L'oeuvre Harmonies poétiques et religieuses de Alphonse de LAMARTINE

Ecrit par Alphonse de LAMARTINE

Date : 1830

Citations de "Harmonies poétiques et religieuses"

Pages 1

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ACCUEILLIREt toi, Marseille, assise aux portes de la France, Comme pour accueillir ses hôtes dans tes eaux....
ACCUMULERD'autres, accumulant pour enfouir encor, Recueillent dans la fange une poussière d'or
ADORATIONPeut-être, brillantes parcelles De l'immense création, Devant son trône imitent-elles L'éternelle adoration
ADORERDétestais-tu la tyrannie ? Adorais-tu la liberté ? De l'oppression impunie Ton oeil était-il révolté ?....
AÉRIEN, ENNEEt mon oeil aime à se suspendre à ce foyer aérien ; Et je leur dis sans les comprendre : Flambeaux pieux, vous faites bien
AIMEREt toute notre vie était un seul aimer
ANGELUSOn entend l'angelus tinter, et d'un saint bruit Convoquer les esprits qui bénissent la nuit
ANNALESEt ces catastrophes fatales Dont l'histoire enfle ses annales
APPARITIONTu n'y vécus pas seul ; sous des formes divines, Tes apparitions peuplèrent ce beau lieu ; Tu voyais tour à tour passer sur ces collines L'esprit de la tempête et le souffle de Dieu
ASPECTSur cette froide pierre en vain le regard tombe ; ô vertu, ton aspect est plus fort que la tombe
ASPIRATIONTant d'aspirations vers son Dieu répétées, Tant de foi dans la mort, tant de vertus jetées En gage à l'immortalité
ASPIREREt chaque souffle enfin que j'exhale ou j'aspire
ASSEOIRMais tu venais asseoir sur leur trône abattu [des faux dieux] Le Dieu de vérité, de grâce et de vertu
ASSIÉGERCeux-ci de la faveur assiégent les sentiers
ASSOUPI, IEL'haleine de la nuit, qui se brise parfois, Répand de loin en loin d'harmonieuses voix, Comme pour attester.... Que le monde assoupi palpite et vit encore
ASSOUVI, IEQuand l'homme, ranimant une rage assouvie, Cherche encor la douleur où ne bat plus la vie....
ASTRELe soir est près de l'aurore ; L'astre à peine vient d'éclore Qu'il va terminer son tour
ATOMEOh ! que tes cieux sont grands ! et que l'esprit de l'homme Plie et tombe de haut, mon Dieu, quand il te nomme ! Quand, descendant du dôme où s'égaraient ses yeux, Atome, il se mesure à l'infini des cieux !
ATTACHERPlus la nuit est obscure, et plus mes faibles yeux S'attachent au flambeau qui pâlit dans les cieux
ATTENDRESur cette terre déserte Qu'attends-tu ? je n'y suis pas !
ATTENDREEspérer, attendre, c'est vivre ? Que sert de compter et de suivre Des jours qui n'apportent plus rien ?
ATTENDRI, IEHeureux l'homme pour qui la prière attendrie S'élève des lèvres d'autrui ! Il obtient par la voix de l'orphelin qui prie Plus qu'il n'a fait pour lui
ATTIÉDI, IEAinsi qu'un astre éteint sur un horizon vide, La foi, de nos aïeux la lumière et le guide, De ce monde attiédi retire ses rayons
ATTIÉDI, IEQuand.... les heures de midi, En vous enveloppant comme un manteau de soie, Feront épanouir votre sang attiédi
ATTIRERSur ce site enchanté, mon âme qu'il attire S'abat comme le cygne, et s'apaise et soupire à cette image du repos
AUCUN, UNEJamais sans doute aucunes larmes N'obscurciront pour eux [mes frères les hommes] le ciel
AUROREQu'un vent vienne à souffler du soir ou de l'aurore
BALANCIERJe n'entends au dehors que le lugubre bruit Du balancier qui dit : Le temps marche et te fuit !
BALBUTIERDieu ! ma bouche balbutie Ce nom des anges redouté ; Un enfant même est écouté Dans le choeur qui te glorifie
BALSAMIQUEQuand la terre, exhalant sa vertu balsamique
BATTREL'homme, ranimant une rage assouvie, Cherche encor la douleur où ne bat plus la vie
BERCERL'eau berce.... La tente des matelots
BLASPHÉMATEUR, TRICEMais du Dieu trois fois saint notre injure est l'injure ; Faut-il l'abandonner au mépris du parjure, Aux langues du sceptique ou du blasphémateur ?
BONDIRPourquoi bondissez-vous sur la plage écumante, Vagues dont aucun vent n'a creusé le sillon ?
BRISÉ, ÉELe coeur brisé par la souffrance S'obstine et poursuit l'espérance Jusqu'aux pieds des sacrés autels
BROUTERL'agneau broute le serpolet, La chèvre s'attache au cytise
BRUITQue le séjour de l'homme est divin, quand la nuit De la vie orageuse étouffe ainsi le bruit !
CADENCÉ, ÉEQu'il est doux de voir sa pensée En mètres divins cadencée !
CADENCER... Sur les flots dormants se répand une voix, Une voix qui cadence une langue divine
CADRANL'ombre seule marque en silence Sur le cadran rempli les pas muets du temps
CALICEPourquoi relevez-vous, ô fleurs, vos pleins calices, Comme un front incliné que relève l'amour ?
CAVERNEUX, EUSEAnim.... Contre la fureur de l'aquilon rapide, Le saule caverneux nous prêtait son tronc vide
CHANCEJ'abandonne à leur chance et mes sens et mon âme ; Qu'ils aillent où Dieu sait, chacun de leur côté
CHAUMIÈREUn silence pieux s'étend sur la nature ; Les chemins sont déserts, les chaumières sans voix, Nulle feuille ne tremble à la voûte des bois
CIELLa lune est dans le ciel, et le ciel est sans voile
CIELPourquoi vous troublez-vous, enfants de l'Évangile ? à quoi sert dans les cieux ton tonnerre inutile, Disent-ils au Seigneur ?...
CIELÔ nuits, déroulez en silence Les pages du livre des cieux
CIELVenez, enfants du ciel, orphelins sur la terre ; Il est encor pour vous un asile ici-bas
CITÉIl fonde les cités, familles immortelles, Et pour les soutenir il élève les lois, Qui, de ces monuments colonnes éternelles, Du temple social se divisent le poids
CLEF ou CLÉEt qu'est-ce que la vie ? Un réveil d'un moment ! Labyrinthe sans clef ! question sans réponse !
CLEF ou CLÉ[Il voyait] .... les feux dispersés dans des nuits embaumées, Calculant sans compas leurs courbes enflammées, Sous la voûte sans clef flottant de toutes parts
COEURNous parlâmes du coeur, comme deux vieux amis, Au foyer l'un de l'autre à la campagne admis
COIFFÉ, ÉEJ'habitai plus que toi ces fortunés rivages [Savoie], J'adorai, j'aime encor ces monts coiffés d'orages
COLONNADELà leurs gigantesques fantômes [des nuages] Imitent les murs des cités.... Là s'élèvent des colonnades....
