L'oeuvre Méditations poétiques de Alphonse de LAMARTINE

Ecrit par Alphonse de LAMARTINE

Date : 1820

Citations de "Méditations poétiques"

Pages 1

Utilisé pour le motCitation
ABHORRÉ, ÉE.... Et, changeant la gloire en outrage, T'offrir un triomphe abhorré
ABHORRERDans l'éternel oubli je dormirais encore ; Mes yeux n'auraient pas vu ce faux jour que j'abhorre
ABOLIR[Liberté] Tes purs adorateurs, étrangers sur la terre, Voyant dans ces excès ton saint nom s'abolir, Ne le prononcent plus
ABRIS'il est, aux bords déserts du torrent ignoré, Quelque rustique abri de verdure entouré....
ABSORBERSeigneur.... Entends du haut du ciel le cri de mes besoins ; Et, comme le soleil aspire la rosée, Dans ton sein à jamais absorbe ma pensée
ACHEVERQue ce rêve est brillant ! mais hélas ! c'est un rêve. Il commençait alors ; maintenant il s'achève
ADMIRABLEVastes cieux, qui cachez le Dieu qui vous a faits ! Terre, berceau de l'homme, admirable palais !
ADORÉ, ÉETu mugissais ainsi sous ces roches profondes, Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés ; Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes Sur ses pieds adorés
ADOREREt comme ces rois de l'aurore, Un instinct que mon âme ignore, Me fait adorer un enfant
ADORERJe te jure, à mon tour, de n'adorer que toi
ADULATEUR, TRICESi pour caresser sa faiblesse, Sous tes pinceaux adulateurs, Tu parais du nom de sagesse Les leçons de ses corrupteurs....
ÂGEMais ta jeune et brillante image, Que le regret vient embellir, Dans mon sein ne saurait vieillir : Comme l'âme, elle n'a point d'âge
ÂGETu cessas de parler : l'oubli, la main des âges Usèrent ce grand nom empreint dans tes ouvrages
AGITÉ, ÉEDans quelque retraite profonde, Sous les arbres par lui plantés, Nous verrons couler comme l'onde La fin de nos jours agités
AGRANDI, IEÔ de la liberté vieille et sainte patrie.... Ton empire est tombé, tes héros ne sont plus ; Mais dans ton sein l'âme agrandie Croit sur leurs monuments respirer leur génie
AGRANDIRDéjà, déjà je nage en des flots de lumière ; L'espace devant moi s'agrandit, et la terre Sous mes pieds semble fuir
AIGLEMais ainsi que des cieux, où son vol se déploie, L'aigle souvent trompé redescend sans sa proie....
AIMERMais la nature est là qui t'invite et qui t'aime ; Plonge-toi dans son sein qu'elle t'ouvre toujours : Quand tout change pour toi, la nature est la même, Et le même soleil se lève sur tes jours
AIMERQu'un autre vous réponde, ô sages de la terre ! Laissez-moi mon erreur : j'aime, il faut que j'espère
AIMERAimons donc, aimons donc ! De l'heure fugitive, Hâtons-nous, jouissons ! L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ; Il coule et nous passons !
AIMERQui que tu sois, Byron, bon ou fatal génie, J'aime de tes concerts la sauvage harmonie, Comme j'aime le bruit de la foudre et des vents
AIMERAh ! c'est là qu'entouré d'un rempart de verdure, D'un horizon borné qui suffit à mes yeux, J'aime à fixer mes pas, et, seul dans la nature, à n'entendre que l'onde, à ne voir que les cieux
AIRAINOu l'airain gémissant, dont les sons éperdus Annoncent aux mortels qu'un malheureux n'est plus
ALGUEComme l'algue fugitive, Sur quelque sable de la rive La vague aura roulé mes os
AMOURDe quel ennui secret ton âme est-elle atteinte ? Me dis-tu : cher amour, épanche ta douleur
APPELERTon audace à la fin appelle ma vengeance
AQUILONPortant ma vue, Du sud à l'aquilon, de l'aurore au couchant
ATOMEMe voici : mais que suis-je ? un atome pensant
AUJOURD'HUIL'univers est à lui [Dieu], Et nous n'avons à nous Que le jour d'aujourd'hui
AURORERayon divin, es-tu l'aurore Du jour qui ne doit pas finir ?
AZURERLe regard, à travers ce rideau de verdure, Ne voit rien que le ciel et l'onde qu'il azure
BAISERL'onde qui baise ce rivage, De quoi se plaint-elle à ses bords ?
BALBUTIERL'enfant en essayant sa première parole Balbutie au berceau son sublime symbole [de Dieu]
BALLOTTER.... Ton nom [Bonaparte], jouet d'un éternel orage, Sera par l'avenir ballotté d'âge en âge Entre Marius et César
BATTRERien d'humain ne battait sous ton épaisse armure
BEAUTÉHeureuse la beauté que le poëte adore !
BLANCHIR.... à peine au loin la voile.... Blanchit en ramenant le paisible pêcheur
BOCAGEL'oiseau qui charme le bocage, Hélas ! ne chante pas toujours
BOUCLIERCouvert du bouclier de ta philosophie, Le temps n'emporte rien de ta félicité
BRANLE[O mer !] je ferme au branle de ta lame Mes regards fatigués du jour
BRIGANDEt toi, Byron, semblable à ce brigand des airs [l'aigle]
BRISEREt devant ces sommets abaissant leur orgueil, [les nuages] Brisent incessamment sur cet immense écueil
BRONZEAux accents du bronze qui tonne La France s'éveille et s'étonne Du fruit que la mort a porté
BRUNIRMais déjà l'ombre plus épaisse Tombe et brunit les vastes mers
CADENCEUn soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence : On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux, Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence Tes flots harmonieux
CADENCEREt vous, étoiles.... Qui, cadençant vos pas à la lyre des cieux, Nouez et dénouez vos choeurs harmonieux
CALICEMes lèvres à peine ont goûté Le calice amer de la vie
CENDREEt tu veux qu'éveillant encore Des feux sous la cendre couverts
CESSANT, ANTEDe ces obscurités cessantes Tu verras sortir triomphantes Ma justice et ma liberté
CHAÎNEComme un taureau dans la plaine, Vous traînez après vous la chaîne De vos longues iniquités
CHARLa foudre cède à ton audace, Les cieux roulent tes chars flottants [ballons]
CHARMERougis-tu d'être belle, ô charme de mes yeux ?
