] ont un privilége, c'est de ne faire rien qui vaille parce qu'ils sont seuls, de mal jouer les anciennes pièces, et de n'en point donner de nouvelles qui ne soient mauvaises
de Florent Carton, sieur d'Ancourt, dit DANCOURT dans Com. des coméd. I, 5
Nature : Substantivement. Un rien qui vaille, une personne sans mérite, sans valeur.
Je vous assure qu'à force de ne trouver que des riens qui vaille en son chemin, on devient rien qui vaille soi-même
de Roger de RABUTIN, Comte de Bussy, dit BUSSY-RABUTIN dans Lett. t. II, p. 97, dans POUGENS
Cet infant qu'on me baille, N'en déplaise aux baillants, n'est qu'un vrai rien qui vaille
de Thomas CORNEILLE dans Geôl. de soi-même, v, 7
N'avoir rien qui vaille, n'avoir rien de bon. Ce marchand n'a rien qui vaille.
J'étais lundi passé chez mon libraire Caille Qui dans son magasin n'a souvent rien qui vaille
Ne faire rien qui vaille, ne faire rien de bon, d'utile.
Vous ne feriez jamais rien qui vaille
En se dépêchant trop, on ne fait rien qui vaille
Selon lui, les Anglais n'avaient plus rien fait qui vaille, depuis qu'ils avaient renoncé au grec et à l'arabe pour la géométrie et la physique
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Éloges, Alary.
Ne valoir pas que, ne pas mériter que.
L'occasion ici fort peu vous favorise, Et ce faible bonheur ne vaut pas qu'on le prise
3
Valoir suivi d'un infinitif (tournure excellente, peu usitée aujourd'hui, mais qui mérite de l'être beaucoup).
Vous n'y trouveriez rien [dans des vers], à mon avis, qui vaille les désirer
de François de MALHERBE dans Lettres, II, 33
Que les combats qu'avait faits Minutius en Ligurie n'étaient que simples rencontres, et encore si légères qu'elles ne valaient pas en parler
de François de MALHERBE dans le XXXe livre de Tite Live, ch. 22
Le peu que j'y perdrai ne vaut pas m'en fâcher
L'offre n'est pas mauvaise, et vaut bien y penser
de Pierre CORNEILLE dans Galer. IV, 14
La vie est peu de chose, et le peu qui t'en reste Ne vaut pas l'acheter par un prix si funeste
4
Être d'un certain prix. Cette étoffe vaut cinq francs l'aune.
L'honneur qui se vend, si peu qu'on en donne, est toujours payé plus qu'il ne vaut
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Oeuv. t. v, p. 78
Sémantique : Familièrement. Cette chose vaut de l'argent, elle est d'un prix considérable.
Sémantique : Fig.
Ce petit Coulanges vaut trop d'argent, je garde toutes ses lettres
Cette chose vaut son pesant d'or, est très bonne dans son genre.
Cet homme vaut son pesant d'or, il est rempli de bonnes qualités.
Je vous dis qu'il [M. de Sévigné] vaut son pesant d'or
Chaque chose vaut son prix, chacun vaut son prix, chaque chose, chaque personne a ses qualités.
Quelque rare que soit le mérite des belles, Je pense, Dieu merci, qu'on vaut son prix comme elles
Je valais dans mon temps mon prix tout comme un autre
Sémantique : Fig. Savoir ce qu'en vaut l'aune, voy. AUNE.
Sémantique : Fig. et familièrement. Cela ne vaut pas le diable, ne vaut pas un sou, ne vaut pas un clou à soufflet, ne vaut pas le ramasser, cela n'est bon à rien, ne vaut rien.
Cela [une comédie de Legrand] ne vaut pas le diable ; mais cela réussira, parce qu'il y a des danses et de petits enfants
5
Valoir bien que avec le subjonctif, être digne que.
La gloire de mon nom vaut bien qu'on la retienne
Qui d'eux aimait le mieux ; que t'en semble, lecteur ? Cette difficulté vaut bien qu'on la propose
Je vaux bien que de moi l'on fasse plus de cas ; Et je baise les mains à qui ne me veut pas
Nature : Impersonnellement, avec bien et inversion, il est avantageux.
Pour lors bien m'en valut
[Louis XI] Non, je sais que je n'y suis pas [au Plessis-lez-Tours], et bien vous en vaut [à vous, la Balue]
6
Valoir mieux, avoir plus de qualités, en parlant de personnes.