COMBATTREMon père.... plein du grand combat qu'il avait combattu, En racontant sa vie enseignait la vertu
COMPATIRIl [Dieu] compatit d'en haut à l'erreur qui le prie ; à défaut des clartés, il nous compte un désir
COMPTERLes pleurs comptent pour le sourire, Les nuits d'exil pour de beaux jours
CONCENTRÉ, ÉEIl semble que la voix dans les airs égarée, Par cet espace étroit dans ces murs concentrée à notre âme retentit mieux
CONCENTRERNul ne désira plus dans l'autre âme qu'il aime De concentrer sa vie en se perdant soi-même
CONFONDRETémoignons pour le Christ, mais surtout par nos vies ; Notre moindre vertu confondra plus d'impies Que le sang d'un martyr
CONFUSÉMENTFables et vérités, ténèbres et lumière Flottent confusément devant notre paupière, Et l'un dit : c'est le jour ! et l'autre : c'est la nuit !
CONNAÎTREAdieu, monde fuyant, nature, humanité, Vaine forme de l'être, ombre d'un météore, Nous nous connaissons trop pour nous tromper encore
CONSOLEREt je sens ce rayon m'échauffer de sa flamme, Et mon coeur se console....
CONSUMERPâle lampe du sanctuaire, Pourquoi, dans l'ombre du saint lieu, Inaperçue et solitaire, Te consumes-tu devant Dieu ?
CONTAGIONQuand l'homme faible qui redoute La contagion du malheur Nous laisse seul sur notre route Face à face avec la douleur
CONTEMPLATIF, IVESous ce jour sans rayon [une nuit étoilée], plus serein qu'une aurore, à l'oeil contemplatif la terre semble éclore
CONVIERAux dons que ta bonté mesure Tout l'univers est convié
COUCHERLa brise qui soulève ou couche les épis
COUDOYEROn s'arrête, on s'assied, on voit passer la foule Qui sur l'étroit degré se coudoie et se foule
COULERIl [le christianisme] coule la pensée En bronze palpable et vivant
COURT, COURTEMais toi seul, ô mon Dieu, par siècles tu mesures Ce temps qui sous tes mains coule éternellement ; L'homme compte par jours ; tes courtes créatures Pour naître et pour mourir ont assez d'un moment
COUVERQuel que soit le destin que couve l'avenir, Terre [Italie], enveloppe-toi de ton grand souvenir
CRÉATIONFemmes, anges mortels, création divine, Seul rayon dont la vie un moment s'illumine
CRÉÉ, CRÉÉEEt moi je passe aussi parmi l'immense foule D'êtres créés, détruits, qui devant toi s'écoule
CRÉÉ, CRÉÉESi la vie et la mort ne sont pas même, hélas ! Deux mots créés par l'homme et que Dieu n'entend pas !
CRÉERUne dérision d'un être habile à nuire, Qui s'amuse sans but à créer pour détruire
CRÊPEÀ l'heure où l'âme solitaire S'enveloppe d'un crêpe noir Et n'attend plus rien de la terre
CRÉPUSCULEOn dirait [pendant une nuit claire], en voyant ce monde sans échos, Où l'oreille jouit d'un magique repos, Où tout est majesté, crépuscule, silence....
CRIERRendons grâce à lui seul [Dieu] du rayon qui nous luit, Sans nous enfler d'orgueil et sans crier ténèbres Aux enfants de la nuit
CRINIÈREL'air siffle, le ciel se joue Dans la crinière des flots
CROULERCes gigantesques monts crouleront à leur tour
DATEQuelquefois seulement le passant arrêté, Lisant l'âge et la date en écartant les herbes, Et sentant dans ses yeux quelque larme courir, Dit : Elle avait seize ans, c'est bien tôt pour mourir
DATE[Esprit de l'homme] Quel charme ou quelle horreur à la fin t'arrêta ? Ce furent ces forêts, ces ténèbres, cette onde, Et ces arbres sans date, et ces rocs immortels
Voyons si la vertu n'est qu'une sainte erreur, L'espérance un dé faux qui trompe la douleur
DÉCIMERL'infortune et l'exil, et la mort et le temps, Ont en vain décimé tes amis de vingt ans
DÉFAILLIREt la moitié du ciel pâlissait, et la brise Défaillait dans la voile, immobile et sans voix
DÉICIDESerions-nous donc pareils au peuple déicide, Qui, dans l'aveuglement de son orgueil stupide, Du sang de son Sauveur teignit Jérusalem ?
DÉMAGOGUETon pouvoir [ô Christ] n'est plus le caprice Des démagogues et des rois
DÉPLOYERComme un cygne argenté qui s'élève et déploie Ses blanches ailes sur les eaux
DÉRISIONEt qu'est-ce que la gloire ? un vain son répété, Une dérision de notre vanité !
DÉSESPOIREt, dans ses désespoirs dont Dieu seul est témoin, S'appuyer sur l'obstacle et s'élancer plus loin
DÉVIDERC'est l'aveugle que guide Le mur accoutumé, Le mendiant timide Et dont la main dévide Son rosaire enfumé
DÉVORERSous notre heureuse demeure, Avec celui qui les pleure, Hélas ! ils dormaient hier ! Et notre coeur doute encore, Que le ver déjà dévore Cette chair de notre chair !
DICTAMEEt moi sur qui la nuit verse un divin dictame,.... Quel instinct de bonheur me réveille ? ô mon âme ! Pourquoi me réjouis-tu ?
DIEUEt moi, pour te louer, Dieu des soleils, qui suis-je ?
DIEUTu voyais tour à tour passer sur ces collines L'esprit de la tempête et le souffle de Dieu
DIEUQuel fruit porte en son sein le siècle qui va naître ? Que m'apporte, ô mon Dieu, dans ses douteuses mains Ce temps qui fait l'espoir ou l'effroi des humains ?
DISPERSÉ, ÉEC'est une mère ravie à ses enfants dispersés Qui leur tend de l'autre vie Ces bras qui les ont bercés
DISSOUDREIl voyait chaque jour sur la terre arrosée, L'aurore se dissoudre en perles de rosée, Les bois se revêtir de leurs manteaux flottants
DISTILLERLa lune, qui se penche au bord de la vallée, Distille un jour égal, une aurore voilée, Sur ce golfe silencieux
DIVERGERL'obscurité, le doute, ont brisé sa boussole [de la foi], Et laissent diverger au vent de la parole L'encens des nations
DIVIN, INELeur tombe est sur la colline ; Mon pied le sait, la voilà ; Mais leur essence divine, Mais eux, Seigneur, sont-ils là ?
DIVIN, INEEt des pleurs de la nuit le sillon boit la pluie, Et les lèvres des fleurs distillent leur encens, Et d'un sein plus léger l'homme aspire la vie, Et l'esprit plus divin se dégage des sens
DIVISERIl fonde les cités, familles immortelles, Et, pour les soutenir, il élève les lois, Qui, de ces monuments colonnes immortelles, Du temple social se divisent le poids
DÔMELes dômes des forêts que les brises agitent, Bercent le frais et l'ombre et les choeurs des oiseaux
DÔMEOh ! que tes cieux sont grands et que l'esprit de l'homme Plie et tombe de haut, mon Dieu ! quand il te nomme, Quand, descendant du dôme où s'égaraient ses yeux, Atome, il se mesure à l'infini des cieux !
