Définition de ?CHAPP?E

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : sur, su-r' ; au XVIe s. on écrivait seur ; mais Bèze remarque que l'usage s'était introduit de prono

DÉFINITIONS

1
Qui compte fermement sur.
Revenez tout couvert du sang de l'infidèle ; Allez : en cet état soyez sûr de mon coeur
de Jean RACINE dans Andr. IV, 3
Je vais chercher la solitude et la santé, bien plus sûr de l'une que de l'autre, mais plus sûr encore de votre amitié
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Argental, 9 déc. 1754
Je ne suis pas sûr du lendemain....
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Mme Denis, 18 janv. 1752
Être sûr de quelqu'un, pouvoir compter sur lui, être assuré qu'il ne nous manquera pas au besoin.
Quand elle me proposa de quitter ma patrie, elle était déjà sûre de moi
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Ars. et Ism.
Sûr de soi-même, qui est assuré de ne pas faillir.
Vivre dans un pays [la Hollande] où les lois nous mettent à couvert des volontés des hommes, et ou, pour être sûrs de tout, nous n'ayons qu'à être sûrs de nous-mêmes
de ST-ÉVREM. dans Oeuv. t. II, p. 229
Il n'y a qu'une femme bien sûre d'elle-même et de sa réputation qui ose tenir de pareils discours
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Lett. gal. II, 23
2
Qui ne peut manquer d'avoi ; d'obtenir.
On n'eût point vu Madame s'attirer la gloire avec une ardeur inquiète et précipitée ; elle l'eût attendue sans impatience, comme sûre de la posséder
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
On n'est jamais sûr de rien en ce monde
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Oreilles, 6
Quiconque en France avec éclat attire L'oeil du public, est sûr de la satire
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Épît. XXX
Il attendait Bourbon, sûr de vaincre avec lui
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Henr. IV
Être sûr de son fait, être certain de ce qu'on dit.
Être sûr de son fait, de son coup, avoir la certitude du succès de ce qu'on a entrepris.
Don Joseph était si sûr de son fait....
de Alain René LESAGE dans Est. Gonz. 14
Sémantique : Terme de musique. Être sûr de sa partie, la savoir de telle manière qu'on est sûr de la chanter ou de l'exécuter sans faire de faute.
Au jeu, être sûr de la partie, avoir fait sa partie de manière qu'on est certain de gagner.
Sémantique : Fig. et familièrement. Être sûr de sa partie, avoir si bien pris ses mesures dans une affaire, que le succès en est certain.
3
En qui on peut avoir confiance.
Sa place eût été donnée, si on eût pu la remplir d'un homme aussi sûr
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans le Tellier.
Sûre et secrète jusqu'au mystère
de Mme DE CAYLUS dans Souvenirs, p. 137, dans POUGENS
M. Tronchin, banquier ; c'est un homme sûr de toutes les manières
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Argental, 9 déc. 1754
Je sais par expérience que c'est un ami sûr
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. à Voltaire, 24 août 1752
Il n'y avait là, me disait-on, que d'honnêtes gens, des gens sûrs
de Jean-François MARMONTEL dans Mém. VI
Il se dit des choses dans un sens analogue. L'instinct est un guide sûr.
Le songe est un tableau des passions humaines, Un confident peu sûr, un parleur indiscret
de Jean de ROTROU dans Bélisaire, III, 4
Un homme d'une si grande capacité que M. le Tellier et d'une conduite si sûre dans les affaires
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans le Tellier.
Ne parlons pas des vivants dont les vertus, non plus que les louanges, ne sont jamais sûres dans le variable état de cette vie
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans ib.
M. de Turenne publiait de son côté qu'il agissait sans inquiétude, parce qu'il connaissait le prince et ses ordres toujours sûrs
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Louis de Bourbon.
Sans la crainte de Dieu toute probité humaine est fausse, ou du moins elle n'est pas sûre
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Pet. carême, Fauss. de la gloire hum.
Main sûre, mains sûres, personne en qui on peut se fier. Vos papiers, vos titres sont en main sûre, en mains sûres.
Mets en de sûres mains cette lettre cruelle
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Zaïre IV, 5
Temps qui n'est pas sûr, temps sur lequel on ne peut compter, qui menace de devenir pluvieux.
Ma canne, mon chapeau, mon parapluie ; le temps n'est pas sûr
de Louis-Benoît PICARD dans M. Musard, sc. 18
4
Qui sait d'une manière certaine. Je suis sûr de ce que je vous dis. Je suis sûr de l'avoir entendu. Je suis sûr que cela est.
Qui fait exactement ce que ma loi commande, A pour moi, dit ce Dieu, l'amour que je demande : Faites-le donc ; et, sûr qu'il nous veut sauver tous, Ne vous alarmez point par quelques vains dégoûts
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Épît. XI
5
Qui ne se trompe pas.
Il tire d'un déserteur, d'un prisonnier, d'un passant ce qu'il veut dire, ce qu'il veut taire, ce qu'il sait, et même ce qu'il ne sait pas ; tant il est sûr dans ses conséquences !
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Louis de Bourbon.
Mémoire sûre, mémoire qui ne fait jamais défaut.
Avoir le goût sûr, apprécier parfaitement la qualité des mets, des vins.
Il a surtout un palais sûr, qui ne prend point le change, et il ne s'est jamais vu exposé à l'horrible inconvénient de manger un mauvais ragoût
de Jean de LA BRUYÈRE dans XI
Sémantique : Fig. Avoir le goût sûr, bien juger des ouvrages d'esprit.
Il y a peu d'hommes dont l'esprit soit accompagné d'un goût sûr et d'une critique judicieuse
de Jean de LA BRUYÈRE dans I
On dit de même : avoir le jugement, le tact sûr.
Main sûre, main ferme dans ce qu'elle fait. Ce chirurgien a la main sûre.