La cavalerie carthaginoise valait mieux que la romaine
Il y en a bien peu [Anglais] qui ressemblent à Bolingbroke ; celui-là valait mieux que ses livres ; mais, pour les autres Anglais, leurs livres valent mieux qu'eux
Cet homme ne vaut pas mieux que son frère, ce sont tous deux des gens mauvais.
Il [un thaumaturge] avait ajouté les chrétiens aux épicuriens, parce qu'à son égard ils ne valaient pas mieux les uns que les autres
Être meilleur, être préférable, en parlant de choses. Ma montre vaut mieux que la vôtre.
À quelque prix qu'on mette une telle fumée, L'obscurité vaut mieux que tant de renommée
C'est toujours quelqu'un à qui on peut faire un tour quand on sera de mauvaise humeur, et cela vaut mieux que rien
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Lett. gal. II, 34
La paix vaut encore mieux que la vérité ; je n'ai guère connu ni l'une ni l'autre en ce monde
Cette chose-là vaut mieux pistole qu'elle ne valait écu, voy. PISTOLE.
Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, voy. TENIR.
Impersonnellement. Il vaut mieux, il est plus avantageux, il est préférable. Il vaut mieux qu'il en soit ainsi.
Mais, tyran pour tyran, il vaut mieux vivre à Rome
Il leur vaudrait bien mieux, les pauvres animaux [des chevaux], de travailler beaucoup, de manger de même
Avec suppression de il et inversion.
Mieux vaut goujat debout qu'empereur enterré
de Jean de LA FONTAINE dans Matrone.
Autrefois cette inversion de mieux n'était pas obligatoire.
Mais il faut le vouloir, et vaut mieux se résoudre, En aspirant au ciel, être frappé de foudre....
de François de MALHERBE dans V, 30
7
Ne rien valoir, en parlant des personnes, être méchant, vicieux, dangereux.
Tout le monde me prend pour un homme de bien ; Mais la vérité pure est que je ne vaux rien
Mon Dieu ! que les hommes ont de talent pour ne rien valoir !
Chassé de la maison de son père, parce qu'il ne voulait rien valoir
Il se dit des choses en un sens analogue.
La Puisieux s'en est épanoui la rate [d'une petite méchanceté faite par Mme de Sévigné] ; Mademoiselle n'osait lever les yeux ; et moi, j'avais une mine qui ne valait rien
Son grand benêt d'amant ne l'aime guère, il trouve Marie bien jolie, bien douce ; ma fille, cela ne vaut rien....
Cette chose ne vaut rien, elle n'a presque aucun mérite, presque aucune valeur. Le cheval qu'il a vendu ne valait rien. Cette comédie ne vaut rien du tout. L'étoffe que j'ai achetée ne vaut rien.
Cette chose ne vaut rien, se dit aussi d'une chose usée et devenue hors d'usage. Cet habit ne vaut plus rien.
Cela ne vaut rien, cela est mauvais, nuisible. Le temps humide ne me vaut rien.
La raison ne me vaut rien ; car elle m'a ôté tout ce que j'avais d'agréments
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Ad. et Th. t. II, p. 170, dans POUGENS
Cela ne vaut rien, signifie aussi, cela n'annonce rien de bon, est de mauvais augure. Il s'endort dès qu'il a mangé, cela ne vaut rien.
8
Rapporter, donner du profit. Cet emploi vaut tant.
Tant vaut l'homme, tant vaut la terre, voy. TERRE.
9
Faire valoir quelqu'un, lui donner crédit, puissance, occasion de paraître à son avantage.
Les rois font des hommes comme des pièces de monnaie ; ils les font donc valoir ce qu'ils veulent ; et l'on est forcé de les recevoir selon leur cours, et non pas selon leur véritable prix
de François, duc de LA ROCHEFOUCAULD dans Prem. pens. 50
Il est moins rare de trouver de l'esprit que des gens qui se servent du leur, ou qui fassent valoir celui des autres, en le mettant à quelque usage
de Jean de LA BRUYÈRE dans II
Là se trouvait dans toute sa perfection l'art... de faire valoir les autres sans prétendre les protéger
Se faire valoir, soutenir sa dignité, ses droits. Vous négligez les droits de votre place, vous ne vous faites point assez valoir.