DORÉ, ÉELes vertus les plus sublimes N'étaient que des vices dorés
DORER[ô vie !] Que tu sais bien dorer ton magique lointain ! Qu'il est beau l'horizon de ton riant matin !
DOULEURTu fais l'homme, ô douleur, oui, l'homme tout entier, Comme le creuset l'or....
DUPERIEÀ ce risque fatal, je vis, je me confie ; Et dût ce noble instinct, sublime duperie, Sacrifier en vain l'existence à la mort, J'aime à jouer ainsi mon âme avec le sort
ÉBOULEROn n'approuvera donc pas ces vers : Ne vous troublez donc pas d'un mot nouveau qui tonne, D'un empire éboulé, d'un siècle qui s'en va
ÉCHOL'hymne éternel de la prière Trouvera partout des échos
ÉCOUTERTu parles, mon coeur écoute ; Je soupire, tu m'entends ; Ton oeil compte goutte à goutte Les larmes que je répands
ÉCRIVAINLes cieux pour les mortels sont un livre entr'ouvert ; Chaque siècle avec peine en déchiffre une page, Et dit : ici finit ce magnifique ouvrage ; Mais sans cesse le doigt du céleste écrivain Tourne un feuillet de plus de ce livre divin
EFFACEREt la moitié du ciel pâlissait, et la brise Défaillait dans la voile, immobile et sans voix, Et les ombres couraient, et sous leur teinte grise Tout sur le ciel et l'eau s'effaçait à la fois
EFFILERSa chevelure qui s'épanche, Au gré du vent prend son essor, Glisse en ondes jusqu'à sa hanche, Et là s'effile en franges d'or
EFFLEURERSi quelque souffle harmonieux, Effleurant au hasard la harpe détendue, En tire seulement une note perdue
ÉLASTIQUELa terre, épanouie aux rayons qui la dorent, Nage plus mollement dans l'élastique éther
ÉLEVERVoilà les feuilles sans séve Qui tombent sur le gazon, Voilà le vent qui s'élève Et gémit dans le vallon
EMBAUMÉ, ÉECependant il est doux de respirer encore Cet air du ciel natal où l'on croit rajeunir, Cet air qu'on respira dès sa première aurore, Cet air tout embaumé d'antique souvenir
EMBRASERQuand, sous le ciel d'amour, où mon âme est ravie, Je presse sur mon coeur un fantôme adoré, Et que je cherche en vain des paroles de vie Pour l'embraser du feu dont je suis dévoré
ÉMONDEUR, EUSEMontagnes que voilait le brouillard de l'automne, Vallons que tapissait le givre du matin, Saules dont l'émondeur effeuillait la couronne, Vieilles tours que le soir dorait dans le lointain
EMPIREQuel que soit le destin que couve l'avenir, Terre [l'Italie], enveloppe-toi de ton grand souvenir ; Que t'importe où s'en vont l'empire et la victoire ? Il n'est point d'avenir égal à ta mémoire
EMPLOYERCe poids léger du temps que le travail emploie
EMPORTERIl écrit, et les vents emportent sa pensée, Qui va dans tous les lieux vivre et s'entretenir
EMPOURPRÉ, ÉEEt, vers l'occident seul, une porte éclatante Laissait voir la lumière à flots d'or ondoyer ; Et la nue empourprée imitait une tente Qui voile sans l'éteindre un immense foyer
EMPREINTEVoyageur fatigué qui reviens sur nos plages Demander à tes champs leurs antiques ombrages, à ton coeur ses premiers amours ; Que de jours ont passé sur ces chères empreintes !
EMPYRÉEL'oeil aime à parcourir la voûte Où son disque [de la lune] trace la route Des astres noyés dans les airs, à compter la foule azurée Des étoiles dans l'empyrée Et des vagues au bord des mers
ENCADRERDes systèmes humains il [l'homme] élargit la base, Il encadre au hasard dans cette immensité Système, opinion, mensonge, vérité
ENCENSQu'il est doux de voir sa pensée, Avant de chercher ses accents, En mètres divins cadencée, Monter soudain comme l'encens !
ENCENSOIRÉlevez-vous [prières] dans le silence à l'heure où dans l'ombre du soir La lampe des nuits se balance, Quand le prêtre éteint l'encensoir
ENCHANTÉ, ÉEÔ terre, ô mer, ô nuit, que vous avez de charmes ! Miroir éblouissant d'éternelle beauté, Pourquoi mes yeux se voilent-ils de larmes Devant ce spectacle enchanté ?
ENFANTL'enfant dont la mort cruelle Vient de vider le berceau, Qui tombe de la mamelle Au lit glacé du tombeau
ENFANTVenez, enfants du ciel, orphelins sur la terre, Il est encor pour vous un asile ici-bas ; Mes trésors sont cachés, ma joie est un mystère ; Le vulgaire l'admire et ne la comprend pas
ENGOURDI, IE[Un aiglon] Dont l'oeil aspire à sa sphère, Et qui rampe sur la terre Comme un reptile engourdi
ENTASSEREt la feuille aux feuilles s'entasse
ENTRETIENTombeau, cher entretien d'une douleur amère
ÉPANDREOcéan, qui sur tes rives Épands tes vagues plaintives
ÉPHÉMÈREBourdonnez sous votre herbe, insectes éphémères
ÉPILa vie a dispersé, comme l'épi sur l'aire, Loin du champ paternel les enfants et la mère
ÉPUISÉ, ÉEIl sent tarir ses jours comme une onde épuisée, Et son dernier soleil a lui
ESPRITL'esprit de la prière et de la solitude Qui plane sur les monts, les torrents et les bois....
ÉTAGEDe colline en colline et d'étage en étage Les monts, dont le miroir fait onduler l'image, Descendent jusqu'au lit des mers
ÉTENDREUn silence pieux s'étend sur la nature [pendant la nuit]
ÉTERNEL, ELLEQu'importe ce vain flux d'opinions mortelles Se brisant l'une l'autre en vagues éternelles ?