Et d'un dard lancé d'une main sûre, Il lui fait dans le flanc une large blessure
de Jean RACINE dans Phèd. v, 6
Ai-je la main bien sûre ? dit-il [Cambyse, qui venait de tuer d'un coup de flèche le fils d'un de ses courtisans]
de Charles ROLLIN dans Hist. anc. Oeuv. t. II, p. 327, dans POUGENS
Non, non [ô mort], tu sais choisir ; par instants sur la terre Tu peux sembler commettre, il est vrai, quelque erreur ; Ta main n'est pas toujours bien sûre....
de Alfred DE MUSSET dans Poésies nouv. 13 juill.
Ce cheval a le pied sûr, la jambe sûre, il est sûr, il ne bronche jamais.
Avoir le coup d'oeil sûr, juger à la simple vue, d'une manière suffisamment exacte, l'étendue, la distance, le volume, le poids, etc.
Sémantique : Fig. Coup d'oeil sûr, intelligence qui pénètre et saisit sans se tromper.
Qui d'un vol plus hardi consultera les astres.... Et d'un songe équivoque envoyé par les dieux Lira d'un oeil plus sûr l'avis mystérieux ?
de Casimir DELAVIGNE dans Paria, II, 2
6
En parlant des lieux, à l'abri de tout danger, à l'épreuve de toute violence. Ce port est très sûr.
Tout beau, Flaminius, je n'y suis pas encore [à Rome] ; La route en est mal sûre, à tout considérer
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. IV, 4
Rien ne paraissait à la princesse Anne ni agréable, ni sûr que la solitude
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Anne de Gonz.
La mer la plus terrible et la plus orageuse Est plus sûre pour nous que cette cour trompeuse
de Jean RACINE dans Esth. III, 1
Il ne fait pas sûr en ce lieu-là, on n'y est pas à l'abri du danger.
Il ne fait pas sûr de...., on n'est pas à l'abri de péril en....
Mais savez-vous.... Qu'il ne fait pas bien sûr, à vous le trancher net, D'épouser une fille en dépit qu'elle en ait
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Femm. sav. v, 1
Mettre quelqu'un en lieu sûr, le mettre en un lieu où il n'a rien à craindre.
À vous mettre en lieu sûr je m'offre pour conduite, Et veux accompagner jusqu'au bout votre fuite
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Tart. v, 6
Mettre quelqu'un en lieu sûr, le tenir en lieu sûr, le mettre en prison ou du moins dans un lieu où l'on soit assuré de sa personne.
Qu'on la tienne en lieu sûr, en attendant sa mère
de Pierre CORNEILLE dans Héracl IV, 2
Venez, ce n'est pas là que je vous logerai, Et votre gîte ailleurs est par moi préparé ; Je prétends en lieu sûr mettre votre personne
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Éc. des fem. v, 4
7
L se dit de certaines choses dont on peut se servir sans danger. Cette échelle est sûre.
8
Où l'on ait de la sécurité.
Je suis affligée de cette cruelle néphrétique qui accable ce pauvre homme [Lamoignon] à tout moment : point de jours sûrs, c'est un rabat-joie continuel
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 4 fév. 1685
9
Certain, dont on ne peut douter. Je vous donne cela pour sûr.
L'affabilité est comme le caractère inséparable et la plus sûre marque de la grandeur
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Pet. carême, Human. des grands.
Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'il ne tient qu'à lui d'être heureux
de Denis DIDEROT dans Sur le livre d'Helvétius.
Sémantique : Familièrement. Bien sûr ? c'est-à-dire : est-ce chose certaine ?
L'affaire est sûre, le succès en est certain.
Il est à Paris, où il suit un procès important qui est presque sûr
de Pierre de MARIVAUX dans Préj. vaincu, sc. 4
10
Qui doit arriver infailliblement, ou que l'on prévoit devoir arriver nécessairement. Rien n'est si sûr que la mort.
Sylla par politique a pris cette mesure, De montrer aux soldats l'impunité fort sûre
de Pierre CORNEILLE dans Sertor. IV, 3
L'effort où mon devoir m'engage Ne peut plus me réduire à vous donner demain Ce qui vous était sûr, je veux dire ma main
de Pierre CORNEILLE dans Sur. II, 2
11
Qui ne peut manquer de réussir, en parlant des choses.
Je penserais comme vous si j'étais à votre place ; cette manière de jurer est fort sûre
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 8 déc. 1679
S'il fallait faire réussir une grande affaire, d'autres auraient choisi les moyens les plus éclatants, il [M. de Lamoignon] choisissait les plus sûrs et les plus utiles
de Esprit FLÉCHIER dans Lamoign.
De cette passion [l'amour] la sensible peinture Est pour aller au coeur la route la plus sûre
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. III
Aux jeux de cartes, avoir jeu sûr, avoir si beau jeu qu'il est impossible qu'on ne gagne pas.
Sémantique : Fig. et familièrement. Jouer à jeu sûr, être certain du succès des moyens qu'on emploie.
Sémantique : Fig. Parier à jeu sûr, à coup sûr, parier sur un fait dont on a la certitude.
Substantivement et absolument. Le plus sûr, le meilleur moyen. Le plus sûr est de ne pas s'y fier.
Ne point mentir, être content du sien, C'est le plus sûr
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. v, 1
Vous prendrez votre temps avec prudence, et pour le plus sûr suivant mes intérêts
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à d'Hérigoyen, 20 juil. 1686
12
Qui produit ordinairement ou, par exagération, infailliblement, son effet. Un remède sûr.
C'était un javelot toujours sûr de ses coups
de Jean de LA FONTAINE dans Filles de Minée.
Inutile instrument contre la perfidie, Contre un poison trop sûr dont les mortels apprêts....
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Sémiram. I, 3
Avoir un coup sûr à quelque jeu, à quelque exercice, avoir un coup presque immanquable.
13
Pour sûr, Nature : loc. adv. Certainement, infailliblement.
Courte n'était, pour sûr, la kyrielle
de Jean de LA FONTAINE dans Mari confess.
14
À coup sûr, Nature : loc. adv. Immanquablement. Nous réussirons à coup sûr.