CHARMERJe charmerai ta peine en attendant le jour
COLLÉ, ÉE[Le crucifix] Aux lèvres du mourant collé dans l'agonie, Comme un dernier ami
COMMENCER... tout ce qui pense et tout ce qui respire Commença de souffrir
COMMENTAinsi je n'irai plus ravir si loin de moi, Dans les secrets de Dieu, ces comment, ces pourquoi
COMPASEh quoi ! le lourd compas d'Euclide Étouffe nos arts enchanteurs
CONCERTEt la cloche rustique Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts
CONTOURLà, deux ruisseaux, cachés sous des ponts de verdure, Tracent en serpentant les contours du vallon
CORTÉGELa nuit, guidant son cortége d'étoiles, Sur le monde endormi jette ses sombres voiles
COUCHERAinsi le trait fatal dans les rangs se promène, Et comme des épis les couche dans la plaine
COUPÉ, ÉELes échos assoupis ne livrent au zéphyre Que des soupirs mourants, de silence coupés
COUPLELa barque errante Berça sur l'onde transparente Deux couples par l'amour conduits
COURONNERAchève.... C'est le dieu qui règne et qui couronne ; C'est le dieu qui punit, c'est le dieu qui pardonne
COUVERTant qu'aucun souffle ne l'éveille, L'humble foyer couve et sommeille
CRÉATEUR, TRICECréateur tout-puissant, principe de tout être ; Toi pour qui le possible existe avant de naître, Roi de l'immensité
CRÉATEUR, TRICELorsque du Créateur la parole féconde Dans une heure fatale eut enfanté le monde Des germes du chaos
CRÉATIONC'est l'heure où la nature, un moment recueillie, Entre la nuit qui tombe et le jour qui s'enfuit, S'élève au créateur du jour et de la nuit, Et semble offrir à Dieu, dans son brillant langage, De la création le magnifique hommage
CRÉATURELa voix de l'univers, c'est mon intelligence ; Sur les rayons du soir, sur les ailes du vent, Elle s'élève à Dieu comme un parfum vivant ; Et, donnant un langage à toute créature, Prête, pour l'adorer, mon âme à la nature
CRÉATURETu n'étais pas encor, créature insensée, Déjà de ton bonheur j'enfantais le dessein ; Déjà, comme son fruit, l'éternelle pensée Te portait dans son sein
CRÉPUSCULEIl est pour la pensée une heure.... une heure sainte Alors que, s'enfuyant de la céleste enceinte, De l'absence du jour pour consoler les cieux, Le crépuscule aux monts prolonge ses adieux
CREUXDans le creux du rocher, sous une voûte obscure, S'élève un simple autel
CRIEntends du haut des cieux le cri de nos besoins
CRIMEEst-ce un dieu qui trompe le crime ? Toujours d'une auguste victime Le sang est fertile en vengeur ! Toujours, échappé d'Athalie, Quelque enfant que le fer oublie, Grandit à l'ombre du Seigneur
CROIXJusqu'au jour, où des morts perçant la voûte sombre, Une voix, dans le ciel les appelant sept fois, Ensemble éveillera ceux qui dorment à l'ombre De l'éternelle croix
CYTISEConduire la génisse à la source qu'elle aime, Ou suspendre la chèvre au cytise embaumé
DAISLa fleur dort sur sa tige, et la nature même Sous le dais de la nuit se recueille et s'endort
DAMNÉ, ÉEByron, viens en tirer [de ta lyre] des torrents d'harmonie ; C'est pour la vérité que Dieu fit le génie ; Jette un cri vers le ciel, ô chantre des enfers ; Le ciel même aux damnés enviera tes concerts
DEHumble, et du saint des saints respectant les mystères, J'héritai l'innocence et le Dieu de mes pères
DENotre esprit la reçoit [la foi] à son premier réveil, Comme les dons d'en haut, la vie et le soleil
DELa muse t'enivra de précoces faveurs
DERougis plutôt, rougis d'envier au vulgaire Le stérile repos dont son coeur est jaloux
DECombien de fois ainsi, trompé par l'existence, De mon sein pour jamais j'ai banni l'espérance !
DED'ici je vois la vie, à travers un nuage, S'évanouir pour moi dans l'ombre du passé
DÉCADENCELe soleil, comme nous, marche à sa décadence
DÉCIMERSi du moins au hasard il [le sort] décimait les hommes
DÉCLINERTes jours, sombres et courts comme les jours d'automne, Déclinent....
DÉDALE[Nos songes] Égaraient nos molles pensées Dans les dédales de l'amour
DEGRÉVois : l'infortune assise à la porte du temple [de la gloire] En garde les degrés
DÉIFIER.... aux bords de ton lac enchanté, Loin des sots préjugés que l'erreur déifie
DÉLIERPendant mon sommeil, si ta main De mes jours déliait la trame, Céleste moitié de mon âme, J'irais m'éveiller dans ton sein
DÉNOUER[Et vous étoiles] Qui, cadençant vos pas à la lyre des cieux, Nouez et dénouez vos choeurs harmonieux
DÉPEUPLÉ, ÉEQue me font ces vallons, ces palais, ces chaumières, Vains objets dont pour moi le charme est envolé ? Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères, Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !
DÉPOSERDéposer le fardeau des misères humaines, Est-ce donc là mourir ?
DÉPOUILLESi je pouvais laisser ma dépouille à la terre
DÉROULERJe promène au hasard mes regards sur la plaine, Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds
DESCENDRELà le Tasse, brûlé d'une flamme fatale, Expiant dans les fers sa gloire et son amour, Quand il va recueillir la palme triomphale Descend au noir séjour
DESCENDRERepose-toi, mon âme.... L'amitié te trahit, la pitié t'abandonne, Et, seule, tu descends le sentier des tombeaux
DÉSERT, ERTETantôt sur les sommets de ces roches antiques, Tantôt aux bords déserts des lacs mélancoliques
DÉSERTÔ toi qui m'apparus dans ce désert du monde, Habitante du ciel, passagère en ces lieux, ô toi qui fis briller dans cette nuit profonde Un rayon d'amour à mes yeux
DÉSORDONNÉ, ÉERestes des passions par le temps effacées, Combat désordonné de voeux et de pensées
DESSILLÉ, ÉEÀ mes yeux dessillés la vérité va luire
DÉTACHÉ, ÉEComme un fruit par son poids détaché du rameau
DÉTRACTEURLes lâches clameurs de l'envie Te suivent jusque dans les cieux ; Crois-moi, dédaigne d'en descendre, Ne t'abaisse pas pour entendre Ces bourdonnements détracteurs
DÉTRÔNÉ, ÉEImpose donc silence aux plaintes de ta lyre ; Des coeurs nés sans vertu l'infortune est l'écueil ; Mais, toi, roi détrôné, que ton malheur t'inspire Un généreux orgueil !
DEUILDe la croix où ton oeil sonda ce grand mystère, Tu vis ta mère en pleurs et la nature en deuil
DEUILÀ l'heure où de la nuit le lugubre flambeau D'un pâle demi-deuil revêt tes sept collines
DÉVORERAssez de malheureux ici-bas vous implorent, Coulez, coulez pour eux ; Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent, Oubliez les heureux
DIEUâme de l'univers, Dieu, père, créateur, Sous tous ces noms divers je crois en toi, Seigneur ; Et, sans avoir besoin d'entendre ta parole, Je lis au front des cieux mon glorieux symbole
DIEUQue ma raison se taise et que mon coeur adore ! La croix à mes regards révèle un nouveau jour ; Aux pieds d'un Dieu mourant puis-je douter encore ? Non ; l'amour m'explique l'amour
DIEUOu si d'un Dieu qui dort l'aveugle indifférence Laisse au gré du destin trébucher sa balance, Et livre, en détournant ses yeux indifférents, La nature au hasard et la terre aux tyrans
DISQUEQue j'aimais à le voir.... Lancer le disque au loin d'une main assurée !
DISSÉQUERVain espoir ! s'écriera le troupeau d'Épicure, Et celui dont la main, disséquant la nature, Dans un coin du cerveau nouvellement décrit, Voit penser la matière et végéter l'esprit
DONNEROh ! qui m'aurait donné d'y sonder sa pensée, Lorsque le souvenir de sa grandeur passée Venait comme un remords l'assaillir loin du bruit ?
DORERDes couleurs du matin tu dores les coteaux
DOUTEUX, EUSELa douteuse lueur [de la lune], dans l'ombre répandue
DROIT, DROITEComme un jouet vivant ta droite m'a saisi
ÉBAUCHÉ, ÉEDu jour où la nature, au néant arrachée, S'échappa de tes mains comme une oeuvre ébauchée....
ÉBÈNESur ton sein leurs flots onduleux Retombent en tresses d'ébène
ÉCHODétache ton amour des faux biens que tu perds ; Adore ici l'écho qu'adorait Pythagore, Prête avec lui l'oreille aux célestes concerts
ÉCHOUERSoit que le laurier nous couronne.... Soit que des simples fleurs que la beauté moissonne, L'amour pare nos humbles fronts, Nous allons échouer tous au même rivage
ÉCOULER (S')La source de mes jours comme eux [des ruisseaux] s'est écoulée, Elle a passé sans bruit, sans nom et sans retour
ÉGARERNous n'irons plus dans les prairies, Égarer d'un pas incertain Nos poétiques rêveries
ÉMAILLEREt vous, brillantes fleurs, étoiles mes compagnes, Qui du bleu firmament émaillez les campagnes
ENCHAÎNERMon front est blanchi par le temps ; Mon sang refroidi coule à peine, Semblable à cette onde qu'enchaîne Le souffle glacé des autans
ENFANCEMon coeur lassé de tout, même de l'espérance, N'ira plus de ses voeux importuner le sort ; Prêtez-moi seulement, vallons de mon enfance, Un asile d'un jour pour attendre la mort
ENFLERIl voit les passions, sur une onde incertaine, De leur souffle orageux enfler la voile humaine
ENFLERTout à coup la flamme engourdie S'enfle, déborde ; et l'incendie Embrase un immense horizon
ENFONCERIci gronde le fleuve aux vagues écumantes, Il serpente et s'enfonce en un lointain obscur
ENFUIR (S')La coupe de mes jours s'est brisée encor pleine ; Ma vie en longs soupirs s'enfuit à chaque haleine ; Ni larmes ni regrets ne peuvent l'arrêter
ENGLOUTIRQue restera-t-il d'elle [la vulgaire jeunesse] ? À peine un souvenir ; Le tombeau qui l'attend l'engloutit tout entière
ENGLOUTIRPartageant le destin du corps qui la recèle, Dans la nuit du tombeau l'âme s'engloutit-elle ?