ÉTERNITÉRoulez dans vos sentiers de flamme, Astres, rois de l'immensité ; Insultez, écrasez mon âme Par votre presque éternité
ÉTHERL'harmonieux éther, dans ses vagues d'azur, Enveloppe les monts d'un fluide plus pur
ÉTOILELa lune est dans le ciel et le ciel est sans voiles ; Elle éclaire de loin la route des étoiles, Et leur sillage blanc dans l'océan d'azur
ÉTOILEQuand.... Je demande à mon coeur tous ceux qui ne sont plus, Et que, les yeux flottants sur de chères empreintes, Je pleure dans mon ciel tant d'étoiles éteintes
ÉTOUFFEREt ce bruit insensé que l'homme croit sublime Se sera pour jamais étouffé dans l'abîme, L'abîme qui n'a plus d'échos
ÊTREUne existence évanouie Ne fait pas baisser d'une vie Le flot de l'être toujours plein
ÉVAPOREREt que les saints échos de la voûte sonore Te portent plus brûlant, avant qu'il s'évapore, Le soupir qui te cherche en montant vers les cieux
EXILEt n'accuse point l'heure Qui te ramène à Dieu ! Soit qu'il naisse ou qu'il meure, Il faut que l'homme pleure Ou l'exil ou l'adieu
EXPLOREREt quand sur cette mer, las de chercher sa route, Du firmament splendide il explore la route, Des astres inconnus s'y lèvent à ses yeux
FANALAstre inutile à l'homme [la lune], en toi tout est mystère ; Tu n'es pas son fanal, et tes molles lueurs Ne savent pas mûrir les fruits de ses sueurs
FÊLÉ, ÉEComme une urne fêlée et dont les flancs arides Laissent fuir l'eau du ciel que l'homme y cherche en vain
FÊLÉ, ÉE[Dieu] Fait un écho vivant de nos lèvres muettes, Et dans nos coeurs fêlés verse ses eaux parfaites
FERMÉ, ÉEAh ! qu'à ces vains regrets ton âme soit fermée !
FEUEt l'astre [le soleil], qui tombait de nuage en nuage, Suspendait sur les flots son orbe sans rayon, Puis plongeait la moitié de sa sanglante image, Comme un navire en feu qui sombre à l'horizon
FEUDieu du jour ! Dieu des nuits ! Dieu de toutes les heures ! Laisse-moi m'envoler sur les feux du soleil !
FEUMais quand ce feu céleste [l'amour de la gloire] éblouirait ton âme....
FEUILLEVoilà les feuilles sans séve Qui tombent sur le gazon ; Voilà le vent qui s'élève Et gémit dans le vallon
FILONTon coeur était l'or pur caché dans le filon, Qui n'attend pour briller que l'heure et le rayon
FLAMBEAUTandis que le flambeau, par les heures rongé, S'use pour éclairer l'entretien prolongé
FLOTTANT, ANTEVoici le gai matin qui sort humide et pâle Des flottantes vapeurs de l'aube orientale
FLUIDEL'harmonieux éther, dans ses vagues d'azur, Enveloppe les monts d'un fluide plus pur
FLUXQu'importe ce vain flux d'opinions mortelles Se brisant l'une l'autre en vagues éternelles ?
FOLÂTRERNul souci sur son front n'avait laissé son pli ; Tout folâtrait en elle, et ce jeune sourire....
FONDERJe fondais sur le sable et je semais sur l'onde
FORUMLes forum, les palais s'écroulent, Le temps les ronge avec mépris, Le pied des passants qui les foulent Écarte au hasard leurs débris
FOUDROYERTu jettes leur orgueil et leur nom [des méchants] dans la poudre, Et ton doigt les éteint comme il éteint la foudre Quand elle a foudroyé
FRAIS, FRAÎCHECes feuilles où tremblent des larmes, Ces fraîches haleines des bois, ô nature, avaient trop de charmes Pour n'avoir pas aussi leur voix
FRAIS, FRAÎCHEQuand le premier amour et la fraîche espérance Nous entr'ouvrent l'espace où notre âme s'élance....
FRANGEPartout l'écume brillante D'une frange étincelante Ceint le bord des flots amers
FRAPPER[Nos amis et parents morts] Ils t'ont prié [mon Dieu !] pendant leur courte vie, Ils ont souri quand tu les as frappés
FRIVOLEJamais cette troupe frivole, Qui passe en riant devant moi, N'aura besoin qu'une parole Lui dise : je pleure avec toi
FROID, OIDEMon âme avec effroi regarde derrière elle, Et voit son peu de jours passés et déjà froids, Comme la feuille sèche autour du tronc des bois
FRONTPourquoi balancez-vous vos fronts que l'aube essuie, Forêts, qui tressaillez avant l'heure du bruit ?
FRUITC'est alors que ma paupière Vous vit pâlir et mourir, Tendres fruits qu'à la lumière Dieu n'a pas laissés mûrir !
FUGITIF, IVEMais les fugitives pensées Ne suivent plus tes flots errants, Comme ces feuilles dispersées Que ton onde emporte aux torrents
FUMANT, ANTEVagues ... Pourquoi secouez-vous votre écume fumante En légers tourbillons ?
FUMIERAlors semblable à l'ange envoyé du Très Haut, Qui vint sur son fumier prendre Job en défaut
FUYANT, ANTEAdieu, monde fuyant, nature, humanité, Vaine forme de l'être, ombre d'un météore, Nous te connaissons trop pour nous tromper encore
GAGEPrions ; le jour au jour ne donne point de gage, Et le dernier rayon, en sortant du nuage, Ne nous a pas juré de remonter demain
GIVREMontagnes que voilait le regard de l'automne, Vallons que tapissait le givre du matin !
GLACELes ans terniront cette glace, Où la nature te retrace Les merveilles du saint des saints
GLACÉ, ÉEJe ne suis plus qu'une pensée, L'univers est mort dans mon coeur, Et sous cette cendre glacée Je n'ai trouvé que le Seigneur
GLAIVED'un autre Sinaï fais flamboyer la cime, Retrempe au feu du ciel la parole sublime, Ce glaive de l'esprit émoussé par le temps
GLANDEt cette force qui renferme Dans un gland le germe du germe D'êtres sans nombres et sans fin
GLANERVoilà l'enfant des chaumières Qui glane sur les bruyères Le bois tombé des forêts
GLASQuand la cloche des ténèbres Balance ses glas funèbres
GLISSERCouverte de sa voile blanche, La barque, sous son mât qui penche, Glisse et creuse un sillon mouvant
GLISSERVoici l'heure où je viens, à la chute des jours, Me glisser sous ta voûte obscure, Et chercher, au moment où s'endort la nature, Celui qui veille toujours
GOLFEQue ne peut-elle [l'âme], ô mer, sur tes bords qu'elle envie Trouver, comme ta vague, un golfe dans la vie ?
GOSIERToi qui donnas son âme et son gosier sonore à l'oiseau que le soir entend gémir d'amour
GOÛTQuand l'avenir n'a plus de charmes, Qui fassent désirer demain, Et que l'amertume des larmes Est le seul goût de notre pain
GRANDI, IELe voyageur.... Trouvant l'herbe grandie ou le sentier plus rude
GRÈVEQue j'aime à contempler dans cette anse écartée La mer qui vient dormir sur la grève argentée, Sans soupir et sans mouvement !
GROSSI, IEMon coeur, grossi par mes pensées, Comme tes flots dans ton bassin, Sent, sur mes lèvres oppressées, L'amour déborder de mon sein
HALEINEOù vont ces rapides nuages, Que roule à flocons d'or l'haleine des autans ?