Se faire valoir, se montrer à son avantage.
Rien ne devrait plus humilier les hommes qui ont mérité de grandes louanges, que le soin qu'ils prennent encore de se faire valoir par de petites choses
Se faire valoir par des choses qui ne dépendent point des autres, mais de soi seul, ou renoncer à se faire valoir : maxime inestimable et d'une ressource infinie dans la pratique
de Jean de LA BRUYÈRE dans II
S'attribuer plus qu'on n'a.
Je trouve qu'on se faisait peut-être un peu trop valoir dans le siècle passé, quoique avec justice, et qu'on ne se fait peut-être pas assez valoir dans celui-ci
L'art de se faire valoir et de conduire une intrigue
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Parvenus, t. I, p. 65, dans POUGENS
Un homme ne vaut que ce qu'il se fait valoir, un homme n'obtient de crédit, etc. qu'autant qu'il saisit les occasions et les moyens de faire ressortir son mérite.
Se faire valoir de, se donner de l'importance au moyen de.
Je me suis fait valoir ici des nouvelles du combat naval [que j'ai apprises par vous]
Sémantique : Terme de chasse. Se faire valoir, se dit d'un animal qui, dans un terrain gras, a imprimé son pied et sa jambe, de manière à le faire juger plus fort qu'il ne l'est en effet.
10
Faire valoir une chose, lui donner force, puissance. Faire valoir son droit, ses droits.
Jamais Ferdinand n'eut plus de puissance, et ne la fit plus valoir
Faire valoir une chose, lui donner du prix, la faire paraître meilleure, plus belle.
Je me suis engagé de faire valoir la pièce, et l'auteur m'en est venu prier encore ce matin
Nous lisons la vie de Théodose ; mon fils la fait encore valoir ; car vous savez comme mes enfants savent lire
Les choses ne valent que ce qu'on les fait valoir
Quand de bons acteurs les font valoir [les pièces de théâtre]
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Comm. Corn. Rem. Essex, v, 3
En général, l'art de faire valoir une idée consiste à la mettre dans la place où elle doit frapper davantage
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Art d'écr. II, 14
Sémantique : Terme de peinture. Une figure en fait valoir une autre, lorsque, placée auprès, elle a moins de force, moins de fini, moins de beauté.
Faire valoir une chose, en relever l'importance, le mérite.
Je ne sais point, seigneur, faire valoir les choses
Et de tant de mortels à toute heure empressés à nous faire valoir leurs soins intéressés....
Un premier esclave qui, espérant d'obtenir sa liberté, accusait sans cesse les autres, pour faire valoir à son maître son zèle et son attachement à ses intérêts
Faire valoir sa marchandise, se dit du marchand qui fait ressortir les qualités de ce qu'il veut vendre.
Sémantique : Fig. Faire valoir sa marchandise, louer beaucoup ce qu'on a, ce qu'on dit, ce qu'on fait.
Si nous trouvions quelque chose de bon pour votre enfant, nous ne manquerions pas de faire valoir notre marchandise
Faire valoir des motifs, en faire ressortir la force.
Je sais bien que vous êtes en couche ; je fais valoir cette raison qui est bonne
Il [d'Hacqueville] fera valoir vos raisons à M. de Pompone
Faire valoir que, avec l'indicatif, ou faire valoir de, avec l'infinitif.
Je lui fais valoir [à Mme de Chaulnes] d'être demeurée pour elle [en Bretagne]
Et vous venez nous faire valoir que vous aimez votre frère, et qu'il ne vous reste aucune aigreur contre lui, tandis que sa seule présence vous déplaît et vous irrite !
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Pardon des off.
Faire valoir, signifie aussi opposer, objecter. Faire valoir une objection contre quelqu'un.
Je n'avais point voulu que la princesse [de Tarente] vînt ici ; je lui avais fait valoir nos dévotions de jeudi....
Je crois vous avoir fait entendre que depuis longtemps on faisait valoir les minuties [contre Pompone] ; et cela avait formé une disposition qui était toujours fomentée dans la pensée d'en profiter
11
Faire valoir une chose, en tirer le profit, l'avantage qu'elle peut rapporter.