REMARQUE

1
Pour se guider dans les sens divers de ce mot, on observera que, le sens étymologique étant securus, de sine cura, sans souci, l'acception primitive appartient aux personnes et est : qui compte fermement. De là se déduisent facilement, quant aux personnes, les autres acceptions. Quant aux choses, la première acception est où l'on est sans inquiétude, en sûreté ; celle-ci fournit ensuite les autres.

HISTORIQUE

1
XIe s.
U par hostages vus velt faire soürs
dans Ch. de Rol. XVI
Soürs est Carles, ne crent hume vivant
dans ib. X
2
XIIe s.
À la curt s'en ala sainz Thomas li bon prestre, E prist les armes Deu, que seürs peüst estre
dans Th. le mart. 38
3
XIIIe s.
Car de très fin cuer [elle] l'aime [Dieu] de vrai et de seür
dans Berte, XLI
Ysengrin [le loup], qui grant fain endure, Se lieve à une nuit oscure, Quant toute gent se dort segure
dans Ren. 7425
4
XIVe s.
Tant est fortune plus grande, et elle est moins seure
de Nicolas ORESME dans Éth. 229
5
XVe s.
Soyez seurs [veillez], et tenez vous sur vostre garde
de Jean FROISSART dans II, II, 58
Si croy bien qu'il y en eut de tels qui n'estoient pas bien à seur ; car coupables se sentoient
dans Bouciq. II, 6
6
XVIe s.
Et en feinte douceur Luy dit ainsi : vien ça, fais moi tout seur, Je te suppli, d'un tel crime et forfait
de Clément MAROT dans I, 253
Dieu est ma garde seure, Ma haute tour et fondement, Sur lequel je m'asseure
de Clément MAROT dans IV, 305
De ses plumes te couvrira, Seur seras sous son esle
de Clément MAROT dans IV, 305
Tout ce que l'on peult faire est de garder ceste ville, car tout à l'entour n'y faict point seur [il s'agit de peste]
de Marguerite de Navarre, dite aussi de Valois, ou d'Angoulême, reine de Navarre dans Lett. 97
Je suis seure que, mais que nous soyons en vostre bonne compaignie, nous ne saurons plas avoir de mal
de Marguerite de Navarre, dite aussi de Valois, ou d'Angoulême, reine de Navarre dans ib.
Ainsin que je voulois commancer ceste lectre par ce sur messaiger, cele qu'il vous a pleu escripre est arrivée
de Marguerite de Navarre, dite aussi de Valois, ou d'Angoulême, reine de Navarre dans ib. 38
Pour le plus seur
de Michel de MONTAIGNE dans I, 25
Je marche plus seur et plus ferme à mont qu'à val
de Michel de MONTAIGNE dans I, 161
La plus seure assiette de nostre entendement et la plus heureuse, ce seroit celle....
de Michel de MONTAIGNE dans II, 318
Avoir les mains seures au bien de son maistre, et ne desrobber point
de Étienne de LA BOÉTIE dans 218

ÉTYMOLOGIE

1
Bourguig. et Berry, seur ; provenç. segur ; espagn. seguro ; ital. sicuro ; du lat. securus, de se, pour sine, sans, et cura, soin, souci.