ENGOUFFRER (S')Les vents, en s'engouffrant sous ces vastes débris, En tirent des soupirs, des hurlements, des cris
ENTRE-CHOQUER (S')Les feux croisent les feux ; le fer frappe le fer ; Les rangs entre-choqués lancent un seul éclair
ENTR'OUVRIRLa douleur lentement m'entr'ouvre le tombeau
ÉPANCHERPlus loin, sur la rive où s'épanche Un fleuve épris de ces coteaux....
ÉPLORÉ, ÉEBeaux lieux, recevez-moi sous vos sacrés ombrages ; Vous qui couvrez le seuil de rameaux éplorés, Saules contemporains, courbez vos longs feuillages Sur le frère que vous pleurez
ESPÉRANCEMon coeur, lassé de tout, même de l'espérance, N'ira plus de ses voeux importuner le sort
ETEt j'ai dit dans mon coeur : que faire de la vie ?
ÉTEINDRETes yeux où s'éteignait la vie Rayonnent d'immortalité
ÉTHERLes astres.... Dans les champs de l'éther l'un par l'autre heurtés
ÉTOILELà le lac immobile étend ses eaux dormantes Où l'étoile du soir s'élève dans l'azur
ÊTRETu ceignis en mourant ton glaive sur ta cuisse, Et tu fus demander récompense ou justice Au Dieu qui t'avait envoyé
ÊTREQue j'ai bien accompli cette loi de mon être [souffrir] !
ÉVAPORER.... un passé qui s'évapore
EXHALERMais tandis qu'exhalant le doute et le blasphème
EXHALERDans la nuit du tombeau l'âme s'engloutit-elle ? Tombe-t-elle en poussière ? ou, prête à s'envoler, Comme un son qui n'est plus va-t-elle s'exhaler ?
EXPRIMERAu doux murmure de leurs ondes [des fontaines], Exprimez vos grappes fécondes, Où rougit l'heureuse liqueur
FACENous voilà face à face avec la vérité
FALLOIR....Dieu cruel, fallait-il nos supplices Pour ta félicité ?
FARDEAUDéposer le fardeau des misères humaines, Est-ce donc là mourir ?
FIBRE[ô lyre] Si tu veux que mon coeur résonne sous ta main, Tire un plus mâle accord de tes fibres d'airain
FILERJamais la main des dieux N'aurait filé des jours plus doux, plus glorieux
FILLEGénéreux favoris des filles de Mémoire, Deux sentiers différents devant vous vont s'ouvrir : L'un conduit au bonheur, l'autre mène à la gloire ; Mortels, il faut choisir
FINIR....Dans le sombre avenir Mon âme avec effroi se plonge ; Et je me dis : ce n'est qu'un songe Que le bonheur qui doit finir
FLAIRER[Le coursier] Lance un regard oblique à son maître expirant, Revient, penche sa tête et le flaire en pleurant
FLAMBEAUMarche au flambeau de l'espérance Jusque dans l'ombre du trépas
FLEUVEIl nous faut, dans son cours, Remonter flots à flots le long fleuve des jours
FLOCONCes nuages.... qu'un souffle léger.... Roule en flocons de pourpre aux bords du firmament
FONDREMes jours fondent comme la neige Au souffle du courroux divin
FORMERComme deux rayons de l'aurore, Comme deux soupirs confondus, Nos deux âmes ne forment plus Qu'une âme, et je soupire encore !
FORMERTerre, élève ta voix ; cieux, répondez ; abîmes, Noir séjour où la mort entasse ses victimes, Ne formez qu'un soupir
FRAIS, FRAÎCHESous cette grotte humide et sombre Nous ne chercherons plus le frais
FRUITAlors qu'entre la vie et la mort incertaine, Comme un fruit par son poids détaché du rameau, Notre âme est suspendue et tremble à chaque haleine Sur la nuit du tombeau
FUGITIF, IVEAh ! si dans ces instants où l'âme fugitive S'élance et veut briser le sein qui la captive....
FUGITIF, IVEDe son pieux espoir son front gardait la trace ; Et sur ses traits frappés, d'une auguste beauté, La douleur fugitive avait empreint sa grâce, La mort sa majesté
FUTUR, UREJe ne viens point traîner dans vos riants asiles Les regrets du passé, les songes du futur
GAZONSouvent, dans le secret de l'ombre et du silence, Du gazon d'un cercueil la prière s'élance, Et trouve l'espérance à côté de la mort
GAZONGazons entrecoupés de ruisseaux et d'ombrages, Seuil antique où mon père, adoré comme un roi, Comptait ses gras troupeaux rentrant des pâturages....
GÉMIRL'oreille n'entend rien qu'une vague plaintive, Ou la voix des zéphirs, Ou les sons cadencés que gémit Philomèle
GÉMONIESLe vois-tu [le vulgaire] donnant à ses vices Les noms de toutes les vertus, Traîner Socrate aux gémonies.... ?
GÉNÉRATIONCes générations, inutile fardeau, Qui meurent pour mourir, qui vécurent pour vivre
GÉNIEMais quoi ! tandis que le génie Te ravit si loin de nos yeux, Les lâches clameurs de l'envie Te suivent jusque dans les cieux
GÉNIELes siècles sont à toi, le monde est ta patrie ; Quand nous ne sommes plus, notre ombre a des autels, Où le juste avenir prépare à ton génie Des honneurs immortels
GÉNIEAmi, je n'irai plus ravir si loin de moi, Dans les secrets de Dieu, ces comment, ces pourquoi, Ni du risible effort de mon faible génie, Aider péniblement la sagesse infinie
GERMELorsque du créateur la parole féconde Dans une heure fatale eut enfanté le monde Des germes du chaos
GIROFLÉE. L'humble giroflée aux lambris suspendue, Comme un doux souvenir fleurit sur des débris
GLACESalut ! brillants sommets, champs de neige et de glace, Vous qui d'aucun mortel n'avez gardé la trace, Vous que le regard même aborde avec effroi
GLISSERAinsi tout change, ainsi tout passe ; Ainsi nous-mêmes nous passons, Hélas ! sans laisser plus de trace Que cette barque où nous glissons Sur cette mer où tout s'efface
GLOBED'un sein plus arrondi les globes achevés D'un souffle égal et pur abaissés, élevés
GLOBEAlors ces globes d'or, ces îles de lumière, Que cherche par instinct la rêveuse paupière, Jaillissent par milliers....
GLOIREGénéreux favoris des filles de Mémoire, Deux sentiers différents devant vous vont s'ouvrir, L'un conduit au bonheur, l'autre mène à la gloire ; Mortels, il faut choisir
GONDSecoués de leurs gonds antiques, Les empires, les républiques S'écroulent en débris épars
GRÂCELà sous la douleur qui le glace, Ton sourire perdit sa grâce
HARMONIEQui que tu sois, Byron, bon ou fatal génie, J'aime de tes concerts la sauvage harmonie
HARMONIEUX, EUSEIl entendit de loin dans le divin séjour L'harmonieux soupir de l'éternel amour, Les accents du bonheur, les saints concerts des anges
HARPEAh ! si jamais ton luth [de Byron], amolli par les pleurs, Soupirait sous tes doigts l'hymne de tes douleurs..., Jamais, jamais l'écho de la céleste voûte, Jamais ces harpes d'or que Dieu lui-même écoute, Jamais des séraphins les choeurs mélodieux De plus divins accords n'auraient ravi les cieux
HÂTERAimons donc, ai mons donc ! de l'heure fugitive Hâtons-nous, jouissons ; L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive, Il coule et nous passons
HAUT, AUTEPeut-être que ton coeur, ému de saints transports, S'apaisera soi-même à tes propres accords, Et qu'un éclair d'en haut perçant ta nuit profonde, Tu verseras sur nous la clarté qui t'inonde
HÉRITER....La gloire au prix du sang ! Les enfants héritant l'iniquité du père !