Pour faire valoir la somme par votre industrie
Ceux qui sont les plus vigilants et les plus industrieux pour faire valoir leurs biens
Chacun est obligé, en conscience, de faire valoir ses talents
de BRUEYS dans Muet, II, 3
Il [Charlemagne] fit valoir ses domaines avec sagesse, avec attention, avec économie
Sémantique : Par extension.
Respirer, me promener en long, faire un peu d'exercice, c'est ce qui me fera valoir et profiter tous mes remèdes
Nature : Absolument. Faire valoir, exploiter soi-même sa terre.
Sémantique : Terme de chasse. On dit que les chiens font valoir le change, quand ils abandonnent la voie de la bête de meute, pour suivre celle du change.
12
Tenir lieu de, avoir la signification de. L'as au piquet vaut onze. Une blanche, en musique, vaut deux noires. L'M en chiffres romains vaut mille.
Faire un acte, remplir une formalité pour valoir ce que de raison, faire un acte, remplir une formalité par pure précaution, et pour servir dans l'occasion comme il sera juste et raisonnable.
Cela vaut fait, assurez-vous que cela ne manquera pas de se faire.
Cela vaut fait, monsieur
Autant vaut, même sens.
Autant vaut que Valère s'en aille
de GOLDONI dans Bourru bienfais. II, 15
Autant vaut, locution elliptique, peu s'en faut.
Ismène : Est-il mort ? - Cléanthes : Autant vaut : depuis vingt ans et plus Qu'il a pris son parti, nous ne nous sommes vus
Merlin : On donne ici le bal ! l'affaire est donc finie ? - Lisette : Autant vaut, mon enfant
Notre boussole est trouvée, ou autant vaut, nous voilà dans la physique
Vaut est quelquefois sous-entendu. Autant faire cela sur-le-champ que de différer.
Autant vaut traîné que porté, voy. PORTÉ.
Autant vaut être mordu du chien que de la chienne, voy. CHIEN.
13
Peser d'un certain poids. Ces considérations, qui valent pour votre cause, valent aussi pour la sienne.
14
Nature : V. a. Procurer, produire, faire obtenir. Ses succès lui ont valu le surnom de Grand. Cette terre lui vaut dix mille francs de rente. La gloire immortelle que lui ont value ses exploits. Les honneurs que mon habit m'a valus.
Vous lui faites [à Pauline] un bien extrême de vous amuser à sa petite raison naissante ; cette application à la cultiver lui vaudra beaucoup
J'ai travaillé jusqu'à mes derniers jours ; cela m'a valu des ennemis ; mais aussi cela m'a valu votre amitié ; ainsi je n'ai point à me plaindre
Oui, je dormais sur un petit volume Qui me vaudra d'être encore étrillé
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Gohier.
15
À valoir, terme de commerce et de finance signifiant ce qu'on donne à compte d'une plus forte somme qu'on doit fournir, soit argent, soit marchandise. Je vous envoie vingt balles de café dont vous retirerez le prix à valoir sur ce que je vous dois.
J'ai reçu telle chose ou telle somme à valoir sur..., je l'ai reçue en déduction de....
16
Vaille que vaille, Nature : loc. adv. Passablement, tant bien que mal.
Il faut me laisser vivre ; après, vaille que vaille, Si j'ai quelque pistole, on me la trouvera
On me donnait le soin De fournir la maison de chandelle et de foin ; Mais je n'y perdais rien ; enfin, vaille que vaille, J'aurais sur le marché fort bien fourni la paille
Enfin, vaille que vaille, L'ennemi se soumet, j'ai gagné la bataille
Je suis raccommodé, vaille que vaille, avec Mme du Deffant
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. à Voltaire, 18 oct. 1760
17
Tout coup vaille, loc. adv. qui signifie, à de certains jeux, qu'en attendant la décision de ce qui est en contestation, on ne laissera pas de jouer.
Sémantique : Fig. À tout hasard.
Ma foi, tout coup vaille, voyons où la chose ira
Je me divertis toujours, tout coup vaille
de Florent Carton, sieur d'Ancourt, dit DANCOURT dans Cur. Compiègne, sc. 2
Allons donc, tout coup vaille, épousons sans amour
de Philippe Néricault DESTOUCHES dans Irrésolu, IV, 1
18
Valant, part. présent. Deux maisons valant cent mille francs.