HALTETu demandes de moi les haltes de ma vie ? Le compte de mes jours ?... mes jours, je les oublie
HARMONIECes harmonies, prises séparément, semblent n'avoir aucun rapport l'une avec l'autre ; considérées en masse, on pourrait retrouver un principe d'unité dans leur diversité même ; car elles étaient destinées, dans la pensée de l'auteur, à reproduire un grand nombre des impressions de la nature et de la vie sur l'âme humaine
HARMONIELorsque le rossignol enivré d'harmonie....
HARMONIEOui, je le crois, quand je t'écoute, L'harmonie est l'âme des cieux.... L'antiquité l'a dit, et souvent son génie Entendit dans la nuit leur lointaine harmonie
HARMONIEUX, EUSEToi qui dis aux forêts : répondez au zéphyre ! Aux ruisseaux : murmurez d'harmonieux accords ! Aux torrents : mugissez ! à la brise : soupire ! à l'océan : gémis en mourant sur tes bords !
HARMONIEUX, EUSEL'harmonieux éther, dans ses vagues d'azur, Enveloppe les monts d'un fluide plus pur
HERBEToute herbe aux champs est glanée ; Ainsi finit une année, Ainsi finissent nos jours
HEURETu voudrais cependant que sur un cénotaphe La gloire t'inscrivît ta ligne d'épitaphe, Et promît à ton nom de temps en temps cité, Ses heures de mémoire et d'immortalité
HIRONDELLEVoilà l'errante hirondelle Qui rase du bout de l'aile L'eau dormante des marais
HOMMEL'instinct de sa faiblesse [de l'homme] est sa toute-puissance ; Pour lui l'insecte même est un objet d'effroi ; Mais le sceptre du globe est à l'intelligence, L'homme s'unit à l'homme, et la terre a son roi
HOSANNAChaque heure a son tribut, son encens, son hommage, Qu'elle apporte en mourant aux pieds de Jéhova ; Ce n'est qu'un même sens dans un divers langage ; Le matin et le soir lui disent : hosanna !
HUMECTEREt mon regard long, triste, errant, involontaire, Les suivait et de pleurs sans chagrin s'humectait
HYMNEDans l'hymne de la nature, Seigneur, chaque créature Forme à son heure en mesure Un son du concert divin
IMMENSITÉIl me semblait, mon Dieu, que mon âme oppressée Devant l'immensité, s'agrandissait en moi, Et sur les vents, les flots ou les feux élancée, De pensée en pensée allait se perdre en toi
IMMENSITÉEt moi, pour te louer, dieu des soleils, qui suis-je ? Atome dans l'immensité, Minute dans l'éternité....
IMMORTEL, ELLEIl lui faut [à l'homme] l'espérance et l'empire et la gloire, L'avenir à son nom, à sa foi des autels, Des dieux à supplier, des vérités à croire, Des cieux et des enfers, et des jours immortels
INAPERÇU, UEPâle lampe du sanctuaire, Pourquoi dans l'ombre du saint lieu, Inaperçue et solitaire, Te consumes-tu devant Dieu ?
INEXTINGUIBLECris du sang, voix des morts, plaintes inextinguibles, Montez, allez frapper les voûtes insensibles Du palais des destins
INFINI, IEEt devant l'infini, pour qui tout est pareil, Il est donc aussi grand d'être homme que soleil !
INFINI, IESi la prière enfin de ses pleurs vous inonde, Et devant l'infini fait fléchir vos genoux
INIQUITÉLes enfants héritant l'iniquité des pères
INONDERD'où me vient, ô mon Dieu, cette paix qui m'inonde ?
INSPIRATEUR, TRICECe jour inspirateur [le clair de lune] et qui la fait rêver [la pensée], Vers les choses d'en haut l'invite à s'élever
JÉHOVAHRegardez en avant et non pas en arrière, Le courant roule à Jéhovah !
JEUNESSEC'est une jeune fiancée Qui, le front ceint du bandeau, N'emporta qu'une pensée De sa jeunesse au tombeau
JOUETOn dit que ce brillant soleil N'est qu'un jouet de ta puissance ; Que sous tes pieds il se balance Comme une lampe de vermeil
JOUETIls furent ce que nous sommes, Poussière, jouet du vent ! Fragiles comme des hommes, Faibles comme le néant !
JOURC'est que d'un toit de chaume une faible fumée, Un peu d'herbe le soir par le pâtre allumée, Suffit pour obscurcir tout le ciel d'un vallon, Et dérober le jour au plus pur horizon
JOURDe labeur en labeur l'heure à l'heure enchaînée Vous porte sans secousse au bout de la journée ; Le jour plein et léger tombe, et voilà le soir
JOURLe soir est près de l'aurore ; L'astre à peine vient d'éclore Qu'il va terminer son tour ; Il jette par intervalle Une lueur de clarté pâle Qu'on appelle encore un jour
JOURVivre, non de ce bruit dont l'orgueil nous enivre, Mais de ce pain du jour qui nourrit sobrement, De travail, de prière et de contentement
JOURCrois-tu que ce reflet de la splendeur suprême Soit ce mot profané qui passe tour à tour Du grand homme d'hier au grand homme du jour ?
JOURC'est un ami de l'enfance Qu'aux jours sombres du malheur Nous prêta la Providence Pour appuyer notre coeur
JOURToute herbe aux champs est glanée ; Ainsi finit une année, Ainsi finissent nos jours
JOURJe pleure dans mon ciel tant d'étoiles éteintes ! Elle fut la première, et sa douce lueur D'un jour pieux et tendre éclaire encor mon coeur
JUSDe quelque jus divin que Dieu nous la remplisse, Toute l'eau de la vie a le goût du calice
LAMESi vous aimez à voir les étoiles éclore, Ou la lune onduler dans la lame des mers
LAMPEPâle lampe du sanctuaire, Pourquoi, dans l'ombre du saint lieu, Inaperçue et solitaire, Te consumes-tu devant Dieu ?
LETTRESi leurs pieds souvent glissèrent, Si leurs lèvres transgressèrent Quelque lettre de ta loi, Ô père, ô juge suprême, Ne regarde en eux que toi
LEVER[Ô lune] Astre ami du repos, des songes, du silence, Tu ne te lèves pas seulement pour les yeux
LIMPIDITÉQue son oeil était pur, et sa lèvre candide ! Le beau lac de Nemi qu'aucun souffle ne ride A moins de transparence et de limpidité
LINCEULElle a dormi quinze ans dans sa couche d'argile, Et rien ne pleure plus sur son dernier asile ; Et le rapide oubli, second linceul des morts, A couvert le sentier qui menait vers ces bords
LITL'enfant dont la mort cruelle Vient de vider le berceau, Qui tomba de la mamelle Au lit glacé du tombeau
LUNELa lune est dans le ciel, et le ciel est sans voiles ; Comme un phare avancé sur un rivage obscur, Elle éclaire de loin la route des étoiles
LUTTESentais-tu la lutte éternelle Du bonheur et de la vertu, Et la lutte encor plus cruelle Du coeur par le coeur combattu ?