HÉRITIER, IÈREIl est né l'enfant du miracle, Héritier du sang d'un martyr
HÉROS[Le duc de Bordeaux] Sourd aux leçons efféminées Dont le siècle aime à les nourrir [les princes], Il saura que les destinées Font roi pour régner ou mourir ; Que des vieux héros de sa race Le premier titre fut l'audace, Et le premier trône un pavois
HEUREMais jusque dans le sein des heures fortunées Je ne sais quelle voix que j'entends retentir, Me poursuit...
HOMMEBorné dans sa nature, infini dans ses voeux, L'homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux
HOMMETu vois qu'aux bords du Tibre et du Nil et du Gange, En tous lieux, en tous temps, sous des masques divers, L'homme partout est l'homme....
HOMMECeux qui l'ont méconnu pleureront le grand homme
HORIZONJe plane en liberté dans les champs du possible ; Mon âme est à l'étroit dans sa vaste prison : Il me faut un séjour qui n'ait pas d'horizon
HORIZONCe désert de la vie.... Où toujours l'espérance, abusant ma raison, Me montrait le bonheur dans un vague horizon
HORREUR[Byron] La nuit est ton séjour, l'horreur est ton domaine
HUMAIN, AINERien d'humain ne battait sous son épaisse armure
ICAREHeureux le poëte insensible ! Son luth n'est point baigné de pleurs ; Son enthousiasme paisible N'a point ces tragiques fureurs.... Et ce pusillanime Icare, Trahi par l'aile de Pindare, Ne retombe jamais du ciel
IDÉAL, ALEMalheur à qui du fond de l'exil de la vie Entendit ces concerts d'un monde qu'il envie ! Du nectar idéal sitôt qu'elle a goûté, La nature répugne à la réalité
IMMORTEL, ELLELes siècles sont à toi, le monde est ta patrie ; Quand nous ne sommes plus, notre ombre a des autels Où le juste avenir prépare à ton génie Des honneurs immortels
IMPORTUNERMon coeur, lassé de tout, même de l'espérance, N'ira plus de ses voeux importuner le sort
INCLINEREt l'éternelle croix qui, surmontant le faîte [du Colisée de Rome], Incline comme un mât battu par la tempête
INCONCEVABLEElle [l'âme] ose mesurer le temps, l'immensité, Aborder le néant, parcourir l'existence, Et concevoir de Dieu l'inconcevable essence
INCONSOLÉ, ÉEEt cette veuve inconsolée [la duchesse de Berry], En lui cachant [au duc de Bordeaux] le mausolée, Du doigt lui montrera les cieux
INCONSTANCEN'as-tu pas vu son inconstance [du peuple] De l'héréditaire croyance Éteindre les sacrés flambeaux, Brûler ce qu'adoraient ses pères, Et donner le nom de lumières à l'épaisse nuit des tombeaux ?
INFINI, IEComme une goutte d'eau dans l'Océan versée, L'infini dans son sein absorbe ma pensée
INONDERQuand l'astre à son midi, suspendant sa carrière, M'inonde de chaleur, de vie et de lumière
INSENSIBLEOssements desséchés, insensible poussière, Levez vous, recevez la vie et la lumière
INSPIRATEUR, TRICEQuelquefois seulement, quand mon âme oppressée Sent en rhythmes nombreux déborder sa pensée, Au souffle inspirateur du soir, dans les déserts Ma lyre abandonnée exhale encor des vers
INSPIRÉ, ÉEMuse contemple ta victime ! Ce n'est plus ce front inspiré, Ce n'est plus ce regard sublime Qui lançait un rayon sacré
INSPIRERImpose donc silence aux plaintes de ta lyre ; Des coeurs nés sans vertu l'infortune est l'écueil ; Mais toi, roi détrôné, que ton malheur t'inspire Un généreux orgueil
INSTINCTQu'un autre vous réponde, ô sages de la terre ! Laissez-moi mon erreur ; j'aime, il faut que j'espère ; Notre faible raison se trouble et se confond ; Oui, la raison se tait, mais l'instinct vous répond
JALOUX, OUSETemps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse, Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur, S'en volent loin de nous de la même vitesse Que les jours de malheur ?
JAUNISSANT, ANTESalut ! bois couronnés d'un reste de verdure ! Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
JETERAinsi toujours poussés vers de nouveaux rivages, Vers la nuit éternelle emportés sans retour, Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges Jeter l'ancre un seul jour ?
JETERBientôt.... mais de la mort la main lourde et muette Vient de toucher la corde [de la lyre du poëte] ; elle se brise et jette Un son plaintif et sourd dans le vague des airs
JEUNESSELà sont nos rêves pleins de charmes ; ....Là refleuriront nos jeunesses
JONCHERCe bonheur que l'ivresse cueille, De nos fronts tombant feuille à feuille, Jonchait le lugubre chemin [de nos jours]
JOUERDans le stérile espoir d'une gloire incertaine, L'homme livre, en passant, au courant qui l'entraîne Un nom de jour en jour dans sa course affaibli ; De ce brillant débris le flot du temps se joue ; De siècle en siècle il flotte, il avance, il échoue Dans les abîmes de l'oubli
JOUETMais le temps ? - Il n'est plus. - Mais la gloire ? eh ! qu'importe Cet écho d'un vain son qu'un siècle à l'autre apporte, Ce nom, brillant jouet de la postérité ?
JOUIRAimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive, Hâtons-nous, jouissons ! L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive, Il coule et nous passons
JOURDieu dit, et le jour fut ; Dieu dit et les étoiles De la nuit éternelle éclaircirent les voiles
JOURQu'est-ce donc que des jours pour valoir qu'on les pleure ? Un soleil, un soleil, une heure, et puis une heure, Celle qui vient ressemble à celle qui s'enfuit
JOURAinsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages, Dans la nuit éternelle emportés sans retour, Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges Jeter l'ancre un seul jour ?
JOURDe Laban l'antique berger Un jour devant lui vit paraître Un mystérieux étranger
JOUROui, dans ces jours d'automne où la nature expire, à ses regards voilés je trouve plus d'attraits
JOURL'homme vit un jour sur la terre Entre la mort et la douleur
JOURMais vous qui promettez les temps à sa mémoire [du mourant], Mortels, possédez-vous deux jours ?
JOURIls sont enfin venus les jours de ma justice
JOURMes jours fondent comme la neige Au souffle du courroux divin
JOURTon sort, ô Manoel, suivit la loi commune, La Muse t'enivra de précoces faveurs ; Tes jours furent tissus de gloire et d'infortune, Et tu verses des pleurs !
JOURÀ l'heure où de la nuit le lugubre flambeau D'un pâle demi-jour revêt les sept collines
JOURDans l'éternel oubli j'y dormirais encore [au sein du néant] ; Mes yeux n'auraient pas vu ce faux jour que j'abhorre ; Et dans la longue nuit mon paisible sommeil N'aurait jamais connu ni songes ni réveil
JUSTICEPrenons les droits du ciel, et chargeons-nous nous-mêmes Des justices de Dieu
LACÔ lac, l'année à peine a fini sa carrière, Et près des flots chéris qu'elle devait revoir. Regarde, je viens seul m'asseoir sur cette pierre Où tu la vis s'asseoir
LAMPEComme une lampe d'or dans l'azur suspendue, La lune....