Le tout ci-dessus mentionné valant loyalement plus de quatre mille cinq cents livres, et rabaissé à la valeur de mille écus par la discrétion du prêteur

REMARQUE

1
1. Valoir ne prend point de avec un infinitif.
Cependant, avec il vaut mieux, mieux vaut, on peut mettre de : Il me vaudrait bien mieux d'être au diable que d'être à lui
Mieux vaut encor de penser que de lire
de THOMAS dans Épît. à Mme D.
2
2. Dans ces phrases : Cette étoffe vaut dix francs ; cet homme sait ce qu'il vaut, on comprend que le régime n'est régime direct qu'en apparence, et qu'il y a une ellipse : Cette étoffe vaut [pour] dix francs ; cet homme sait ce qu'il [pour ce qu'il] vaut.
3
3. Le participe passé fait difficulté comme coûté pour l'accord. On le traitera de même (voy. COÛTER, aux Remarques), et l'on dira : La somme qu'a valu il y a dix ans ce domaine. Mais quand valoir est actif, signifiant procurer, alors il suit la règle des verbes actifs : Les honneurs que lui a valus cette action. L'Académie ne s'explique ni pour l'un ni pour l'autre cas.
4
4. Quand il s'agit d'exprimer une valeur, on dit valant : Il a une bonne terre valant dix mille écus ; et, dans ce sens, valant est le véritable participe du verbe valoir. Mais, pour exprimer qu'il les a en sa possession, on dit alors : Cet homme a dix mille écus vaillant ; et dans ce cas vaillant est un substantif masculin employé adverbialement.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Melz [mieux] en valt l'orl que ne funt cinq cenz livres
dans Ch. de Rol. XXXVIII
Nuls reis de France n'out unkes si vaillant [butin qui valût tant]
dans ib. LXXXIX
Fuir s'en [il] voelt, mais ne li valt nient
dans ib. CXXIII
2
XIIe s.
Consels d'orguel ne vaut mie un boton
dans Ronc. p. 11
N'i perdra Charles [ce] qui vaille un seul denier
dans ib. p. 34
Miex [mieux] valt mesure que ne valt estoutie
dans ib. p. 82
Puisque merci ne m'i daigne valoir, [je] Ne sai où nul confort [je] pregne
dans Couci, IX
Un petit biens vaut mieuz, si Diex me voie, Qu'on fait courtoisement, Que cent greignor [plus grands] fait enieusement
dans ib. XVI
[Ce] Dont je mourrai ; et, se je vi, ma vie Vaudra bien mort....
dans ib. XXIV
Car cil qui pert honor vaurroit mieux mors que vis
dans Sax. XXVI
Mielz valt fiz à vilain qui est prouz e senez, Que ne fait gentilz hum failliz e debutez
dans Th. le mart. 63
Service frunt [ils feront] à Sesac, que il sachent quel valt mielz à servir à mei u à Sesac
dans Rois, p. 296
3
XIIIe s.
Se nous ne doutons à servir ceulx que nos cuidons qui nos vaudront [nous seront utiles], que devons nous faire à ceulx qui nos ont jà valu ?
Et cil jurerent seur sains qu'il esliroient en bonne foi celui.... qui mieus vaudroit à l'empire governer
[La couronne] Cent mile mars valoit et plus, à droite vente
dans Berte, x
En France [nous] envoierons savoir s'il peut valoir [si la chose peut se faire]
dans ib. LXV
Tuit cil [tous ceux] qui de ta terre sont, Qui de toi fieus [fiefs] et terres ont, Te deivent aider et valer, Si feront il en leur poer [pouvoir]
Douce dame, ne creez mie Que ce soit voirs, quoi que nus die, Qu'amors contredite soit vraie.... C'est une amors si vaut, si vaille ; Qui n'i puet avenir, si faille
dans Lai du conseil
Or sai de voir qu'en mon vivant Ne fis chose qui vausist tant
dans Ren. 20196
Promesse sans don ne vaut gaires
dans la Rose, 4107
Car en ceste vie terrestre, Miex vaut morir que povres estre
dans ib. 8216
Li debas vaut poi, qui est fes en derriere de justice, par devant qui le [la] connissance en apartient
de Philippe de BEAUMANOIR dans XLIV, 49
Et se croisa mon seigneur Gauchier, qui moult bien se maintint outre mer, et moult eust valu se il eust vescu
Le Seigneur fiert [frappe] ou de mort ou de autres greingneurs mescheances qui pis valent que la mort
Et ces choses vous monstré-je, pource que cors sans chief ne vaut riens à redouter, ne gent sans roy
4
XIVe s.