LUTTEURComme un lutteur grandi, qui sent son bras plus fort
LUXETable riche des dons que l'automne étalait, Où les fruits du jardin, où le miel et le lait, Assaisonnés des soins d'une mère attentive, De leur luxe champêtre enchantaient le convive
MÂNESAh ! vous pleurer est le bonheur suprême, Mânes chéris de quiconque a des pleurs ; Vous oublier, c'est s'oublier soi-même ; N'êtes-vous pas un débris de nos coeurs ?
MANTEDepuis l'heure charmante Où le servant d'amour, Sa harpe sous sa mante, Venait pour une amante Soupirer sous la tour
MARCHANT, ANTEComme ce feu marchant que suivait Israël
MATINCe soleil du matin qui réjouit ton coeur, Comme un arbre au rocher fixé par sa racine, Te retrouve toujours sur la même colline
MATINL'horizon trompeur de cet âge Brillait, comme on voit, le matin, L'aurore dorer le nuage
MÉLODIEUX, EUSECe soupir de la nuit pieuse, Oiseau mélodieux, c'est toi !
MÊMEEt l'âme se fond en prière, Et s'entretient avec les cieux, Et les larmes de la paupière Sèchent d'elles-même à nos yeux
MERQue j'aime à contempler dans cette anse écartée La mer qui vient dormir sur la grève argentée, Sans soupir et sans mouvement !
MÈREC'est une mère ravie à ses enfants dispersés, Qui leur tend de l'autre vie Ces bras qui les ont bercés
MERVEILLELà, près des ruches des abeilles, Arachné tisse ses merveilles
MÈTREQu'il est doux de voir sa pensée, En mètres divins cadencée, Monter soudain comme l'encens !
MILLETu dis au temps d'enfanter, Et l'éternité docile, Jetant les siècles par mille, Les répand sans les compter
MINUTEEt moi, pour te louer, Dieu des soleils, qui suis-je ! Atome dans l'immensité, Minute dans l'éternité
MIRERLe soir retient ici son haleine expirante, De crainte de ternir la glace transparente Où se mire le firmament
MORSLes uns [peuples] indomptés et farouches, Les autres rongeant dans leurs bouches Les mors des tyrans et des dieux
MOUTONNÉ, ÉE...le champ des tombeaux, Où l'herbe moutonnée Couvre, après la journée [après la vie], Le sommeil des hameaux
MÛRIRQu'avec crainte et docilité Ta parole en mon coeur mûrisse
MURMURANT, ANTESource limpide et murmurante, Qui de la fente du rocher Jaillis en nappe transparente Sur l'herbe que tu vas coucher
MURMUREVoilà donc le séjour d'un peuple et le murmure De ces innombrables essaims Que la terre produit et dévore à mesure
MURMURERMon coeur à ce réveil du jour que Dieu renvoie.... Murmure en s'éveillant son hymne intérieur, Demande un jour de paix, de bonheur, d'innocence
MURMURERSavez-vous son nom [du Seigneur] ? la nature Réunit en vain ses cent voix ; L'étoile à l'étoile murmure : Quel Dieu nous imposa nos lois ?
NARGHILEH ou NARGUILÉQuand, ta main approchant de tes lèvres mi-closes Le tuyau de jasmin vêtu d'or effilé, Ta bouche, en aspirant le doux parfum des roses, Fait murmurer l'eau tiède au fond du narguilé
NÉANTTriste comme la mort ? et la mort souffre-t-elle ? Le néant se plaint-il à la nuit éternelle ?
NIDLa vie a dispersé, comme l'épi sur l'aire, Loin du champ paternel les enfants et la mère ; Et ce foyer chéri ressemble aux nids déserts D'où l'hirondelle a fui pendant de longs hivers
NOCTURNE.... un autre poëte.... Dans son âme envie et répète Ton hymne nocturne aux forêts
NOIR, OIRELa nuit roule en silence autour de nos demeures Sur les vagues du ciel la plus noire des heures
NOMTu voudrais cependant que sur un cénotaphe La gloire t'inscrivît ta ligne d'épitaphe, Et promît à ton nom, de temps en temps cité, Ses heures de mémoire et d'immortalité
NOMCe doux repos du coeur qui suit un saint soupir, Ces troubles que d'un mot ton nom vient assoupir, Mon Dieu, donnent à l'âme ignorante et docile Plus de foi dans un jour qu'il n'est besoin pour mille
NOMPourquoi le prononcer ce nom de la patrie ? Dans son brillant exil mon coeur en a frémi
NOMNotre vie est semblable au fleuve de cristal Qui sort humble et sans nom de son rocher natal
NOMBRENous répétons les vers de ces hommes divins Qui dérobent des sons aux luths des séraphins, Ornent la vérité de nombre et de mesure, Et parlent par image ainsi que la nature
NOTELa nature a deux chants, de bonheur, de tristesse, Qu'elle rend tour à tour ainsi que notre coeur ; De l'une à l'autre note elle passe sans cesse ; Homme, l'une est ta joie, et l'autre ta douleur
NUITPourquoi balancez-vous vos fronts que l'aube essuie, Forêts qui tressaillez avant l'heure du bruit ? Pourquoi de vos rameaux répandez-vous en pluie Ces pleurs silencieux dont vous baigna la nuit ?
OCÉANComme sur l'Océan la vague au doux roulis, Berçant du jour au soir une algue dans ses plis
OCÉANLa lune est dans le ciel, et le ciel est sans voiles ; Elle éclaire de loin la route des étoiles, Et leur sillage blanc dans l'océan d'azur
ONDULANT, ANTEEt ce firmament que retrace Le cristal ondulant des flots
OPAQUEÀ travers l'ombre opaque et noire Des hauts cyprès du promontoire
ORNIÈREEt son axe de flamme [du jour], aux bords de sa carrière, Tourne, et creuse déjà son éclatante ornière Sur l'horizon roulant des mers
OUBLIERAh ! vous pleurer est le bonheur suprême, Mânes chéris de quiconque a des pleurs ; Vous oublier c'est s'oublier soi-même : N'êtes-vous pas un débris de nos coeurs ?
PAGELes cieux pour les mortels sont un livre entr'ouvert.... Chaque siècle avec peine en déchiffre une page
PAIXD'où me vient, ô mon Dieu, cette paix qui m'inonde ?
PAIXAh ! c'est que j'ai quitté pour la paix du désert La foule où toute paix se corrompt et se perd
PÂLIREt la moitié du ciel pâlissait, et la brise Défaillait dans la voile....