LANCERDe son oeuvre imparfaite [le monde] il [Dieu] détourna la face, Et, d'un pied dédaigneux la lançant dans l'espace, Rentra dans son repos
LASSÉ, ÉEMon coeur lassé de tout, même de l'espérance
LAURIERPlus loin voici l'asile où vint chanter le Tasse... La gloire l'appelait, il arrive, il succombe... Et son laurier tardif n'ombrage que sa tombe
LAVEEt la lave de mon génie Déborde en torrents d'harmonie, Et me consume en s'échappant
LÉGITIMELa fortune toujours du parti des grands crimes, Les forfaits couronnés devenus légitimes
LÉTHÉJe viens chercher vivant le calme du Léthé ; Beaux lieux, soyez pour moi ces bords où l'on oublie ; L'oubli seul désormais est ma félicité
LEVERLevons-nous, et lançons les derniers anathèmes, Prenons les droits du ciel, et chargeons-nous nous-mêmes Des justices de Dieu
LEVERQuand le tour du soleil ou commence ou s'achève, D'un oeil indifférent je le suis dans son cours ; En un ciel sombre ou pur qu'il se couche ou se lève, Qu'importe le soleil ? je n'attends rien des jours
LEVERVénus se lève à l'horizon ; à mes pieds l'étoile amoureuse De sa lueur mystérieuse Blanchit les tapis de gazon
LÈVREC'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier sourire Des lèvres que la mort va fermer pour jamais
LÉZARDJ'en épelais le premier signe [une inscription du Colysée] ; Mais, déconcertant mes regards, Un lézard dormait sur la ligne Où brillait le nom des Césars
LIEJe voudrais maintenant vider jusqu'à la lie Ce calice mêlé de nectar et de fiel : Au fond de cette coupe où je buvais la vie, Peut-être restait-il une goutte de miel
LITLes eaux soudain s'écoulèrent Dans le lit creusé des mers
LOISi du moins au hasard il [le malheur] décimait les hommes, Ou si sa main tombait sur tous tant que nous sommes, Avec d'égales lois !
LOINon, mon regard immense veille Sur tous les mondes à la fois ; La mer, qui fuit à ma parole, Ou la poussière qui s'envole, Suivent et comprennent mes lois
LOINTAIN, AINEIl [le fleuve] serpente et s'enfonce en un lointain obscur
LUTTERPartout des malheureux, des proscrits, des victimes, Luttant contre le sort ou contre les bourreaux
LYREImpose donc silence aux plaintes de ta lyre ; Des coeurs nés sans vertu l'infortune est l'écueil ; Mais toi, roi détrôné, que ton malheur t'inspire Un généreux orgueil !
MAGNANIMEPartout des malheureux, des proscrits, des victimes Luttant contre le sort ou contre les bourreaux ; On dirait que le ciel aux coeurs plus magnanimes Mesure plus de maux
MAINAh ! que ne suis-je né dans l'âge où les humains, Jeunes, à peine encore échappés de ses mains [du Créateur], Près de Dieu par le temps, plus près par l'innocence, Conversaient avec lui, marchaient en sa présence !
MAL, ALELe mal dès lors régna dans son immense empire ; Dès lors tout ce qui pense et tout ce qui respire Commença de souffrir
MALHEURIl dit : comme un vautour qui plonge sur sa proie, Le malheur, à ces mots, pousse en signe de joie Un long gémissement, Et, pressant l'univers dans sa serre cruelle, Embrasse pour jamais de sa rage éternelle L'éternel aliment
MALHEURIci c'est ce vieillard que l'ingrate Ionie A vu de mers en mers promener ses malheurs
MANIEÉlans de l'âme et du génie, Du calcul la froide manie Chez nos pères vous remplaça
MARCHEPIEDJéhovah de la terre a consacré les cimes ; Elles sont de ses pas le divin marchepied
MATINJe remonte, aux lueurs de ce flambeau divin [la foi], Du couchant de ma vie à ce riant matin
MATINCueillons, cueillons la rose au matin de la vie
MÉDITERDes empires détruits je méditai la cendre
MÉLANCOLIEC'est l'heure où la mélancolie S'assied pensive et recueillie Aux bords silencieux des mers
MÊMELe temps emporta les dieux même De la crédule antiquité
MERMais déjà l'ombre plus épaisse Tombe et brunit les vastes mers
MESSAGER, ÈREÔ mort.... Tu n'anéantis pas, tu délivres : ta main, Céleste messager, porte un flambeau divin
MESUREROn dirait que le ciel aux coeurs plus magnanimes Mesure plus de maux
MÈTRED'où vient qu'à mon insu, mariés à ma voix, Les mots harmonieux s'enchaînent sous mes doigts, Et qu'en mètres brillants ma verve cadencée Comme un courant limpide emporte ma pensée ?
MIDITandis qu'agitant leurs rameaux, Du midi les tièdes haleines Font flotter l'ombre sur les eaux
MIELJe voudrais maintenant vider jusqu'à la lie Ce calice mêlé de nectar et de fiel ; Au fond de cette coupe où je buvais la vie, Peut-être restait-il une goutte de miel
MODE[Byron] Ta voix, sur un mode infernal, Chante l'hymne de gloire au sombre dieu du mal
MODULEREt sous les regards de Délie Tibulle y [à Baïa] modulait les soupirs de l'amour
MOIDe ce moi qui n'est plus d'autres moi vont renaître
MOLLEMENTEt toi, qui mollement te livres Au doux sourire du bonheur
MONDEJe ne veux pas d'un monde où tout change, où tout passe, Où, jusqu'au souvenir, tout s'use et tout s'efface
MONDEDescends-tu [un rayon de la lune] pour me révéler Des mondes le divin mystère ?
MONDEIci viennent mourir les derniers bruits du monde
MONOTONEComme un enfant bercé par un chant monotone, Mon âme s'assoupit au murmure des eaux
MONTERSortez de vos débris antiques, Temples que pleurait Israël ; Relevez-vous, sacrés portiques ; Lévites, montez à l'autel
MONTER....L'encens qui monte et s'évapore Jusqu'au trône du Dieu que la nature adore
MONTEREt le char vaporeux de la reine des ombres Monte et blanchit déjà les bords de l'horizon
MONTERMais, pour monter à lui [dieu], notre esprit abattu Doit emprunter d'en haut sa force et sa vertu
MONTERAvec nos passions formant sa vaste trame, Celui-là fonde un trône, et monte pour tomber
MONTERMontez donc vers le ciel, montez, encens qu'il aime, Soupirs, gémissements, larmes, sanglots, blasphème.... Montez, allez frapper les voûtes insensibles Du palais des destins
MONUMENTPeut-être, oui, pardonne, Ô maître de la lyre, Peut-être j'oserais, et que n'ose un amant ? Égaler mon audace à l'amour qui m'inspire, Et, dans des chants rivaux célébrant mon délire, De notre amour aussi laisser un monument
MORTAlors qu'entre la vie et la mort incertaine, Comme un fruit par son poids détaché du rameau, Notre âme est suspendue et tremble à chaque haleine....
MOTJ'ai vainement cherche le mot de l'univers
MOURIRPrends ton vol, Ô mon âme, et dépouille tes chaînes ; Déposer le fardeau des misères humaines, Est-ce donc là mourir ?
MOURIRVois-tu comme le flot paisible Sur le rivage vient mourir ?
MUET, ETTEÔ lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
MUGIRTu mugissais ainsi sous ces roches profondes
MÛRIRMa harpe fut souvent de larmes arrosée, Mais les pleurs sont pour nous la céleste rosée ; Sous un ciel toujours pur le coeur ne mûrit pas
MUSIQUEÔ lyre, ô mon génie, Musique intérieure, ineffable harmonie
MYSTÈREDescends-tu pour me révéler Des mondes le divin mystère ?
NATUREAh ! c'est là qu'entouré d'un rempart de verdure, D'un horizon borné qui suffit à mes voeux, J'aime à fixer mes pas, et, seul dans la nature, à n'entendre que l'onde, à ne voir que les cieux
NECTARDu nectar idéal sitôt qu'elle a goûté, La nature répugne à la réalité
NEIGEEn vain une neige glacée D'Homère ombrageait le menton
NIVELERMa main nivellera comme une vaste plaine Ses murs et ses palais [du peuple]
NOCHERQuand le nocher battu par les flots irrités Voit son fragile esquif menacé du naufrage
NOCTURNEUn rayon de l'astre nocturne, Glissant sur mon front taciturne, Vient mollement toucher mes yeux
NOMUn Brutus qui, mourant pour la vertu qu'il aime, Doute au dernier moment de cette vertu même, Et dit : tu n'es qu'un nom !