Sur ton corps defendant, met le jour de bataille Par droite defiance [défi], et puis vaille que vaille
dans Girart de Ross. v. 3425
Si sera poi d'honour à vous certainement, Se de nuit assaillons les François tellement, Et on dit à la fois : mieux vaut honour qu'argent
dans Guesclin. 22151
5
XVe s.
Mieux vaut que nous nous defendions de bonne volonté contre ceux qui viennent, que....
Nous sommes en fort lieu ; un de nous en vaut quatre
Qui veut avoir leur service [des gens d'armes], il faut que ils soyent payés ; autrement ils ne font chose qui vaille
Et là surent chevaux que esperons valoient
de ID. dans II, II, 66
Et issit hors.... pour voir s'il pourroit en aucune maniere à son frere valoir ni aider
Ce mois de may, ne joyeulx, ne dolent Estre ne puis ; au fort, vaille que vaille, C'est le meilleur que de riens ne me chaille
de Charles D'ORLÉANS dans Rondeau.
Il respondit que ce n'estoit que usance de guerre, et que guerre sans feu ne valloit rien
de Jean JUVÉNAL DES URSINS dans Charles VI, 1420
Le chevalier s'est depuis tant fait valloir et tant est preux que ceulx du pays en ont fait leur roy
dans Perceforest, t. VI, f° 108
Et que nous vault vostre science ?
dans Patelin
Guillaume de vilde qui vault à dire en françois le sauvage
de Philippe de COMMINES dans II, 7
Je croy que le travail qu'il [Louis XI] eut en sa jeunesse.... luy vallut beaucoup
de Philippe de COMMINES dans I, 10
Touteffois la ville ne valloit gueres, et aussi.... firent composition
de Philippe de COMMINES dans II, 2
Le roy ne peult entreprendre une telle euvre [la guerre] sans assembler son parlement qui [en Angleterre] vault autant comme les trois estatz
de Philippe de COMMINES dans IV, 1
Quand Dieu y veut mettre la main, rien n'y vault
de Philippe de COMMINES dans II, 4
Et lesdictes lettres sans faille Bien et deuement interinées Par monseigneur Vaille que vaille, Juge de grasses matinées
de COQUILLART dans Enquête entre la simple et la rusée.
6
XVIe s.
À ce soir sont venues trois postes, qui ont apporté au roy que le pape vault que mort, et qu'il n'y a remede en sa vie
dans Lettres de Louis XII, t. II, p. 59, dans LACURNE
Si nous vallons rien, nous sçaurons que c'est, et luy deroberons si tu me veulx croire
dans Cymbalum mundi, p. 65, dans LACURNE
C'est un badinage si maigre, qu'il ne vaut pas d'estre refuté
Faire valoir ses biens
de Jacques AMYOT dans Péric. 35
Il les aguerrissoit et endurcissoit au travail, non point en intention de s'en valoir contre les barbares seulement
de Jacques AMYOT dans Pomp. 72
Les esquilles des os vallent mieux qu'elles tombent par nature que par medicamens
de Ambroise PARÉ dans XVI, 34
Il est necessaire d'ajouster l'humidité au fumier, pour le faire valoir
de Olivier DE SERRES dans 97
Car la devotion fait valoir le present, Et, comme s'il fust d'or, le fait riche et pesant
de Pierre de RONSARD dans 867
Des personnes qui valoient moins que luy
de Michel de MONTAIGNE dans II, 35
Nous faisons valoir nos inconvenients oultre leur mesure, pour attirer les larmes
de Michel de MONTAIGNE dans IV, 112
C'est argent qu'argent vaut
de Randle COTGRAVE dans
Tout bois vaut busches
de ID. dans
Par ma foy, dit Ponocrates [à frère Jean], tu vaux trop

ÉTYMOLOGIE

1
Berry, vailloir ; génev. vaille qui vaille (ce qui est fautif) ; provenç. et espagn. valer ; ital. valere ; du lat. valere, être fort, valoir ; comparez le sanscrit bala, force.

Synonymes de VALOIR

Termes proches de VALOIR

Phonétiquement proche de VALOIR