PARFUMERJ'ai passé l'âge heureux où la fleur de la vie, L'amour, s'épanouit et parfume le coeur
PARLANT, ANTEItalie ! Italie ! ah pleure tes collines [de Rome].... Voilà le plus parlant de tes sacrés débris
PAROLEL'obscurité, le doute ont brisé sa boussole [du monde], Et laissent diverger, au vent de la parole, L'encens des nations
PAVOT[à la nuit] L'illusion se glisse en notre âme amollie, Et l'air, plein de silence et de mélancolie, Des pavots du sommeil enivre la raison
PÉNÉTRANT, ANTEMon Dieu !... Je n'ai point entendu monter jamais vers toi D'accords plus pénétrants, de plus divin langage Que ces concerts muets qui s'élèvent en moi
PILIERJ'ai retrouvé... Et ces monts, bleus piliers d'un cintre éblouissant, Et mon ciel étoilé d'où l'extase descend
PLEURERMais pourquoi m'entraîner vers ces scènes passées ? Laissons le vent gémir et le flot murmurer ; Revenez, revenez, ô mes tristes pensées ; Je veux rêver et non pleurer
PLEURERSoit qu'il naisse ou qu'il meure, Il faut que l'homme pleure Ou l'exil ou l'adieu
PLEUVOIRCe n'est qu'une eau qui pleut sur le rocher sonore
PLINul souci sur son front n'avait laissé son pli ; Tout folâtrait en elle
PORTEEt [dans un coucher de soleil] vers l'occident seul, une porte éclatante Laissait voir la lumière à flots d'or ondoyer
POSER[Au soir] Les brises du matin se posent pour dormir, Le rivage se tait, la voile tombe vide
PRÉLUDERQuand ta voix céleste prélude Aux silences des belles nuits, Barde ailé de ma solitude [le rossignol], Tu ne sais pas que je te suis !
PRESQUERoulez dans vos sentiers de flamme, Astres, rois de l'immensité ! Insultez, écrasez mon âme Par votre presque éternité
PRIÈREPourquoi vous fermez-vous, maison de la prière [l'église] ? Est-il une heure, ô Dieu, dans la nature entière Où le coeur soit las de prier ?
PROCLAMERVoulez-vous, ô mortels, que ce Dieu se proclame ?
PYRAMIDER[On] Le voit [le chêne] tout noyé dans l'aurore Pyramider dans le lointain
QUEL, QUELLEQuelle de mes tristes pensées Avec tes flots n'a pas coulé ?
RÂTEAU....La blanche colombe et l'humble passereau Se disputent l'épi qu'oublia le râteau
RECOMMENCERLà jamais ne s'élève Bruit qui fasse penser ; Jusqu'à ce qu'il s'achève On peut mener son rêve Et le recommencer
RECRÉPIR[Vous dites à chaque génération] : Recrépis le vieux mur écroulé sur ta race
REDESCENDRERedescendez, mes yeux, des célestes campagnes
REGRETTEREt tandis que le vice, amoureux des ténèbres, Ferme les yeux au jour et regrette la nuit
REGRETTERVenez, venez, dit-il à l'amour qui regrette, Au génie opprimé sous un ingrat oubli
REMPLI, IEDe ces soins innocents l'âme heureuse et remplie Ne doute pas du Dieu qu'elle porte avec soi
RENDORMIR....Dès qu'un moment le vent s'est rendormi
RÉPANDRE.... Ces coeurs généreux Qui, méconnus, s'ouvrent encore Pour se répandre aux malheureux
RÉPÉTÉ, ÉEEt qu'est-ce que la gloire ? un vain son répété, Une dérision de notre vanité
RÉPÉTERD'une chaste harmonie enivrant nos oreilles, Nous répétons les vers de ces hommes divins Qui parlent par image ainsi que la nature
REPLOYEREt plus loin, où la plage en croissant se reploie
REPOLIRC'est que l'âme de l'homme est une onde limpide Dont l'azur se ternit à tout vent qui la ride, Mais qui, dès qu'un moment le vent s'est rendormi, Repolit la surface....
REPOSAstre ami du repos, des songes, du silence
REPOSCe poids léger du temps que le travail emploie, Ce doux repos du coeur....
REPOSTandis que la nature et les astres sommeillent Dans un repos silencieux
RÉPUGNERMon âme a, quelques jours, animé de sa vie Un peu de cette fange à ces sillons ravie, Qui répugnait à vivre et tendait à la mort
RÉSONNERIl n'est pas dans mon coeur Une fibre qui n'ait résonné sa douleur
RETIRERLe soleil, qui descend de nuage en nuage, à mesure qu'il baisse et retire le jour....
RETRANCHERIl [un arbrisseau] rampe près de terre, où ses rameaux penchés Par la dent des chevreaux sont toujours retranchés
RETREMPERD'un autre Sinaï fais flamboyer la cime, Retrempe au feu du ciel la parole sublime
RÊVELà jamais ne s'élève Bruit qui fasse penser ; Jusqu'à ce qu'il s'achève, On peut mener son rêve Et le recommencer
RÉVEILLà [dans un cimetière] tout dit : espérance ; Tout parle de réveil
RÊVERRevenez, revenez, ô mes tristes pensées ; Je veux rêver et non pleurer
REVIVREEt de ceux que j'aimais l'image évanouie Se lève dans mon âme, et je revis ma vie !
RÉVOLU, UEEn vain les vagues des années Roulent dans leur flux et reflux Les croyances abandonnées Et les empires révolus
RIDEEn rides sur mon front mes jours se sont écrits
RIDE[Le soir] La mer roule à ses bords la nuit dans chaque ride, Et tout ce qui chantait semble à présent gémir
RIVERL'homme naît, vit, meurt avec toi : Chacun des anneaux de sa vie, ô Christ, est rivé par ta foi
ROULERCes pas, ces voix, ces cris, cette rumeur immense Seront déjà rentrés dans l'éternel silence ; Les générations rouleront d'autres flots
ROULERMais sous l'aquilon qui les roule [les nuages] En mille plis capricieux.....
ROULERLes bruits majestueux qui roulent Du sein orageux des cités
ROULISComme sur l'océan la vague au doux roulis....
ROUTELa lune est dans le ciel, et le ciel est sans voiles.... Elle éclaire de loin la route des étoiles, Et leur sillage blanc dans l'océan d'azur
ROUTENe porte point envie à ceux qu'un autre vent Sur les routes du monde a conduits plus avant
RUISSELERIl [l'Indien] s'incline, il chante, il adore L'astre d'où ruisselle le jour
SABLIEREt vous qui ne pouvez.... Dérober une feuille au souffle qui l'enlève.... Ni dans son sablier qui coule intarissable, Ralentir d'un moment, d'un jour, d'un grain de sable La chute éternelle du temps
SAIGNANT, ANTEFrappe encore, ô douleur, si tu trouves la place ! Frappe ! ce coeur saignant t'abhorre et te rend grâce
SANCTUAIREPâle lampe du sanctuaire, Pourquoi, dans l'ombre du saint lieu, Inaperçue et solitaire, Te consumes - tu devant Dieu ?
SANGSerions-nous donc pareils au peuple déicide, Qui, dans l'aveuglement de son orgueil stupide, Du sang de son Sauveur teignit Jérusalem ?
SARCASMEAlors je suis tenté de prendre l'existence Pour un sarcasme amer d'une aveugle puissance
SATISFAIT, AITE[L'homme] Plus grand que son destin, plus grand que la nature, Ses besoins satisfaits ne lui suffisent pas ; Son âme a des destins qu'aucun oeil ne mesure, Et des regards portant plus loin que le trépas
SCEAU[Nos morts] Ils ont souffert ; c'est une autre innocence ! Ils ont aimé ; c'est le sceau du pardon !
SCEPTIQUEMais du Dieu trois fois saint notre injure est l'injure ; Faut-il l'abandonner au mépris du parjure, Aux langues du sceptique ou du blasphémateur ?