NOUER[Et vous, étoiles] Qui, cadençant vos pas à la lyre des cieux, Nouez et dénouez vos choeurs harmonieux
NUITCependant la nuit marche, et sur l'abîme immense Tous ces mondes flottants gravitent en silence
NUITLe soleil a cédé l'empire à la pâle reine des nuits
NUITQu'est-ce donc que des jours pour valoir qu'on les pleure ? Un soleil, un soleil, une heure et puis une heure, Celle qui vient ressemble à celle qui s'enfuit ; Ce qu'une nous apporte, une autre nous l'enlève : Travail, repos, douleur, et quelquefois un rêve, Voilà le jour, puis vient la nuit
OBSCURÉMENTDans les bras d'une épouse chérie Je goûte obscurément les doux fruits de ma vie
OCÉANAinsi toujours poussés vers de nouveaux rivages, Dans la nuit éternelle emportés sans retour, Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges Jeter l'ancre un seul jour ?
OEUVREDe son oeuvre imparfaite il [Dieu] détourna sa face
OLYMPIQUEVois-tu dans la carrière antique, Autour des coursiers et des chars, Jaillir la poussière olympique Qui les dérobe à nos regards ?
OMBREDu flanc de ces coteaux pendent des bois épais, Qui, courbant sur mon front leur ombre entremêlée, Me couvrent tout entier de silence et de paix
OMBREToujours échappé d'Athalie, Quelque enfant que le fer oublie Grandit à l'ombre du Seigneur [en parlant du duc de Bordeaux]
ONDULEUX, EUSESur ton front leurs flots onduleux [de tes cheveux]
PAISIBLEVois-tu comme le flot paisible Sur le rivage vient mourir ?
PAIXComme lui respirons, au bout de la carrière, Ce calme avant-coureur de l'éternelle paix
PÂLELa foi.... Jette un rayon d'espoir sur mon pâle avenir
PÂLISSANT, ANTEJ'aime à revoir encor, pour la dernière fois, Ce soleil pâlissant dont la faible lumière Perce à peine à mes pieds l'obscurité des bois
PANTHÉONAthène à des proscrits ouvre son panthéon
PARCOURIRDe colline en colline en vain portant ma vue..., Je parcours tous les points de l'immense étendue
PAROLELorsque du créateur la parole féconde Dans une heure fatale eut engendré le monde, Des germes du chaos
PASSAGE[Le crucifix] Aux lèvres du mourant collé dans l'agonie, Comme un dernier ami, Pour éclaircir l'horreur de cet étroit passage, Pour relever vers Dieu son regard abattu
PASSAGER, ÈREÔ toi, qui m'apparus dans ce désert du monde, Habitante du ciel, passagère en ces lieux
PASSÉ, ÉEUn jour le temps jaloux, d'une haleine glacée, Fanera tes couleurs comme une fleur passée Sur ces lits de gazon
PASSER....En passant par une lyre, Le souffle même du zéphyre Devient un ravissant accord
PAUPIÈREMaintenant tout dormait sur sa bouche glacée ; Le souffle se taisait dans son sein endormi ; Et sur l'oeil sans regard la paupière affaissée Retombait à demi
PAUPIÈREQuand la nuit des mortels a fermé la paupière
PAVOIS.... Des vieux héros de sa race [duc de Bordeaux] Le premier titre fut l'audace, Et le premier trône un pavois
PAVOTQue de nuits sans pavots, que de jours sans soleil !
PEINDREMais nous, pour embraser les âmes, Il faut brûler, il faut ravir Au ciel jaloux ses triples flammes ; Pour tout peindre, il faut tout sentir
PEINELevez donc vos regards vers les célestes plaines, Cherchez Dieu dans son oeuvre, invoquez dans vos peines Ce grand consolateur
PENCHANT....Le char de l'automne au penchant de l'année Roule déjà poussé par la main des hivers
PENCHÉ, ÉEComme un lis penché par la pluie
PENDREIl [le Seigneur] sait pourquoi flottent les mondes ; Il sait pourquoi coulent les ondes, Pourquoi les cieux pendent sur nous
PÉNÉTRER[La lune].... en pénétrant les ténèbres profondes
PENSÉEOh ! qui m'aurait donné de sonder ta pensée [de toi, Napoléon], Lorsque le souvenir de ta grandeur passée....
PENSÉEêtre d'un siècle entier la pensée et la vie
PENSÉEIl est pour la pensée une heure.... une heure sainte, Alors que.... Le crépuscule aux monts prolonge ses adieux
PERCERJ'aime à revoir encor pour la dernière fois Ce soleil pâlissant dont la faible lumière Perce à peine à mes pieds l'obscurité des bois
PERDREPlus je sonde l'abîme, hélas ! plus je m'y perds
PÈRESalut, principe et fin de toi-même et du monde, Toi qui rends d'un regard l'immensité féconde, âme de l'univers, Dieu, père, créateur, Sous tous ces noms divers je crois en toi, Seigneur
PÈRE[La poésie sacrée] Chante au monde vieilli ce jour père des jours [la création]
PERLEL'aube.... sème sur les monts les perles de l'aurore
PHAREVois-tu ce feu lointain trembler sur la colline ? Par la main de l'amour c'est un phare allumé
PHASEAssis sur la base immuable De l'éternelle vérité, Tu vois d'un oeil inaltérable Les phases de l'humanité
PHÉBÉLe soleil va porter le jour à d'autres mondes ; à l'horizon désert Phébé monte sans bruit
PHILOMÈLEMais pourquoi chantais-tu ? Demande à Philomèle Pourquoi, durant les nuits, sa douce voix se mêle Au doux bruit du ruisseau sous l'ombrage roulant
PIEDLe pied sur une tombe, on tient moins à la terre ; L'horizon est plus vaste ; et l'âme, plus légère, Monte au ciel avec moins d'effort
PIEDVénus se lève à l'horizon ; à mes pieds l'étoile amoureuse De sa lueur mystérieuse Blanchit les tapis de gazon
PIERRELe rayon qui blanchit ses vastes flancs de pierre [du Colisée]
PIERREMalheur à qui des morts profane la poussière ! J'ai fléchi le genou devant leur humble pierre
PIEUX, EUSECe temple rustique Dont la mousse a couvert le modeste portique, Mais où le ciel encor parle à des coeurs pieux
PLANTER....Sous l'abri sacré du chêne aimé des Francs, Clovis avait planté ses pavillons errants
PLEURIci c'est ce vieillard que l'ingrate Ionie A vu de mers en mers promener ses malheurs ; Aveugle, il mendiait au prix de son génie Un pain mouillé de pleurs
PLEURERCeux qui l'ont méconnu pleureront le grand homme
PLONGER....Comme un vautour qui plonge sur sa proie, Le malheur, à ces mots, pousse en signe de joie Un long gémissement
PLONGERSon regard immortel, que rien ne peut tenir... Réveille le passé, plonge dans l'avenir
PLONGERMais la nature est là qui t'invite et qui t'aime ; Plonge-toi dans son sein qu'elle t'ouvre toujours
POITRINELorsque le souvenir de ta grandeur passée Venait, comme un remords, t'assaillir loin du bruit [toi, Napoléon], Et que, les bras croisés sur ta large poitrine....
PORTIci viennent mourir les derniers bruits du monde ; Nautonniers sans étoile, abordez ! c'est le port
POSSIBLEDu nectar idéal sitôt qu'elle a goûté, La nature répugne à la réalité : Dans le sein du possible en songe elle s'élance, Le réel est étroit, le possible est immense
POURVU QUEMais qu'importe, ô ma bien-aimée, Le terme incertain de nos jours, Pourvu que sur l'onde calmée, Par une pente parfumée, Le temps nous entraîne en son cours ?
POUSSIÈREAinsi qu'un voyageur.... Comme lui, de nos pieds secouons la poussière
POUSSIÈREHé bien ! le temps sur vos poussières à peine encore a fait un pas
PRÉCIPICEQu'un autre à cet aspect [celui de la mort] frissonne et s'attendrisse, Qu'il recule en tremblant des bords du précipice
PRISONViens donc, viens détacher mes chaînes corporelles, Viens, ouvre ma prison, viens, prête-moi tes ailes
PROTECTEUR, TRICEOui, je reviens à toi, berceau de mon enfance, Embrasser pour jamais tes foyers protecteurs
RACINEPour moi, qui n'ai point pris racine sur la terre, Je m'en vais sans effort, comme l'herbe légère Qu'enlève le souffle du soir
RAFFERMI, MIEOui, tel est mon espoir, ô moitié de ma vie ! C'est par lui que déjà mon âme raffermie A pu voir sans effroi sur tes traits enchanteurs Se faner du printemps les brillantes couleurs
RAFFERMIRÊtre d'un siècle entier la pensée et la vie, Émousser le poignard, décourager l'envie, Ébranler, raffermir l'univers incertain
RAJEUNIRÔ lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure ! Vous que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir
RAJEUNIRPour moi, quand le destin m'offrirait, à mon choix, Le sceptre du génie.... J'en jure par la mort, dans un monde pareil, Non, je ne voudrais pas rajeunir d'un soleil
RAMENÉ, ÉELà, sans crainte et sans espérance, Sur notre orageuse existence Ramenés par le souvenir, Jetant nos regards en arrière, Nous mesurerons la carrière, Qu'il aura fallu parcourir
RAMENERLe Seigneur, m'accablant du poids de sa colère, Retire tour à tour et ramène sa main
RAMENERTelle, pour sommeiller la blanche tourterelle Courbe son cou d'albâtre et ramène son aile Sur son oeil endormi
RAMEURUn soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ; On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux, Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence Tes [du lac] flots harmonieux
RAMPERDes théâtres croulants, dont les frontons superbes Dorment dans la poussière ou rampent sous les herbes
RANIMEREt moi, quand le midi de ses feux bienfaisants Ranime par degrés mes membres languissants....
RAPPELERTu parlais à leurs yeux par la voix des miracles ; Et, lorsqu'ils t'oubliaient, tes anges descendus Rappelaient ta mémoire à leurs coeurs éperdus
RASERMontons sur ma barque légère, Que ma main guide sans efforts, Et de ce golfe solitaire Rasons timidement les bords
RASSASIÉ, ÉEL'homme vit un jour sur la terre Entre la mort et la douleur ; Rassasié de sa misère, Il tombe enfin comme la fleur
RÉALITÉMalheur à qui du fond de l'exil de la vie Entendit ces concerts d'un monde qu'il envie ! Du nectar idéal sitôt qu'elle a goûté, La nature répugne à la réalité
REBONDIRDe rochers en rochers et d'abîme en abîme, Il tombe, il rebondit, il retombe....
REBONDIR....Comme le roseau, vain jouet de l'orage, Qui plie et rebondit sous la main des passants, Mon coeur revient à Dieu, plus docile et plus tendre
RECEVOIRCes enfants de Jacob, premiers-nés des humains, Reçurent, quarante ans, la manne de ta main
RECEVOIRCet ange protecteur, Cet invisible ami veille autour de son coeur, L'inspire, le conduit, le relève s'il tombe, Le reçoit au berceau, l'accompagne à la tombe
RECEVOIRBeaux lieux, recevez-moi sous vos sacrés ombrages
RECOMMENCERToi, qu'en vain j'interroge, esprit, hôte inconnu, Avant de m'animer, quel ciel habitais-tu ?... As-tu tout oublié ? par delà le tombeau, Vas-tu renaître encor dans un oubli nouveau ? Vas-tu recommencer une semblable vie ?
RECUEILLI, IEC'est l'heure où la mélancolie S'assied pensive et recueillie Aux bords silencieux des mers
RECUEILLI, IELa lampe.... D'un jour plus recueilli remplit le sanctuaire
RECUEILLIRHeureux nos fils ! heureux cet âge Qui, fécondé par nos leçons, Viendra recueillir l'héritage Des dogmes que nous lui laissons !
RECUEILLIR[La lampe du sanctuaire] Emblème consolant de la bonté qui veille Pour recueillir ici les soupirs des mortels
RECUEILLIRPlus loin, voici l'asile où vint chanter le Tasse, Quand, victime à la fois du génie et du sort, Errant dans l'univers, sans refuge et sans port, La pitié recueillit son illustre disgrâce
RÉEL, ELLELe réel est étroit, le possible est immense
RÉFLÉCHIRLa source de mes jours comme eux [ruisseaux] s'est écoulée...... Mais leur onde est limpide, et mon âme troublée N'aura pas réfléchi les clartés d'un beau jour
REFLEURIRLà sont nos rêves pleins de charmes.... Là refleuriront nos jeunesses ; Et les objets de nos tristesses à nos regrets seront rendus
REGARDAux regards de celui qui fit l'immensité, L'insecte vaut un monde : ils ont autant coûté
REINEEt le char vaporeux de la reine des ombres Monte et blanchit déjà les bords de l'horizon
REMORDSSouvenirs expirants, regrets, dégoûts, remord ; Si du moins ces débris nous attestaient sa mort [de la passion] !
RENAISSANT, ANTEEt le siècle qui meurt racontant ses misères Au siècle renaissant
RENDREÉternité, néant, passé, sombres abîmes, Que faites-vous des jours que vous engloutissez ? Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes Que vous nous ravissez ?
RÉPANDREJe répan drai mon âme au seuil du sanctuaire, Seigneur.... dans ton nom seul je mettrai mon espoir
REPASSERComme lui [le voyageur], de nos pieds secouons la poussière ; L'homme par ce chemin [la vie] ne repasse jamais ; Comme lui, respirons au bout de la carrière Ce calme avant-coureur de l'éternelle paix
RÉPÉTÉ, ÉE[ô lac] Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés
REPOSERUn jour égal et pur y repose les yeux [à la Roche-Guyon]
REPRENDREPeut-être que mon âme.... à la vie un moment se reprendrait encore
RESTEEt tu veux qu'éveillant encore Des feux sous la cendre couverts, Mon reste d'âme s'évapore En accents perdus dans les airs ?
RETOURPeut-être l'avenir me gardait-il encore Un retour de bonheur dont l'espoir est perdu
RETROUVERLà je m'enivrerais à la source où j'aspire, Là je retrouverais et l'espoir et l'amour
RÊVEêtre d'un siècle entier la pensée et la vie, Émousser le poignard, décourager l'envie, Ébranler, raffermir l'univers incertain, Aux sinistres clartés de la foudre qui gronde, Vingt fois contre les dieux jouer le sort du monde, Quel rêve !... et ce fut ton destin
RÊVELa gloire est le rêve d'une ombre
RÉVEILComme une grande image Survit seule au réveil dans un songe effacé
REVIVREQu'un autre, s'exhalant en regrets superflus, Redemande au passé ses jours qui ne sont plus, Pleure de son printemps l'aurore évanouie, Et consente à revivre une seconde vie
REVOMI, IEQuand pourrai-je.... Rouler avec la vague au sein des noirs abîmes, Et, revomi cent fois par les gouffres amers, Flotter comme l'écume au vaste sein des mers !
RHYTHMEQuand mon âme oppressée Sent en rhythmes nombreux déborder ma pensée
RIANT, ANTEJe remonte, aux lueurs de ce flambeau divin [la foi], Du couchant de ma vie à son riant matin
RIVAGETout à coup des accents inconnus à la terre Du rivage charmé [d'un lac] frappèrent les échos
RIVAGEAinsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages, Dans la nuit éternelle emportés sans retour, Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges Jeter l'ancre un seul jour ?
RIVEL'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ; Il coule, et nous passons
RONGERSentir son âme, usée en impuissant effort, Se ronger lentement sous la rouille du sort
ROUILLECe nom [du Créateur], caché depuis sous la rouille des âges, En traits plus éclatants brillait sur tes ouvrages
SACRERDe quel divin parfum, de quel pur diadème La gloire aurait sacré ton front !
SAGEQu'un autre vous réponde, ô sages de la terre ! Laissez-moi mon erreur : j'aime, il faut que j'espère
SALUTSalut ! bois couronnés d'un reste de verdure ! Feuillages jaunissants sur les gazons épars ! Salut ! derniers beaux jours
SCÈNEQuand je verrais son globe [de la terre] errant et solitaire Flottant loin des soleils, pleurant l'homme détruit, Se perdre dans les champs de l'éternelle nuit ; Et quand, dernier témoin de ces scènes funèbres....