SCULPTERElle [la terre] déroule au loin ses horizons divers Où se joua la main qui sculpta l'univers
SECONDE....Et ce que l'homme entend par immortalité, C'est-à-dire un écho qui dure une seconde
SERREQuand l'imposture ou la bassesse Livraient l'innocente faiblesse Aux serres du crime puissant
SERVANTDepuis l'heure charmante Où le servant d'amour..., Venait pour une amante Soupirer sous la tour
SIFFLETPuis un souffle d'en haut se lève, et toute chose Change, tombe, périt, fuit, meurt, se décompose, Comme au coup de sifflet des décorations
SILENCE[Durant la nuit] Un silence pieux s'étend sur la nature
SILLAGEElle [la lune] éclaire de loin la route des étoiles, Et leur sillage blanc dans l'océan d'azur
SILLONEt l'homme cependant, cet insecte invisible, Rampant dans les sillons d'un globe imperceptible, Mesure de ces feux [les astres] les grandeurs et les poids
SOBREMENTVivre, non de ce bruit dont l'orgueil nous enivre, Mais de ce pain du jour qui nourrit sobrement, De travail, de prière et de contentement
SOCIAL, ALEIl [l'homme] fonde les cités, familles immortelles ; Et, pour les soutenir, il élève les lois, Qui, de ces monuments colonnes éternelles, Du temple social se divisent le poids
SOIRQu'un vent vienne à souffler du soir ou de l'aurore....
SOLEILAinsi coule la vie en paisibles soleils
SOLITUDEL'esprit de la prière et de la solitude Qui plane sur les monts, les torrents et les bois, Dans ce qu'aux yeux mortels la terre a de plus rude, Appela de tout temps les âmes de son choix
SOLLICITERLa voix du laboureur ou de l'enfant joyeux Sollicitant le pas du boeuf laborieux
SOMBRERComme un navire en feu qui sombre à l'horizon
SONOREToi qui donnas son âme et son gosier sonore à l'oiseau que le soir entend gémir d'amour
SOURCESource limpide et murmurante, Qui de la fente du rocher Jaillis en nappe transparente
SURABONDERD'où me vient cette foi dont mon coeur surabonde ?
SURGI, IEComme le filet d'eau qui, surgi de la terre, Y rentre de nouveau par la terre englouti
SURNAGERTu sais.... Qu'à cette épaisse nuit qui descend d'âge en âge à peine un nom par siècle obscurément surnage
SYMBOLIQUEEt la création, toujours, toujours nouvelle, Monte éternellement la symbolique échelle Que Jacob rêva devant lui [le Verbe]
TABERNACLESalut ! ô sacrés tabernacles, Où tu descends, Seigneur, à la voix d'un mortel !
TANDISMais tandis, ô mon Dieu, qu'aux yeux de ton aurore Un nouvel univers chaque jour semble éclore
TENTEEt qu'est-ce que la terre ? une prison flottante, Une demeure étroite, un navire, une tente
TENTERC'est Dieu, pensais-je, qui m'emporte.... Quels cieux ne tenterons-nous pas ?
TERNIRLe soir retient ici son haleine expirante, De crainte de ternir la glace transparente Où se mire le firmament
TERNIRL'ignorance a terni tes lumières sublimes [de l'Évangile]
TERREVoilà donc le séjour d'un peuple, et le murmure De ces innombrables essaims Que la terre produit et dévore à mesure
TERREQuel que soit le destin que couve l'avenir, Terre [Italie], enveloppe-toi de ton grand souvenir !
TERREAh ! nous [chrétiens] n'avons que trop aux maîtres de la terre Emprunté pour régner leur puissance adultère
TIÈDEMon coeur est tiède encor des feux de ma jeunesse
TOITNe souffre pas, mon Dieu, que notre humble héritage Passe do mains en mains troqué contre un vil prix, Comme le toit du vice ou le champ des proscrits !
TOITEt du toit paternel le seuil ou la fumée
TRANSGRESSERSi leurs pieds souvent glissèrent, Si leurs lèvres transgressèrent Quelque lettre de ta loi
UNIVERSEt pour lui [un campagnard] l'univers s'étendait de la pente Où sous ces peupliers son beau fleuve serpente, Jusqu'à ces monts voisins....
UNIVERSEL, ELLEJusqu'à ce qu'étendue enfin sur la terre et les mers, L'universelle nuit pèse sur l'univers
URNESi de ton nom pourtant tu veux l'entretenir [le coeur qui t'aime], Grave ces simples mots sur ton urne à venir
VAGUEL'air, chargé de ces sons, qu'il emporte sur l'onde.... Semble, comme une mer où la tempête gronde, Rouler des flots de voix et des vagues de bruit
VANNEURLe passereau suit le vanneur, Et l'enfant s'attache à sa mère
VENIRL'esprit de la prière et de la solitude.... Appela de tout temps les âmes de son choix : Venez, venez, dit-il à l'amour qui regrette, Au génie opprimé sous un ingrat oubli....
VERMOULU, UESceptres, glaives, faisceaux, haches, houlette, armure, Symboles vermoulus, fondent sous votre main
VERMOULU, UESilencieux réduit [une bibliothèque], où des rayons de bois, Par l'âge vermoulus....
VERT, ERTEIl fuit [le temps], et mes vertes années Disparaissent de mon regard
VEUF, VEUVEIl n'est plus [un ami d'enfance], notre âme est veuve
VIBRÉ, ÉEQuand tes accords, vibrés en sons courts et rapides
VIBRERTon âme [d'une chanteuse] dont l'écho vibre dans chaque oreille
VIEDans ton sein [de la nature] qu'est-ce qu'une vie ? Ce qu'est une goutte de pluie Dans les bassins de l'océan
VOILERDes pleurs voilent son sourire [d'une mère], Et son regard semble dire....
VOIXIl [Dieu] prête sa parole à la voix qui le nie ; Il compatit d'en haut à l'erreur qui le prie ; à défaut de clartés il nous compte un désir ; La voix qui crie Allah, la voix qui dit mon père, Lui portent l'encens pur et l'encens adultère ; à lui seul de choisir
VOIXToi qui donnes sa voix à l'oiseau de l'aurore, Pour chanter dans le ciel l'hymne naissant du jour
VOIXLe bruit de la foudre qui gronde Et s'éloigne en baissant la voix, Le sifflement des vents sur l'onde, Les sourds gémissements des bois
VOIXOu l'orageux forum d'un peuple de héros, Dont la voix des tribuns précipitait les flots
VOLUTE[Un lierre qui].... recourbant en arc sa volute rustique, Fait le seul ornement du champêtre portique
VOÛTEUn monde est assoupi sous la voûte des cieux
VOYAGEEn avançant dans notre obscur voyage, Du doux passé l'horizon est plus beau ; En deux moitiés notre âme se partage, Et la meilleure appartient au tombeau
VOYAGEUR, EUSEComme la vague orageuse S'apaise en touchant le bord, Comme la nef voyageuse S'abrite à l'ombre du port

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