SCEPTREPour moi, quand le destin m'offrirait à mon choix Le sceptre du génie ou le trône des rois
SECOUERComme lui [le voyageur], de nos pieds secouons la poussière ; L'homme par ce chemin [la vie] ne repasse jamais
SÉCULAIREAu pied du trône séculaire Où s'assied un autre Nestor [Louis XVIII], De la tempête populaire Le flot calmé murmure encor !
SENTIERJe suis d'un pas rêveur le sentier solitaire
SENTIRMais nous [les poëtes], pour embraser les âmes, Il faut brûler, il faut ravir Au ciel jaloux ses triples flammes ; Pour tout peindre, il faut tout sentir
SERREComme un vautour qui plonge sur sa proie, Le malheur.... Et pressant l'univers dans sa serre cruelle....
SEUL, EULEJe lisais [dans Tacite] les crimes de Rome, Et l'empire à l'encan vendu, Et, pour élever un seul homme, L'univers si bas descendu
SIÈCLEEt vous, pourquoi d'un soin stérile Empoisonner vos jours bornés ? Le jour présent vaut mieux que mille Des siècles qui ne sont pas nés
SILENCELes échos assoupis ne livrent au zéphire Que des soupirs mourants, de silences coupés
SOIRLe soir ramène le silence ; Assis sur ces rochers déserts, je suis dans le vague des airs Le char de la nuit qui s'avance
SOLEILDans l'abîme sans fond mon regard a plongé ; De l'atome au soleil, j'ai tout interrogé
SOLEILQuand tout change pour toi, la nature est la même, Et le même soleil se lève sur tes jours
SOLEILLe soleil de nos jours pâlit dès son aurore
SOLEILJ'en jure par la mort : dans un monde pareil, Non, je ne voudrais pas rajeunir d'un soleil ; Je ne veux pas d'un monde où tout change, où tout passe
SOMMEILLERAllez, où sont allés vos pères, Dormir auprès de vos aïeux ; De ce lit où la mort sommeille, On dit qu'un jour elle s'éveille
SOUFFLETon souffle créateur s'est abaissé sur moi
SOUFFRIRIl [Dieu] fit l'eau pour couler, l'aquilon pour courir, Les soleils pour brûler, et l'homme pour souffrir
SOUPIRERAh ! si jamais ton luth [de Byron], amolli par tes pleurs, Soupirait sous tes doigts l'hymne de tes douleurs
SPECTACLEEt toi, Byron.... Le mal est ton spectacle, et l'homme est ta victime
SPHÈREMais peut-être au delà des bornes de sa sphère [du soleil], Lieux où le vrai soleil éclaire d'autres cieux
SPLENDEURTout homme, en te voyant [Byron], reconnaît dans tes yeux Un rayon éclipsé de la splendeur des cieux
STOÏQUECombien de fois ainsi mon esprit abattu A cru s'envelopper d'une froide vertu, Et, rêvant de Zénon la trompeuse sagesse Sous un manteau stoïque a caché sa faiblesse !
SURNe pourrons-nous jamais sur l'océan des âges Jeter l'ancre un seul jour ?
SUR[Mer] sur quelque plage Que tu me fasses dériver....
SURLe souffle se taisait dans son sein endormi [d'une morte], Et sur l'oeil sans regard la paupière affaissée Retombait à demi
SURGIRAh ! si mon frêle esquif battu par la tempête, Grâce à des vents plus doux, pouvait surgir au port !
SURMONTERSoudain le pasteur [Jacob] se dégage Des bras du combattant des cieux, L'abat, le presse, le surmonte, Et sur son sein gonflé de honte Pose un genou victorieux
TABLEAUMais à ces doux tableaux mon âme indifférente N'éprouve devant eux ni charme ni transport
TAPISQue mon bras arrondi t'entoure et te soutienne Sur ces tapis de fleurs
TAPISVénus se lève à l'horizon ; à mes pieds l'étoile amoureuse De sa lueur mystérieuse Blanchit les tapis de gazon
TARDER[ô mort] Que tardes-tu ? parais ; que je m'élance enfin Vers cet être inconnu, mon principe et ma fin
TARDIF, IVE[Si j'étais étoile] Je viendrais chaque nuit, tardif et solitaire, Sur les monts que j'aimais briller près de la terre
TEMPSGloire à toi, dans les temps et dans l'éternité, Éternelle raison, suprême volonté !
TERREQue ne puis-je, porté sur le char de l'aurore, Vague objet de mes voeux, m'élancer jusqu'à toi ? Sur la terre d'exil pourquoi rester encore ? Il n'est rien de commun entre la terre et moi
TERRESTRELà, je m'enivrerais à la source où j'aspire ; Là, je retrouverais et l'espoir et l'amour, Et ce bien idéal que toute âme désire, Et qui n'a pas de nom au terrestre séjour
THÉTISPlongé dans le sein de Thétis, Le soleil a cédé l'empire à la pâle reine des nuits
TIÈDE[Crucifix] Dans mes tremblantes mains tu passas, tiède encore De son dernier soupir
TISSULe temps n'a pas encor bruni l'étroite pierre, Et sous le vert tissu de la ronce et du lierre On distingue un sceptre brisé
TISSU, UETes jours furent tissus de gloire et d'infortune
TOMBÉ, ÉEL'homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux
TOMBERQuand la feuille des bois tombe dans la prairie
TOMBEROu plutôt que ne puis-je, au doux tomber du jour....
TOMBERLe flot fut attentif, et la voix qui m'est chère Laissa tomber ces mots
TORRENTByron, viens en tirer [de ma lyre] des torrents d'harmonie
TRACEEh quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace [des jours de bonheur] ?
TRACEREn vain sur la route fatale Dont les cyprès tracent le bord, Quelques tombeaux par intervalle Nous avertissaient de la mort
TRAÎNEROn voit à l'horizon sa lueur [du crépuscule] incertaine, Comme les bords flottants d'une robe qui traîne...
TRANQUILLEOui, j'ai quitté ce port tranquille
TRÉBUCHEROu si d'un dieu qui dort l'aveugle nonchalance Laisse au gré du destin trébucher sa balance
TRISTEMoi, je meurs ; et mon âme, au moment qu'elle expire, S'exhale comme un son triste et mélodieux
TRISTEMENTSouvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne, Au coucher du soleil, tristement je m'assieds
TRONÇONTant que le tronçon d'une épée....
TROUBLÉ, ÉEMais leur onde [de deux ruisseaux] est limpide, et mon âme troublée N'aura pas réfléchi les clartés d'un beau jour
USERRegarde autour de toi ; tout commence et tout s'use
VALLONMon coeur, lassé de tout, même de l'espérance, N'ira plus de ses voeux importuner le sort ; Prêtez-moi seulement, vallons de mon enfance, Un asile d'un jour pour attendre la mort
VALLONVous qui passez comme l'ombre Par ce triste vallon de pleurs, Passagers sur ce globe sombre, Hommes, mes frères en douleurs
VAPOREUX, EUSEEt le char vaporeux de la reine des ombres Monte, et blanchit déjà les bords de l'horizon
VENTILERMais sur sa blanche épaule un ramier favori Était venu chercher un amoureux abri, Il ventilait son cou d'un frémissement d'aile
VERSERMurs sacrés ! saints autels ! je suis seul, et mon âme Peut verser devant vous ses douleurs et sa flamme
VIEJ'ai vécu ; j'ai passé ce désert de la vie Où toujours sous mes pas chaque fleur s'est flétrie
VIVREJ'ai vécu, j'ai passé le désert de la vie
VOILÉ, ÉEOui, dans ces jours d'automne où la nature expire, à ses regards voilés je trouve plus d'attraits
VOLÔ temps, suspends ton vol ; et vous, heures propices, Suspendez votre cours
VOLERSes anges devant lui font voler le trépas
VOULOIRJe ne veux pas d'un monde où tout change, où tout passe
VOÛTELà, sous les orangers, sous la vigne fleurie, Dont le pampre flexible au myrte se marie, Et tresse sur ta tête une voûte de fleurs

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